Un dernier baiser avant la fi...

Bởi LorysVAuteur

118 1 0

En débutant une journée routinière, Anthony, garçon timide et introverti, est loin de deviner qu'un nuage tox... Xem Thêm

7h52
9h53
12h11
12h40
13h57
14h42
15h01
15h53
Pour la suite...

8h51

13 0 0
Bởi LorysVAuteur



L'un des petits plaisirs d'Anthony, depuis qu'il vit à Pau, est de passer en contrebas de l'immeuble dans lequel il vit, pour rejoindre son travail. Il aime marcher lentement, dans le parc, et lever l'air de rien les yeux vers ses fenêtres, en murmurant avec fierté : « Ici, c'est chez moi. » C'est toujours au même lieu, sur le petit chemin, qu'il se fait cette remarque, satisfait comme au premier jour d'être logé par son entreprise dans un endroit si agréable. Et ensuite, invariablement, il surveille l'heure sur son téléphone, puis observe les arbres et le ciel. Comme lors de son réveil, les lieux sont inhabituellement calmes. Les oiseaux, mais aussi les nombreux chats occupant la pelouse en temps normal, sont absents. Il se demande s'il y a une relation de cause à effet entre ces deux événements. Ce serait logique, après tout... Les félins pourraient avoir suivi leurs proies là où elles se sont mystérieusement déplacées.

L'autre petit plaisir d'Anthony, au moment de rejoindre son bureau, est de s'accorder un détour par la Promenade des Pyrénées. Aucune rue en France, selon les palois, n'est capable de rivaliser avec cet incroyable panorama. Et il ne viendrait à l'idée de personne de les contredire. Qu'il pleuve ou qu'il vente, Anthony ne renonce donc jamais à ce court rendez-vous avec les montagnes. Sur le large trottoir situé en haut d'une falaise, il ralentit sa marche et les observe. La chaîne entière des Pyrénées se dresse, majestueuse et lointaine, et selon l'époque elle est recouverte de neige ou pas. Aujourd'hui, printemps oblige, seuls ses pics sont encore blancs. Et la magnifique lumière de cette journée ensoleillée les met en valeur. Comme chaque jour ou presque, il se promet d'aller bientôt y randonner. Mais là encore, il ne se berce pas d'illusions : louer une voiture, prendre le risque de se perdre, et surtout n'être accompagné de personne pour jouir autrement qu'en solitaire de ces paysages, sont des freins suffisants pour repousser semaine après semaine cette courte excursion. Ce week-end comme tous les autres, sans aucun doute, c'est devant sa console qu'il passera le plus clair de son temps. Et peut-être un peu aussi au cinéma, si un film l'attire.

En arrivant au niveau du petit funiculaire permettant à ceux qui souhaitent aller à la gare de la rejoindre en descendant le long de la falaise, il comprend enfin ce qui se passe depuis ce matin : des milliers d'oiseaux sont rassemblés sur les rambardes et le trottoir, et couvrent le sol en donnant l'illusion d'un étrange tapis multicolore. Le tout dans un étonnant et impressionnant silence. Ils forment une immense masse compacte, et semblent attendre un quelconque événement, de même que les nombreux badauds qui se sont arrêtés pour les observer. Chacun y va de sa tentative d'explication, mais personne ne se souvient avoir jamais observé un tel phénomène. Les humains, en tous cas, se tiennent à distance respectable, curieux et légèrement craintifs, et n'osent pas bouger. De différentes tailles, les moineaux, pigeons, merles, pies buses et autres espèces sont mélangés et remuent nerveusement leurs pattes et leurs becs. Ce sont d'ailleurs là, outre les chuchotements de quelques témoins, les seuls sons qu'on puisse entendre.

Quelques policiers municipaux sont présents également, mais en qualité de témoins plutôt que pour maintenir l'ordre. Et aussi des enfants sur le chemin de l'école, et les clients des cafés alentour, qui ont quitté leur table avec leur tasse à la main. À gauche d'Anthony, une vieille dame qui chaque matin distribue du pain aux pigeons, tente d'engager la conversation avec lui : « Le monde ne tourne plus rond, vous le voyez bien ! Les oiseaux sont très sensibles. S'ils sont venus là, c'est qu'un événement important est sur le point de se produire. Ils vont fuir, croyez-moi. Je suis sûr qu'ils vont tenter de rejoindre les montagnes. Pourquoi, je n'en ai aucune idée... Mais cela n'augure rien de bon ! Un étourneau qui prend des airs de grand migrateur, ça signifie que la nature est foutue. Et nous aussi, par la même occasion. » Ne sachant quoi répondre, Anthony se contente de soulever les épaules et lui sourire poliment. En son for intérieur, en tous cas, il est tenté de lui donner raison. Et si une catastrophe majeure était sur le point de se produire ? L'éruption d'un volcan, un tremblement de terre... Voir tous ces oiseaux réunis et mélangés, malgré leurs différences de corpulence, est un spectacle saisissant. Que se passe-t-il ?

À sa droite, il découvre sur le tard qu'un homme d'une soixantaine d'années, habillé avec un certain standing, cherche à attirer son regard. En s'amusant, il lance quelques grimaces laissant comprendre ce qu'il pense de la vieille femme : une folle. Puis il se penche à l'oreille d'Anthony : « Pourquoi pas la fin du monde, pendant qu'elle y est... Quoique d'un niveau modeste et amateur, je suis un peu ornithologue à mes heures perdues. Je peux vous confirmer qu'effectivement ce genre de phénomène est extrêmement rare. Toutefois, il arrive que d'immenses groupes d'oiseaux se réunissent et volent ensemble dans les airs, sans que nous sachions bien pourquoi. Le plus souvent, mais pas toujours, ce sont des techniques de chasse, dans des moments de disette... Aujourd'hui, je n'en ai aucune idée... Ce qui me perturbe, toutefois, c'est que plusieurs espèces soient réunies. D'habitude, elles ne se mélangent pas. À mon avis, tout cela a à voir avec l'inversion des pôles magnétiques. On minimise l'importance de cela, mais il s'agit d'un bouleversement important pour notre écosystème. J'ai l'impression que ces oiseaux sont un peu perdus, et sont venus ici pour prendre une décision. On ne les entend pas piailler, certes, mais vous pouvez me croire : ils délibèrent. Tout finira par rentrer dans l'ordre. Ne croyez pas cette vieille peau, rien de grave ne se prépare : il ne suffit pas de distribuer chaque matin des croûtons de pain aux pigeons pour les comprendre. Au lieu de perdre son temps à tout surinterpréter, elle ferait mieux de s'accorder une douche, ne serait-ce qu'une fois par semaine... »

Effectivement, l'hygiène de la vieille femme laisse à désirer. De même que son allure générale : des fripes sales et trouées, des cheveux désordonnés, un regard exorbité, des mâchoires presque sans dents, et de nombreux sacs plastique remplis d'on ne sait quoi pendant à chacun de ses bras... Instinctivement, c'est évidemment à l'homme distingué qu'on accorde sa confiance. Celui-ci en est parfaitement conscient, d'ailleurs, et attrape avec des manières légèrement forcées sa montre gousset. Si Anthony prend soin en permanence de passer inaperçu, ce n'est pas le cas de cet élégant promeneur à l'allure de lord anglais... Mais la dame, sans s'adresser à qui que ce soit directement, s'exprime à voix haute : « Ça y est. Ils vont partir ! ». À peine s'est-elle tue, un immense vrombissement se fait entendre dans le ciel et tous les badauds se retournent en même temps : derrière eux, un incroyable nuage d'oiseaux composé de plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'individus, remplit l'espace et projette une ombre soudaine sur le trottoir. Ils passent au-dessus des promeneurs dans un flot ininterrompu, et sans le moindre croassement ou piaillement eux non plus. Leurs ailes, en revanche, produisent un bruit considérable et étouffent la moindre réaction humaine. C'est à peine si on entend parfois un « Oh ! » strident s'échapper de la masse de témoins, qui pour la plupart se contentent d'observer la scène sans émettre la moindre réaction, comme sous le choc.

