04:00

494 106 34
                                    

Un claquement de porte, une marche rapide, un arrêt brutal. Sous ce porche, je suis passé, les nerfs à vif tandis que Stella tentait de me raisonner.

« Essayes de comprendre... » avait-elle dit.

Je n'ai pas écouté. Je suis entré dans l'habitacle et elle m'a suivi.

« Les choses ne se passent pas toujours comme on le prévoit... »

Va te faire foutre... C'est ce que je lui ai rétorqué. Je m'en souviens maintenant. Je frappe trois bon coups à la porte, plus de temps à perdre avec des flashs qui ne se manifestent dans le seul but de narguer ma perte déconcertante de mémoire. Une poignée de secondes interminables à attendre m'incite à réitérer l'opération, mais le résultat est le même.

Je sonne alors, plus déterminé que jamais. J'ai peut-être été trop loin dans mes propos, j'admets souvent perdre le contrôle de moi-même quand l'alcool partage ma soirée.

Je le perds souvent, le contrôle...

Pourquoi s'en cacher après tout. J'ai une vie professionnelle des plus éreintantes, le stress les chiffres, les réunions, les crises d'Isis, son désir démesuré d'enfant, les factures, les amis, ma mère complètement sénile, mes absences... Ça ne s'arrête pas. Et avec ça, je devrais trouver le moyen de rester calme. Un verre de bourbon ou deux, n'a jamais été de trop.

L'attente est insupportable, personne ne daigne m'ouvrir. La maison reste anormalement sombre et silencieuse, comme s'il n'y avait personne. Même Milo, le Rottweiler de la famille habituellement toujours aux aguets n'a pas aboyé une seule fois.

Ils ne veulent pas m'ouvrir.

Mon cœur se fracasse, et je me laisse tomber à genoux au sol. Mon corps fatigué réclame une pause. Il faut que je dorme, que je me tire de là. À trop vouloir agir spontanément, je n'ai pas imaginé une seule seconde qu'elle pouvait être en colère contre mes agissements, ou qu'elle pouvait tout simplement être rentrée à la maison.

Il faut que je rentre, que je lui demande pardon. Je lui ai mené la vie dure ces derniers mois, je n'ai jamais été présent, je l'ai abandonné. Elle a du me le dire ce soir, et je suis parti pour fuir.

J'entreprends de me lever, mais lutte et retombe. Mes nerfs lâchent, je craque.

Je sens les pas de Nico dans mon dos, ils se rapprochent puis se stoppent à quelques centimètres de mon échine. J'arrive à le sentir et j'en tremble. Le pressentiment que je sentais depuis la station service s'avère peut-être vrai, finalement.

- Tu ne les reverras pas.

Un questionnement en entrainant un autre, des larmes qui ne coulent pas, le silence. Une réflexion rapide, un choix et une action. S'il doit m'arriver quoi que ce soit ici, je compte bien mettre le peu de forces qu'il me reste à l'épreuve.

Il me fait face, s'accroupit puis m'attrape par le col pour me relever.

- Tu ne les reverras jamais.

- Ta gueule, enfoiré !

Je le pousse de toute mes forces jusqu'à le cogner à la porte d'entrée. Je ne l'ai jamais senti ce type, jamais je n'aurais dû lui accorder la moindre confiance. Le désespoir fait faire des choses insensées, parfois.

- Où est Isis ? Où est ma femme, fils de pute ?

Son éternel silence me fous en rage. Je m'écrase sur lui, le rue de coups, hurle à pleins poumons, cette mascarade a assez duré, j'ai assez perdu de temps. Comment ai-pu tomber aussi bas ? Est-ce que ce genre de chose arrive souvent ? Ces personnes qui se languissent de notre malheur, sont-elles réelles ?

Les coups s'abattent, plus je frappe, moins je sens, et plus j'ai l'impression de frapper dans le vide. Le capuché disparaît petit à petit et murmure.

- Acceptes. Je suis Nico Centins, acceptes.

Je m'arrête et le regarde disparaître. C'est la plus grosse hallucination qu'il m'ait été de vivre de toute ma vie. Je comprends à présent que je suis mal en point, et qu'Isis avait raison une nouvelle fois quand elle me disait qu'il fallait que je fasse une pause, que je lâche prise.

Je vais peut-être me résigner à l'écouter. Tout ne peut que rentrer dans l'ordre après cela.

Alors je ferme les yeux et me laisse aller par la douleur paralysante envahissant mes membres qui se transforme bientôt en aura de bien-être.

Je me questionne encore néanmoins, avant de sombrer dans le néant, sur l'identité de mon compagnon de la soirée.

Nico Centins... Nico Centins...

Nico.

Centins.

Bordel de merde. 

About Last NightWhere stories live. Discover now