Chapitre 3-2

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Dans mon empressement je m'étais levée trop vite et dus lutter contre l'étourdissement qui me saisit, ce qui évidemment ne passa pas inaperçu et n'arrangea pas mes affaires !

— Ne sois pas ridicule, ça a l'air de bien plus qu'un simple cauchemar ! Tu as l'air prête à tomber dans les pommes à chaque instant, tu ne peux pas rester comme ça ! Je vais aller prévenir l'infirm...

— Laisse Claudia je vais m'en charger. C'est mon rôle après tout, l'interrompit Elana de sa voix douce et mesurée. Tu n'as qu'a prendre ma place dans la salle de bain, j'irais au deuxième groupe, termina-t-elle avec un sourire.

Elle avait beau parler gentiment et ne jamais élever la voix, quelque chose dans son ton, faisait que les autres lui obéissaient généralement sans discuter. Ce qui lui avait valu de devenir chef de groupe. D'ordinaire cela m'agaçait un peu, mais aujourd'hui je crois que je n'avais jamais été aussi contente d'entendre sa voix qu'a cet instant précis. Claudia se contenta de lui adresser un petite signe de tête et prenant ses affaires dans son placard se dirigea vers la salle de bain comme un bon petit soldat...Incroyable ! Si je n'avais eu peur de la douleur qui aurait pu en résulter, j'aurais bien levé les yeux au ciel, mais compte tenu de mon état et de la situation actuelle, je préférais m'abstenir. Sans compter que cela aurait quand même été mesquin, elle venait de me tirer d'un mauvais pas.

— Merci mais ça va aller...commençais-je à lui dire pour sauver les apparences, me souvenant soudain qu'a cause du gaz, elle ne devait pas avoir le moindre souvenir des évènements de la nuit...Ce qui était totalement faux, constatais-je à la seconde où je croisais son regard interrogateur et légèrement paniquée.

— Hayden, qu'est-ce qu'il se passe, Je...

— Juste un cauchemar, rien de grave, l'interrompis-je précipitamment avant qu'elle ne se trahisse. Il fallait absolument que je trouve le moyen de la prévenir pour les caméras, mais comment ?

Je tentais de lui faire comprendre du regard que ce n'était ni le moment, ni l'endroit pour parler de ça et heureusement cela sembla fonctionner, puisqu'elle me gratifia de son plus beau sourire avant de s'approcher de moi et de me poser gentiment une main sur l'épaule.

— Il devait être particulièrement...réaliste, pour te mettre dans un état pareil, me demanda-t-elle d'un ton appuyé mais néanmoins naturel en insistant subtilement sur le mot "réaliste".

— On peut dire ça, lui répondis-je de manière tout aussi sibylline. Mais c'est plutôt le manque de sommeil qui m'a retourné le cerveau, continuais-je sur un ton plus léger. Après une bonne douche il n'y paraîtra plus, finis-je le plus naturellement que je le pus tout en ayant la sensation étrange de m'exprimer en langage codé !

— Repose toi encore quelques minutes et si après ta douche tu as toujours des étourdissements, je t'emmènerais à l'infirmerie.

— D'accord, mais je suis certaine que cela ne sera pas nécessaire.

— Je l'espère pour toi, me dit-elle tout en regagnant son coin du dortoir.

Nous commençâmes toutes les deux à faire machinalement notre lit, jusqu'a ce qu'il soit parfait, comme tous les matins. Sauf qu'aujourd'hui, bien que j'effectue exactement les mêmes gestes que d'habitude, ils me paraissaient tous faux et calculés. D'ailleurs tout me paraissait faussé, irréel, un peu comme si j'évoluais en plein brouillard (ce qui était d'ailleurs le cas !). J'avais beau savoir que toute cette situation cauchemardesque était bien réelle, quelque part au fond de moi je crois que j'espérais toujours une preuve du contraire. Ce qui n'arriverait pas, comme me le confirmaient les petits coups d'œil que me lançait Elana et auxquels j'essayais de ne pas répondre. Il fallait vraiment que j'arrive à lui parler le plus rapidement possible. La salle de bain serait l'endroit idéal puisqu'il n'y avait pas de caméras, le problème était que nous faisions notre toilette en deux groupes de cinq et que tout était chronométré (jusqu'aux douches qui étaient programmées pour durer 8 minutes exactement). Nous y étions tellement habituées que cela nous paraissaient naturel, mais à bien y réfléchir...c'était flippant !

A 7 heures précises, le premier groupe sortit de la salle de bain. Je pris mes affaires et m'y dirigeais à mon tour accompagnée des autres filles de mon propre groupe, trois inséparables copines aussi vaniteuses que futiles et qui avaient pour habitude de faire comme si je n'existais pas, ce qui me convenais très bien ! Elana, qui était d'ordinaire dans le premier groupe et faisait partie des élèves les plus brillantes et les plus populaires, ne se joignit pas spontanément à elles, contrairement à ce que je croyais qu'elle ferait. Au lieu de cela, elle se contenta de nous emboiter le pas sans un mot, ce qui ajouta encore à ma surprise.

Comme à leur habitude, aussitôt la porte franchie, les trois commères commencèrent à jacasser bruyamment. Essayant de toute évidence d'attirer l'attention d'Elana tandis que nous posions nos affaires sur les bancs disposés en L, dans l'espace situé entre la porte et la première cabine de douche. Je ne l'avais jamais remarqué avant, mais sous semblions toutes plus sereines et plus détendues lorsque nous nous trouvions dans la salle de bain. Un peu comme si inconsciemment...nous savions. A moins que toutes mes perceptions ne soient faussées maintenant que j'avais pris conscience de la réalité et que cela ne soit que le reflet de mon imagination...surement d'ailleurs !

J'entrais machinalement dans l'avant-dernière cabine et comme tous les matins commençais mécaniquement à me déshabiller. Le bruit des premières gouttes d'eau touchant le sol de l'une des douches me ramena à la réalité, me faisant prendre conscience que si je voulais parler à Elana, c'était le moment ou jamais. Mettant immédiatement mon plan à exécution, je terminais de me déshabiller avant de m'enrouler dans ma serviette blanche et d'actionner le minuteur de la douche, la mettant ainsi en route pour huit minutes. Je n'aurais jamais de meilleure occasion ! Le plus risqué étant d'arriver à entrer dans la cabine d'Elana sans me faire surprendre par une des commères, qui s'empresserait bien sûr d'aller tout répéter à la responsable des dortoirs. C'était un gros risque mais je n'avais pas vraiment d'autres choix !

C'est donc les jambes flageolantes et les doigts serrés sur les bords de ma serviette pour la maintenir en place, que je sortis le plus discrètement possible de ma cabine et me dirigeais vers celle d'Elana. J'hésitais un instant, me demandant si je devais tenter de frapper discrètement afin de l'avertir de ma présence. Espérant que le bruit serait masqué par celui des conversations légères et joyeuses qui se poursuivaient même sous la douche, je tapais doucement au battant le cœur au bord des lèvres et entrais dans le même mouvement...

Je n'avais, de toute évidence, pas du frapper assez fort ! Car lorsque je me glissais à l'intérieur, Elana surprise, se figea et poussa un cri strident avant d'avoir pu s'en empêcher. Le son amplifié par la salle carrelée sembla se réverbérer à l'infini, stoppant net les conversations et plongeant instantanément la pièce dans un silence de mort.

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