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-       Je me vois prendre ma voiture, démarrer et après, plus rien.

Nico m'observe de ses yeux sombres que je tente de ne pas croiser tellement ils me foutent la chair de poule.

-       T'es sûr que tu étais avec...

-       Ma copine, sa sœur et mon meilleur pote, oui, certain. Je le coupe, agacé.

Cette situation ne rime à rien. Je suis coincé sur cette station service avec un jeune fou qui essaye de s'emparer de l'imper de Sherlock Holmes juste parce qu'il n'a rien à faire de sa soirée.

C'est minable, mais j'évite de me plaindre. Qui sait ce que je ferais s'il ne m'avait pas abordé. Je n'aurais peut-être pas cet infime espoir de retrouver mes proches et de mettre toute cette histoire au clair.

-       Je crois les avoir tués. Je lui avoue même, à mon plus grand étonnement.

Aucune réaction de sa part. Il fait les cent pas puis me demande si je me rappelle où avoir laissé ma voiture.

-       Bien sûr que non, c'était au milieu de nulle part, j'ai quitté l'autoroute, je te l'ai dit.

-       Très bien, si t'as quitté l'autoroute quoi qu'il en soit, t'as quand même dû forcer ou au moins déformer la glissière. On s'arrêtera là.

-       T'as une caisse ?

Il s'avance vers un pick up rouillé garé entre deux berlines.

-       T'es sûr que ça roule, ça ? Je m'enquis, dubitatif.

-       Plus que ton tas de ferraille à toi, en tous cas.

Touché, je monte sans broncher et attache ma ceinture. Puis un flash me prend. Je ne l'avais pas attachée à l'aller. Ce n'est pas dans mes habitudes, il a forcément dû m'arriver quelque chose pour que je l'oublie, une altercation ? Un départ en trombe ?

Je dois me rappeler que j'ai pris la route inverse du domicile des parents d'Isis. Pourquoi ?

Nico me tire de ma pensée en me posant des questions plus stupides et complexes que celles que je me pose déjà.

-       Sinon, t'as vérifié que t'avais fermé la porte en partant ?

-       En partant d'où ? Je ne sais même pas où j'étais.

Il freine brusquement et je manque de me taper le tableau de bord poussiéreux pour la deuxième fois de la soirée.

-       Putain mais t'es complètement con, toi.

-       Arrêtes de mentir, je sais très bien que tu ne me dis pas tout et que tu caches certaines informations de ton plein gré. Si je voulais te dénoncer aux flics ça ferait un moment que je l'aurais fait. 

-       Mais je te dis tout ce que je sais, j'ai un putain de trou noir de merde, tu comprends ça ?

-       T'avais bu ?

-       Oui. Pas comme un trou pourtant, mais oui, un peu.

Heureusement qu'il n'y a plus grand monde sur les routes à ce moment là, j'aurais été le témoin d'un second accident en l'espace de quelques heures, c'est à peine croyable.

Il redémarre calmement et continue son interrogatoire.

-       C'est quoi la chose la plus dingue que t'as fait dans ta vie ?

Je le regarde, il a l'air sérieux. J'ai du mal à me prêter au jeu au début, mais je finis par le faire. Même en sachant pertinemment que ça ne fera pas du tout avancer l'enquête. 

-       Acheter 2556 roses à Isis pour nos 7 ans de relation, je crois. Ça prenait trop de place dans la maison, j'ai regretté le lendemain mais elle était heureuse.

-       La chose la plus stupide ?

-       Lui acheter une étoile... Elle ne sait jamais laquelle c'est.

-       La chose la plus scandaleuse ?

-       Pisser sur la tombe de la belle mère de mon ex, elle la martyrisait. J'en suis pas fier.

-       La chose la plus...

-       C'est là, je le coupe en voyant la barrière de fer, défoncée.

Il s'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence et enclenche ses warnings puis nous sortons. Je descends le premier en essayant de ne pas trébucher. Je retrouve ma Mercedes, toujours scellée à l'arbre et complètement démembrée à l'avant. Je n'avais pas fait plus attention au départ, mais il est vrai qu'elle est bien amochée, et qu'il est possible après coup que ce soit finalement un miracle que je sois encore en vie. D'autant plus, sans ceinture. Je laisse cette pensée de côté quand Nico m'adresse de nouveau la parole, un flash aveuglant dans la main, provenant de son portable, sans doute.

-       Il faut que tu fouilles, dans ta voiture, il doit y avoir des indices.

-       Qu'est-ce que je suis censé trouver ?

-       N'importe, il y a forcément quelque chose qui t'aidera à te souvenir. Ton téléphone, tu l'as ?

-       Non, il s'est cassé.

Il soupire et commence à ouvrir les portes arrières. Et un nouveau détail me prend de court. Il n'y a que mon air bag qui s'est déclenché. Côté passager, rien ne laisse présager qu'il y a eu quelqu'un en ma compagnie et je commence à me poser des questions.

Était-il en panne ? Étais-je seul ?

Isis était assise à mes côtés sur la route, je m'en souviens parfaitement. Sa robe bleu roi lui allait à ravir, et faisait ressortir son blond vénitien.

Nico me montre un sac à main qui ne me dit rien, il fouille à l'intérieur et trouve un portefeuille.

-       Stella Cortez ?

-       C'est la sœur d'Isis, je savais que je n'étais pas fou, elle était dans la voiture ! Ils y étaient tous !

-       OK, essayons de tout remettre dans l'ordre.

Il éclaire le sol avec sa lumière âcre et reprends.

-       Tu devais partir chez tes beaux parents pour fêter je-ne-sais-quoi. Tu es parti avec... ta copine, ta belle sœur et ton meilleur pote.

-       Oui, acquiescé-je.

-       Jusque là tout va bien, mais, tu as un accident et te rends compte plus tard que tu es seul, et que tu fais le chemin inverse.

-       Exactement.

-       On commence à douter sur tes prétendus souvenirs mais finalement nous trouvons une preuve que tu n'étais pas seul. Mais quelque chose ne tient pas la route.

-       Personne n'a appelé les secours. La barrière défoncée est flagrante... J'y ai pensé qu'après, avoué-je.

Dans le noir j'arrive à sentir qu'il me regarde, et je ne saurai pas l'expliquer, mais je sais que ce qu'il s'apprête à me dire va me foutre la frousse.

-       Si personne n'a appelé les secours, ce n'était peut-être pas un accident.

About Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant