Jungkook s'en souvenait comme si c'était hier :
Le soir de ses 11 ans, la nuit où sa vie avait changé, le jour où il avait perdu son grand frère et sa connexion avec le reste du monde.
Cette journée-là avait été à la limite de la perfection, ou du moins, tout était bien parti pour l'atteindre : Ses parents l'avaient levé tôt pour l'emmener visiter ses grands-parents et recevoir les félicitations de tous les membres de sa famille qui avaient été trop vieux pour assister aux vraies festivités.
Il avait été couvert de cadeaux, câliné de tous les côtés, congratulé, comme si le fait qu'il gagne une année de plus avait été un exploit. Puis, il était rentré chez lui pour la fête que ses parents avaient organisée pour lui et ses amis (ainsi que quelques cousins de son âge).
La maison avait été décorée en son absence, son frère, Jae-Il avait fait office de DJ, des tables avaient étés sortie dans le jardin pour poser les chips, boissons et autres snacks. Ses parents avaient loués différentes activités :
· Un faux ring de sumo avec des « fat suits» gonflables,
· Un jeu de force, où chaque participant avait été rattaché à l'extrémité d'une même corde, chacun devant réussir à toucher une cible situé à l'opposé,
· Un trampoline géant...
Le jardin des Jeon n'avait jamais été aussi plein, tout avait été pensé pour que cet anniversaire soit la fête de l'année.
Le beau temps avait été de leur côté et ce jour-là ayant été le dernier samedi avant la rentrée, cela avait été l'occasion idéale pour que Jungkook et ses camarades se défoulent une dernière fois avant leur première année au collège.
Jungkook avait ri à en attraper des crampes aux joues, s'était goinfré jusqu'à devoir se débarrasser de sa ceinture, il avait joué avec ses amis, souillant ses vêtements de fêtes, de sueur, soda et autre, mais ce n'avait pas été grave. Rien n'avait été grave.
Jungkook avait eu l'impression que rien n'aurait pu troubler le plus beau jour de ses 11 ans d'existence. S'il avait su...
Cinq ans plus tard et il repensait à ces instant avec amertume. Il pouvait s'en souvenir clairement, comme si les évènements s'étaient déroulés à l'instant, toutefois le bonheur qu'il avait éprouvé à l'époque lui était devenu étranger, comme une vidéo qu'il avait vu et revu trop de fois, l'apprenant par cœur jusqu'à ce que les scènes en perdent leur sens.
Il savait en théorie qu'il avait été heureux, il ne savait juste plus pourquoi... ni comment.
Ce jour-là, Jungkook avait déballé plus de cadeaux qu'il n'aurait humainement eu le temps d'utiliser (certains étaient d'ailleurs encore dans leur emballage, neufs quelque part dans sa chambre 5 ans plus tard) et il avait dansé avec la fille de sa classe pour laquelle il avait nourrit un béguin depuis l'âge de 6 ans (encore une chose qui lui était devenue étrangère à ce jour).
Cependant, la cerise sur le gâteau, le clou de sa soirée avait été le cadeau que lui avait préparé son grand frère.
En fin de soirée, après que le dernier invité soit finalement parti et que les derniers restes de la fête avaient été rangés, Jae-il avait offert à Jungkook le cadeau dont il avait le plus rêvé : une virée nocturne sur sa moto, une Comète GT125 de la marque Hyosung que Jae-Il s'était offert deux ans plus tôt (contre l'avis de ses parents) grâce à l'argent qu'il avait pu économiser de ses petits boulots de manutention dans le voisinage.
Les deux frères avaient eu 8 ans d'écart, pour autant cela n'avait fait que renforcer leur lien fraternel. Chacun aurait sans hésiter tout sacrifié pour l'autre... et en un sens, Jae-Il l'avait prouvé ce soir-là.
Alors que le plus âgé des fils Jeon avait grandi un peu comme un hermite, semblant incapable de former des liens émotionnels avec qui que ce soit _même ses parents, pourtant attentionnés_ il avait toujours traité son petit frère comme la 8ème merveille de l'univers, depuis que le plus jeune avait été dans le ventre de leur mère, jusqu'au moment où le plus vieux avait rendu son dernier souffle.
Constamment isolé et renfermé sur lui-même, Jae-il avait cependant toujours semblé s'illuminer au contact de Jungkook. Le petit, lui, avait été son total opposé. Hyperactif, hyper affectueux, si son sourire aux grandes dents et ses yeux ronds n'avaient pas suffit à le faire ressembler à un lapin, sa tendances à sautiller partout auraient rendu la comparaison immuable.
Jungkook avait été d'une innocence presque inhumaine et ce fait avait eu pour effet de pousser Jae-Il à vouloir le protéger du monde extérieur. Pour cette même raison, il lui avait simplement été impossible de refuser quoi que ce soit au plus jeune, surtout quand il avait usé du pouvoir de conviction de son regard de biche. Par chance, Jungkook n'avait jamais été vraiment capricieux, ne serait-ce que trainer avec son grand frère avait déjà pu le combler.
