Chapitre 4 - Prémices (partie 1)

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Comme la suite précédente était courte et pour célébrer dignement la reprise, voici un bonus exceptionnel ! Bonne lecture !

Maison de Jordan et Angie.

Angie m'a installée d'autorité sur le canapé devant la cheminée. Il paraît que je dois me reposer donc elle fait la vaisselle seule. J'aurais bien allumé un feu mais en plein été... Alors, je me contente de cogiter. Nous avons dîné tranquillement de ce repas simple et savoureux. Nous n'avons pas reparlé de mes « talents » inattendus. Je crois qu'elle attend que j'aborde le sujet. Mais je n'ai rien de plus à en dire. Je sais faire. Je sais que je sais faire. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Mais finalement, est-ce si important ? Je commence à admettre que ma mémoire est définitivement perdue et que je vais devoir faire avec ce que je suis aujourd'hui. Et honnêtement, je me dis que ce n'est pas plus mal. Je ne sais pas ce qu'il y a dans mon passé. Mais cela met Angie mal à l'aise. Voire, cela lui fait peur. Alors, il est sans doute préférable que je laisse tout ça dans l'ombre. Le principal problème, quand même, c'est mon métier. Sans mémoire, cela va être compliqué. Comment je peux me rappeler comment découper des légumes et pas mon métier ? Cela n'a pas de sens. Sauf que... la mémoire des gestes, du corps d'un côté, la mémoire pure de l'autre... Hum... Je constate aussi que je ne me sens pas désespérée à l'idée de perdre mon métier. Je me sens insouciante. J'hallucine un peu, je devrais être paniquée.

Perdue dans mes pensées, je n'ai pas entendu Angie s'approcher. Elle se glisse à ma droite, tout contre moi, sa main sur le haut de mon sein gauche. J'enlace ses épaules de mon bras droit. On reste tranquille, l'une contre l'autre. Les yeux fermés, je savoure les effluves de son parfum qui remonte jusqu'à moi, la chaleur de son corps contre le mien, la douceur de ses cheveux sous mes lèvres. Elle frissonne de ce baiser spontané et empreint de tendresse. Elle relève la tête légèrement, le regard concentré sur mes lèvres et se rapproche lentement. Encore une fois, mon cœur anticipe un contact avec un sprint effréné. Je sursaute violemment quand une sonnerie de téléphone déchire le silence. Un regard désespéré et elle se précipite sur son téléphone. Elle hésite un instant à répondre mais finit par décrocher et s'éloigner vers la cuisine. Mon regard contemple à loisir sa silhouette, ses courbes harmonieuses. Je ne peux nier que j'ai terriblement envie de les suivre de mes mains, de mes lèvres. Je veux la sentir réagir et perdre pied sous mes caresses. Je vois voir ses yeux s'assombrir... En revenant sur son visage, je prends conscience qu'elle est contrariée. J'essaie de comprendre la conversation :

— Tout va bien, Valérie. Ne t'inquiète pas.

— ...

— C'est différent.

— ...

— Parce que je te le dis.

— ...

— Non, vraiment, ce n'est pas nécessaire.

Elle soupire discrètement et me regarde. Je sens son hésitation. Je ne sais pas quel est le problème mais je lui souris. Elle reprend la conversation.

— Bon d'accord. Demain, si tu veux.

— ...

— Non, chez toi.

— ...

— C'est ça ou rien, Valérie. Ne pousse pas le bouchon.

— ...

— OK. À demain donc.

Elle raccroche agacée et nerveuse. Je lui tends la main par-dessus le dossier du canapé pour qu'elle s'approche. Le regard baissé, elle s'avance pour prendre ma main. Elle reste figée derrière le canapé. Sur une impulsion, je la rejoins. Sans hésitation, je la soulève dans mes bras et la ramène sur le canapé. Elle s'éloigne légèrement de moi. Perplexe, je réalise que je dois tenter de comprendre ce qui la chagrine.

— Que se passe-t-il ?

— Rien de grave.

— Mais encore ?

Elle soupire et elle tente de partir en me lâchant :

— Rien. Tout va bien.

Je la retiens par la main et par mes mots :

— J'ai besoin de toi. J'ai besoin que tu me fasses confiance. J'ai besoin de sentir que tu tiens à moi. Vraiment.

Elle revient vers le canapé et s'agenouille sur mes cuisses. Elle prend mon visage entre ses mains et le baiser que nous échangeons est doux, chaud, sensuel. L'expression de nos sentiments. Mes mains se sont emparées de ses hanches et je la retiens tout contre moi. Elle pose sa tête contre mon épaule et je glisse mes mains dans son dos pour la serrer très fort. Son bras derrière ma nuque, sa main accrochée à mon épaule, l'autre sur mon cœur. Nous sommes comme imbriquées, en parfaite symbiose, nos respirations à l'unisson. Je ferme les yeux pour parfaire la sensation. Le décor n'existe plus, il n'y a que nous. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi mais un bip de son téléphone nous ramène à la réalité. Elle se détache et se rassied à côté de moi. D'une voix hésitante, elle suggère :

— On devrait aller dormir. Il se fait tard.

— Dès que tu m'auras parlé de ton coup de fil perturbateur, ma belle.

Son regard est accusateur, elle m'en veut d'insister. Je ne faiblis pas et elle finit par céder avec un soupir agacé :

— C'est Valérie.

— Ça, j'avais compris. C'est qui ?

— Une amie. Elle est standardiste à l'hôpital. C'est elle qui m'a prévenue pour ta mère.

— Et que veut-elle ?

— Me voir.

— C'est un problème ?

— ... Non.

— Alors pourquoi j'ai cette impression ?

— C'est juste que... je ne veux pas te laisser seule pour l'instant.

Je ne suis pas sûre qu'elle me dise la vérité. Que peut-elle bien vouloir me cacher ? Je continue mon enquête :

— Pas de problème, je viens avec toi.

— Non.

— Comment ça non ?

Elle se triture les mains nerveusement à présent.

— Ce n'est pas une bonne idée.

— Pourquoi ?

Elle lâche sa réponse comme un dernier coup de poker :

— Vous ne vous appréciez pas beaucoup.

— Pas du tout, tu veux dire ?

— C'est ça.

— Dans ce cas, il est hors de question que je te laisse seule avec elle. Je viens avec toi.

Elle se mord les lèvres. Je sens qu'elle va m'envoyer balader. Contre toute attente, elle se lève et rompt la discussion :

— Il se fait tard, je vais me coucher.

— D'accord. On dort dans ma chambre ou dans la tienne.

— Tu dois te reposer. Chacune dans la sienne.

Elle me plante là, sans un geste, sans un regard et disparaît dans le couloir.

***

Je n'arrive pas à fermer l'œil. Un regard vers le réveil me confirme que le temps passe très lentement, à peine une heure depuis que je me suis couchée. Mais j'ai l'impression de cogiter depuis un temps infiniment plus long. Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Le fait que je l'accompagne la panique totalement. Au point de vouloir dormir seule. Je ne suis pas dupe de son excuse. Que cache-t-elle ? Que pourrait m'apprendre son amie ? J'ai voulu l'accompagner pour en savoir plus sur elle, sur ses amies. Mais maintenant, c'est plus que cela. Je suis sûre que sa panique est liée à notre histoire, à ce qu'elle ne veut pas me dire. Ma gorge est sèche. Je commence à craindre aussi ce secret omniprésent. Pourquoi a-t-elle rompu ? Pourquoi est-elle là aujourd'hui ? Pourquoi ne veut-elle pas parler de notre passé ?

La roue du destin - Coma !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant