Une vraie torture

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Naola trouva Harlem dans sa chambre lorsqu'elle y remonta. Il faisait le lit. Elle remarqua au premier coup d'œil que son sac ne se trouvait pas là où elle l'avait laissé. Elle s'en saisit et l'inspecta pour s'assurer que l'étrange personnage ne lui avait rien volé. Tout était là et, à vrai dire, la besace n'avait même pas été ouverte.

L'homme termina son ouvrage sans lui prêter attention. S'il avait noté son geste de méfiance, il n'en montra rien et lui adressa un sourire poli lorsqu'il se redressa.

« Je regarde ton épaule ? proposa-t-il

– Heu... ouais. Je veux bien...

– Enlève ton haut alors...

– Pardon ?

– Enlève ton haut, si tu veux que je puisse voir ton épaule », précisa Harlem.

Naola sentit le rouge teinter ses pommettes.

« Je vais passer un débardeur », grogna-t-elle entre ses dents.

Elle tira un tee-shirt blanc sans manches de son sac, observa la pièce d'un regard critique, pesta, puis prit la direction de la salle de bains. Hors de question de laisser le serveur se rincer l'œil.

« Je reviens », souffla-t-elle.

Quelques instants plus tard, elle était assise en tailleur sur le lit et l'homme se penchait sur son épaule violacée dénudée. Il était calme et n'avait eu à son égard ni commentaire ni geste déplacé. Elle commençait à envisager la possible éventualité de lui faire un peu confiance.

« Matt n'est pas un si mauvais bougre, tu sais... »

Le barman dévissa le couvercle d'un large pot sur lequel était noté « Tous types de soins ». L'adolescente ne répondit rien, songeuse, alors il poursuivit :

« Quand il a bu, il se laisse un peu emporter, mais il ne pensait pas à mal en t'abordant.

– Dis ça à mon épaule... grogna-t-elle en fronçant le nez.

– Il s'est emporté, c'est tout...

– Je lui ai demandé qu'il me foute la paix et il a insisté. Il s'est pas emporté, il était lourd, trancha la jeune fille sèchement. Je suis contente de lui en avoir foutu une. »

Harlem, sans doute refroidi par l'agressivité de son interlocutrice, garda le silence plusieurs secondes. Elle l'entendit manipuler le pot de crème, se demanda si elle l'avait vexé et conclut qu'elle s'en foutait.

« Attention, ça va picoter », prévint-il juste avant d'appliquer l'onguent sur le bleu.

La sensation première s'avéra très désagréable, mais elle se suivit d'une anesthésie légère qui chassa tout malaise. Naola se détendit. Elle jeta un coup d'œil au serveur et lui adressa même un début de sourire... qui se figea aussitôt.

Son bras, à lui aussi, n'avait rien d'organique. La main qui la soignait ne se composait que de métal, des ongles jusqu'à l'omoplate. L'adolescente sursauta, horrifiée, et se dégagea avec violence.

« Bas les pattes ! », cria-t-elle en reculant.

Elle saisit son épaule. La crème officiait à merveille : elle n'éprouvait plus aucune sensation. S'il lui avait fait quelque chose, elle ne disposait d'aucun moyen pour s'en rendre compte. Elle lui jeta un regard mauvais et courut jusqu'à la salle de bains.

Naola se contorsionna pour observer la blessure sous tous les angles permis par la glace à demi fissurée qui tenait par miracle au-dessus de l'évier. Rien. Il n'y avait rien d'autre que la couleur violet clair du soin étalée sur sa peau.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Where stories live. Discover now