Point de vue

Contraire

C'est le soir. Il n'y a presque pas de lumière, tout est sombre et plat. Le soleil est déjà couché. Il n'y a ce soir là de l'agitation dans aucune rue. Ni trams, ni bus, ni voiture, ni même de piétons, excepté quelques errants qui se moquent bien des boutiques espacées qui sont fermées. Il fait froid, et il n'y a aucun vent chaud venu du sud pour tenter de réchauffer les quelques passants. Les feuilles des arbres sont immobiles, comme figées dans le temps. Il n'y a pas un bruit. 

Une femme marche lentement sur le trottoir désert, elle n'a aucune idée de l'heure qu'il est , elle s'en moque bien : elle n'a rien à faire. Elle connait bien la ville, elle sait où elle va. Plutôt petite, on ne pouvait dire qu'elle était belle, des cheveux longs, un âge indéchiffrable. Elle est au chômage, et a une nombreuse famille dont elle doit s'occuper. Elle porte une veste de survêtement, large et informe, avec un bas de training blanc. La ménagère des bas quartiers. Il n'y a rien sur quoi trébucher, et pourtant elle trébuche, et cogne brutalement une poubelle.

Derrière elle vient un homme. Il est sans doute plus jeune qu'elle. Il court presque, sans un regard pour ce qui l'entoure, il est pressé. Il n'a pas le temps de profiter de sa soirée, il travaille le lendemain. Pas de congés pour les meilleurs, c'est sa femme qui s'occupe de l'enfant, elle n'a rien d'autre faire de toutes manières. De plus, il n'aime pas particulièrement s'occuper de son enfant, c'est son premier. Il ne sourit pas, il à l'air tendu. Sa femme et son enfant doivent probablement être en train de manger à l'heure qu'il est, ils ont l'étage pour eux seuls. Il n'a pas besoin de traverser, il reste sur le même trottoir. Il peste contre le grincement des corbeaux.

Tandis qu'il continue de marcher droit devant lui, il bouscule quelqu'un. Cela le fâche, il n'est pas de bonne humeur, il ne s'excuse pas, et puis quoi encore ! C'est un vieux monsieur qu'il a heurté, à l'air fatigué. Celui ci s'excuse poliment et repart sans laisser le temps à l'autre de faire quoi que ce soit.

La dame qui est dans la rue également rigole, pour oublier sa propre maladresse, l'homme lui jète un regard noir. Or ils vont dans le même sens, et ne peuvent s'empêcher par la suite de se quereller vulgairement.