Chapitre 1-1

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* Média - "Isolated System" - "The 2nd Law" - Muse.

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*Chapitre réécrit et corrigé*




Je me redressai brutalement dans mon lit les mains pressées sur ma poitrine, tandis que j'inspirai avidement de douloureuses gorgées d'air. Mon dieu, tout cela n'avait été qu'un horrible cauchemar. Il m'avait pourtant semblé si réel. À tel point même, que j'étais trempée d'une sueur glacée, la poitrine douloureuse à chaque nouvelle respiration, comme si cela s'était réellement produit.

Je restai de longues minutes, assise, tentant avec difficulté de calmer ma respiration sifflante et saccadée et de reprendre mes esprits, avant de jeter un coup d'œil anxieux autour de moi.  C'était bien la première fois que j'étais heureuse de me réveiller dans ce dortoir froid et sans âme, baigné par la faible lumière bleutée des veilleuses disséminées dans la pièce. Ces dernières nimbaient l'endroit d'une douce lueur sensée être apaisante, mais qui personnellement, m'avait toujours fait froid dans le dos.

Les volets hermétiquement clos ne laissant pas passer la lumière extérieure, je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, mais quelque chose me disait que je n'avais pas dormi longtemps. Visiblement, malgré la violence et le réalisme de mon rêve, j'avais dû être silencieuse car toutes mes camarades semblaient dormir paisiblement, ce qui me rassura.

Au final, en y réfléchissant bien, mon cauchemar n'avait rien de particulièrement étrange pour quelqu'un qui vivait dans une prison...pardon dans un E.E.V. Ce qui, pour moi, équivalait à la même chose. Depuis notre plus jeune âge, on nous serinait du soir au matin que c'était pour notre bien...mais plus je grandissais et plus j'avais du mal à y croire. Je sentais l'impuissance et le désespoir croître davantage à chaque jour qui passait, sans vraiment savoir pourquoi.

À l'instar de toutes les autres jeunes filles de cet établissement et d'ailleurs de tous les enfants de Last City, je n'avais jamais connu que ça depuis ma naissance. Nous étions élevés et éduqués au sein de ces grands établissements aseptisés, jusqu'à nos dix-huit ans. Le mois de notre anniversaire nous participions alors à la cérémonie d'émancipation, ayant lieu chaque dernier jour de chaque mois. C'était une cérémonie simple et courte, mais très importante pour notre avenir. Nous y recevions notre diplôme et la liste des métiers auxquels nous pourrions postuler une fois sortie de l'E.E.V. C'était un rituel immuable qui existait au moins depuis une centaine d'années, enfin, d'après les manuels de la « nouvelle histoire ».

Cette dernière avait commencé lorsqu'un évènement inconnu, appelé le cataclysme, avait ravagé la planète. Une seule ville, protégée à temps par un champ de force protecteur, avait été épargnée. C'était une immense métropole s'étendant sur des centaines de kilomètres carrés qui à présent n'était plus que l'ombre d'elle-même, avec un l'équilibre délicat et particulièrement précaire. La vie y était rude et il n'y avait pas de place pour les inutiles, raison pour laquelle nous ne rejoignions la communauté qu'une fois adulte. Pour ne pas bouleverser l'équilibre fragile qui avait réussi à y être instauré au fil des ans.

Enfin, c'était ce que l'on nous serinait depuis que nous avions trois ans. Mais cela faisait quelques temps que je me sentais nerveuse sans raison et me posais de plus en plus de questions. Certainement parce que le jour de mon émancipation approchait...à moins que ce ne soit dû à la révolte qui couvait en ville depuis plusieurs mois ?

Une de nos lois les plus strictes était, que personne n'avait le droit de franchir la barrière qui nous protégeait du monde extérieur. Règle qui, jusqu'à présent, avait toujours été respectée scrupuleusement par tout le monde. Mais depuis quelques temps, les conditions de vie se dégradaient, surtout du fait de la surpopulation. Certains avaient donc proposé d'envoyer un petit groupe de volontaires de l'autre côté de la barrière. Un groupe de reconnaissance qui évaluerait les risques et les possibilités de vie à l'extérieur. Dans l'idée, à terme, de pouvoir enfin quitter notre cocon protecteur, qui devenait plus une prison qu'autre chose. Mais à la grande surprise de tout le monde, nos dirigeants avaient violemment refusé et depuis, maintenaient l'ordre d'une poigne de fer, interdisant à quiconque d'approcher de l'enceinte extérieure.