Le plus jeune essayait de copier Jae-Il en tout (sauf en ce qui concernait son caractère ronchon, Jungkook était sociable pour deux), depuis que le plus vieux avait fait l'acquisition de son deux-roues, Jungkook avait commencé à vouer une obsession au véhicule, recouvrant les murs de sa chambre de différents modèles et suppliant ses parents de le laisser monter sur l'engin au moins une fois, il n'était donc pas vraiment étonnant que pour son anniversaire, Jae-Il exhausse son vœux.
De plus, Jae-il étant âgé de 19 ans, cet anniversaire avait été sa dernière occasion de gâter son petit frère avant son départ au service militaire pour deux ans.
Il avait déjà fait son possible pour repousser la date de son enrôlement pour après les festivités... Rien n'aurait pu l'empêcher de spolier une dernière fois la personne qui avait compté le plus à ses yeux.
*
Leur virée avait commencé dans les meilleurs conditions, continuant dans l'euphorie de la journée pour atteindre les summums d'une perfection que Jungkook avait à peine cru réelle.
Ils avaient quitté la maison sans problèmes, avaient navigués dans sur les routes, jamais réellement désertés, de Busan, l'océan d'un noir d'encre comme décors quand ils avaient traversé le pont Gwangan, jusqu'à atteindre les bords d'une plage isolée.
Poussé par la montée d'adrénaline procurée par leur balade à moto, le vent frais de début septembre s'engouffrant dans leurs casques, les lumières de la ville défilant à toute vitesse devant leurs regards émerveillés, Jae-il les avait fait passer sous des chaines qui avaient été placées là par les autorités afin de décourager les baignades nocturnes.
Ce soir-là, rien n'aurait pu les empêcher de faire ce qu'ils avaient eu envie de faire, d'aller où ils avaient eu envie d'aller, ils avaient eu l'impression que le monde leur avait appartenu.
Presque minuit et la lune pleine avait été haute dans le ciel, reflétant ses rayons d'argent sur les eaux paisibles tandis que Jae-il avait installé une serviette sur le sable pour lui et Jungkook. Tout avait été calme, entouré d'une lueur de mystère, il n'y avait eu qu'eux, la brise légère du soir et le bruit des vagues...
Même s'il n'avait plus su à quoi correspondait le bonheur ces temps-ci, s'il avait dû décrire un instant heureux dans sa vie, Jungkook aurait toujours choisi cet instant, ces quelques heures, seul sur la plage, avec son frère, à essayer de distinguer la ligne de l'horizon dans la pénombre tranquille qui les avait enveloppées tel un épais duvet.
Ils n'avaient pas parlé, absorbant ce moment pour le graver dans leur mémoire pour la prospérité, cependant, comme tout avait dû avoir une fin _apparemment_, Jae-il avait fini par décider qu'il avait été temps de rentrer.
Minuit... l'anniversaire de Jungkook s'était fini dans l'apothéose...
Puis était venu le chaos :
- Kook... avait commencé Jae-il en se levant. Il faut que je te parle de quelque chose...
Jungkook avait levé la tête pour observer son frère qui avait semblé être entouré du même halo de lumière que la lune... trois secondes avant qu'une ombre ne le happe au son d'un grognement horrifique qui, même en souvenir, donnait encore à Jungkook des sueurs froides cinq ans plus tard.
Ce n'était qu'un cauchemar selon les nombreux thérapeutes, psychiatres et autres « spécialistes » que Jungkook avait été forcé de consulter depuis « l'incident ».
Ses parents, ses (anciens) amis, le reste du monde, s'était accordé pour dire que ce qu'il pensait avoir vécu cette nuit-là, n'avait été que le fruit de son imagination débordante, néanmoins, Jungkook en restait persuadé, jamais son cerveau, aussi perturbé qu'il eut pu être, n'aurait pu pondre de telles créatures...
Il avait essayé d'en parler quelques semaines après... quand le choc initial s'était suffisamment estompé pour qu'il retrouve l'usage de ses cordes vocales.
Il avait tenté de relater les évènements de cette nuit-là, aussi fidèlement qu'il avait pu sous les regards de pitié que tous lui avaient lancé. Il avait essayé d'en parler à ses parents, à ses soi-disant amis, à la police, aux médecins, il avait désespérément tenté de convaincre au moins une personne... un seul adulte, un seul enfant, un seul humain...
Il avait fait de son mieux pour passer outre la condescendance de tous ; ils l'avaient tous regardé comme s'il avait perdu la tête. Il lui avait été d'autant plus douloureux de constater, que la seule personne qui lui aurait au moins accordé le bénéfice du doute, n'avait plus été à ses côtés...