Au bout de une à deux minutes de ce passage ininterrompu, de petits espaces commencent à apparaître entre les différents spécimens, et c'est là sans doute le signe qu'attendaient ceux postés sur la promenade depuis tout à l'heure. Sans que le moindre signal de départ soit donné, ils s'élancent tous en même temps et se mêlent à leurs congénères, dans une longue procession. Petit à petit, le vacarme baisse et la lumière cesse d'être cachée par ces ombres en mouvement. La Promenade des Pyrénées reprend une apparence normale, au détail près des quelques ailes dispersées sur le sol, et des nombreuses fientes recouvrant le trottoir et les vêtements des malheureux témoins, encore ébahis par le spectacle auquel ils viennent d'assister. Comme en chœur, tous s'exclament : « Ça, alors ! » ou répètent en boucle le mot « Incroyable ». Quant à la vieille dame, elle se dirige encore une fois vers Anthony, et lui lance avec du feu dans les yeux une terrible prophétie : « L'apocalypse... Rien de nouveau sous le soleil. Déjà dans la bible, ils l'annonçaient... C'est fini. On est foutus. »

Cherchant un peu de réconfort, le jeune homme se tourne vers le vieux monsieur qui, tout à l'heure, a partagé avec lui ses théories. Celui-ci a encore les yeux fixés sur l'immense nuage d'oiseaux, désormais lointain, et semble chercher désespérément une explication. En se sentant observé, il se contente de partager avec Anthony ses réflexions, avec toutefois moins d'assurance que précédemment : « C'est vers les Pyrénées qu'ils se dirigent. Ils cherchent le froid. Ça pourrait confirmer la thèse d'une réaction à l'inversion des pôles magnétiques, peut-être... J'espère qu'ils reviendront vite. Sans eux, tout partirait en peau de boudin, si vous me permettez l'expression. Qu'ils disparaissent quelques jours, en plein du milieu du printemps, et vous verrez comme cet été nous serions infestés de moustiques. Mais ne vous inquiétez pas, cette nuit ils dormiront dans leur nid habituel. Ils sont partis faire un tour, rien de plus. J'aimerais bien toutefois être capable de m'expliquer le pourquoi de la chose. Une belle envolée, en tous cas, vous avez vu ? La nature n'a rien inventé de plus beau qu'un oiseau déployant ses ailes pour régner dans les airs. Alors quand ils sont des milliers en simultané... Oh ! Ils ne vous ont pas raté... Vous êtes recouvert de leurs déjections... ». Et en observant sa chemise, Anthony découvre, épouvanté, qu'elle est pleine de ces horribles taches blanches. Puis, pire encore, en se passant la main dans ses cheveux et même dans sa barbe, il comprend qu'aucune partie de son corps n'a été épargnée...

Đọc tiếp

Bạn Cũng Sẽ Thích

254K 14.3K 51
Il a suffi d'un regard à Isaac Miller pour tomber sous le charme de Lev. Rongé par la timidité, il n'a jamais osé faire le grand saut. Cette dernière...
14.6M 400K 100
Mon père ? Il me bat depuis le plus jeune âge et je peux rien y faire. Ma mère elle, m'a abandonné telle une lâche il y'a 9 ans, j'ignore toujours la...
141K 8.3K 42
Lana a pour ex Mike un criminel qui a détruit sa vie dans sa ville natale. Du jour au lendemain, elle décide de déménager à Manhattan, pour quitter t...
72.3K 4.1K 34
Guiliana est une brillante étudiante en médecine. Depuis son enfance ses parents ont planifié chaque étape de vie, l'encourageant à poursuivre une ca...