Nous n'en savions pas beaucoup plus, car d'après nos chers professeurs, cela ne nous concernait pas et serait de toute façon vite réglé. Ben voyons ! me dis-je avec un petit ricanement intérieur en sortant de ma rêverie...finalement, pas étonnant que je fasse ces rêves étranges et perturbants. Quoiqu'en y réfléchissant bien, je ne me souvenais pas d'avoir jamais vraiment rêvé avant cela...c'était étrange. Mais non, c'est simplement que tu ne t'en rappelles plus idiote, me morigénai-je intérieurement. Qu'est-ce qu'il me prenait de me poser des questions existentielles à deux heures du matin, je ferais mieux de dormir !

Je me levai doucement, en prenant bien garde de ne pas faire grincer mon matelas. Je n'avais pas envie de réveiller une des neuf autres jeunes filles qui partageaient mon dortoir et d'avoir à répondre aux questions qu'elles ne manqueraient pas de me poser si elles me surprenaient debout au beau milieu de la nuit. Car ici les règles étaient très strictes, quasi militaires et il fallait tout le temps tout justifier, ce que je n'avais aucune envie de faire à l'instant présent.

Je me rendis donc à pas de loup et les jambes tremblantes jusqu'à la salle de douche, où je pénétrai, avant de refermer doucement la porte derrière moi. Je m'approchai d'un des lavabos et alors que je me penchai pour boire une longue gorgée d'eau afin d'apaiser ma gorge douloureuse, une douce lumière s'alluma automatiquement au-dessus du miroir me surplombant. Je fermai le robinet et m'essuyai la bouche d'un revers de la main, avant de passer ces dernières dans mes cheveux. Ce mauvais rêve m'avait drôlement secouée, à tel point que je peinai à retrouver une respiration normale et que je tenais difficilement sur mes jambes. Je m'appuyai contre le rebord de la vasque en inox pour soutenir mon poids et levant les yeux, me regardai machinalement dans le miroir.

J'étais anormalement pâle, mon regard gris était paniqué et mes longs cheveux bruns tout emmêlés et trempés de sueur se dressaient autour de ma tête en une masse informe, bref... je ressemblai à une sorcière... une sorcière qui venait de frôler la mort. Mais non, me dis-je tout en secouant doucement la tête, ce n'était qu'un cauchemar particulièrement réaliste... encore quelques minutes de calme et il n'y paraîtrait plus. Je m'évertuai à retrouver une respiration normale et régulière, quand la porte s'ouvrit brusquement, me faisant sursauter et ruinant tous mes efforts.

— Que se passe-t-il ? Tu vas bien ? me demanda en chuchotant une grande jeune fille blonde à l'air inquisiteur.

C'était Elana, la responsable de notre groupe. J'avais dû la réveiller en passant à côté de son lit qui se trouvait entre la porte principale et celle de la salle de bain. Bon sang, elle n'aurait pas pu rester couchée celle-là ! pestai-je intérieurement. Ce n'est pas que je ne l'appréciai pas, elle était brillante, belle et tout le monde l'admirait. C'était juste que nous étions différentes et n'avions rien en commun. En fait nous n'étions jamais d'accord sur rien, les rares fois où nous nous parlions. Et c'était tout sauf le bon moment pour avoir une discussion philosophique sur les raisons de mon cauchemar, ce qui ne manquerait pas d'arriver si je lui en parlai. C'est pourquoi je pris une profonde mais discrète inspiration pour cacher mon trouble encore bien présent et m'écartai tranquillement du lavabo pour me rapprocher d'elle et ne pas avoir à parler trop fort. Une de réveillée, c'était déjà bien suffisant. Pas la peine d'informer tout le dortoir !

— Oui bien sûr. J'allais simplement aux toilettes, lui répondis-je donc d'une voix la plus neutre possible, mais où l'on percevait quand même une pointe d'agacement.

— Tu as bien pensé à le signaler ? me demanda-t-elle, tout en me désignant d'un signe de tête machinal le rectangle noir inséré dans le mur à droite de la porte.

C'était un détecteur, qui comptabilisait toutes les entrées et sorties, en dehors des heures d'usages habituelles de la salle de bain. Lorsque cela nous arrivait, nous devions signaler notre nom et la raison de notre présence sur l'écran tactile de l'appareil. Y étant habituée depuis toujours, c'était quelque chose que je faisais machinalement sans même y penser...mais là subitement, ça me choquait ! 


*Établissement d'Éducation et de Vie.

Isolated System Where stories live. Discover now