Avec le temps, il avait fini par se faire à l'idée qu'il avait été seul dans ce monde. Il avait fini par comprendre pourquoi Jae-Il n'avait jamais recherché d'interactions humaine.
Il était impossible que Jungkook ai tout imaginé, surtout pas quand il pouvait encore sentir la douce brise nocturne virer au glacial, l'air autour de lui attaquant sa peau délicate comme des milliers d'épines, alors qu'il était resté impuissant à observer son frère se faire déchiqueter par une créature plus sombre encore que la nuit qui les avait entourées ; la lune soudainement masquée par des nuages noirs, comme si elle n'avait pas voulu assister à ce spectacle morbide.
Comment l'esprit innocent de Jungkook aurait-il pu créer de toute pièce la sensation chaude du sang de son frère lui éclaboussant à la figure ?
Ils voulaient lui faire croire que son imagination d'enfant avait montée de toute pièce les cris d'agonie de son frère, alors qu'il lui avait ordonné dans un dernier râle, de prendre la fuite :
- Jungkook va-t'en ! Cours ! Ne te retourne pas ! avaient été les derniers mots de son frère avant que sa voix ne soit noyée par les gargouillis qu'avait probablement causé l'afflux de son sang dans sa gorge.
Toutes ces personnes « pragmatiques » voulaient lui faire croire qu'il avait rêvé ses pieds s'enfonçant dans le sable humide ralentissant sa course, sa gorge en feu, sciée par le trop plein d'air qu'il avait essayé d'inhaler, ses larmes brouillant sa vue déjà altéré par la pénombre, son cœur battant à ses oreilles, le désespoir...
Comment aurait-il pu fabriquer une scène aussi horrible et détaillée ?
Il aurait pourtant tout donné pour que tout cela eut été faux, pour que ce havre de solitude, si accueillant quelques instant plus tôt ne se transforme en piège mortel.
Il avait été trop jeune à 11 ans pour voir la mort d'aussi près, même à 99 ans cet évènement serait arrivé trop tôt.
Même après plus de 1830 jours, il se réveillait toujours en sueur, à cause de ces souvenirs que le temps ne semblait pas pouvoir altérer.
Il n'y avait eu qu'une partie un peu moins claire dans son esprit : quand sa course avait pris fin, ses pieds pris au piège dans des sables mouvants (à Busan ? vraiment ? Pas étonnant que personne ne veuille le croire !).
Il se souvenait s'être débattu du mieux qu'il avait pu, ne réussissant qu'à s'enfoncer plus, s'épuiser plus ; l'adrénaline fourni par la panique l'empêchant seulement de réaliser qu'il n'avait eu aucune issue.
Il pouvait encore distinctement se remémorer ce rire cristallin, suintant la malice, ces doigts glacés qui l'avaient saisi par le crâne, le tirant ainsi de son bourbier pour le jeter sans délicatesse sur le sable.
Il pouvait encore sentir l'humidité qui avait infiltrée ses vêtements légers (comme s'il n'avait pas déjà eu suffisamment froid). Comment aurait-il pu oublier la figure maléfique qui s'était penchée au-dessus de lui, posant sur lui un regard cruel et carnassier, noir comme le plus profond des abysses ? Cette femme (?) au visage entièrement tatoué qui avait irradié le mal.
Il avait particulièrement été traumatisé par sa bouche disproportionnellement grande, il se souvenait avoir pensé qu'avec une bouche comme celle-là, elle aurait pu l'avaler d'une traite et vu la façon dont elle s'était léché les lèvres, elle en avait de toute évidence eu l'intention.
Il y avait probablement eu une conversation entre la « femme » et la créature, Jungkook pourrait jurer avoir vu ses lèvres bouger, toutefois, sa tête ayant reçu un choc assez violent au contact du sol, un bourdonnement aux oreilles l'avait empêché de comprendre ce qui avait pu se dire.
Ça n'avait probablement été plus mal, ils avaient eu l'air de discuter de son sort et il n'avait vraiment pas eu envi de savoir à quelle sauce il aurait (littéralement) été mangé.
Il avait dû s'évanouir à un moment, uniquement ramené à lui par la douleur causé par les griffes de la créature quand elle s'était enfoncée dans ses entrailles, son cerveau court-circuité alors qu'il n'avait plus réussi à remplir ses poumons d'air...
Avait-il crié ? Cette partie lui échappait un peu.
Il avait de nouveau perdu connaissance après ça, le froid l'envahissant jusqu'à la moelle, l'anesthésiant par la grâce du ciel face au traitement que les deux charognards avaient fait subir à son petit corps, chacun se battant pour avoir la meilleures part...
Puis le temps s'était arrêté.
La vision flou, il avait cru voir ses assaillants projetés en arrière par une force invisible, mais il n'avait plus eu la force de garder les yeux ouvert après ça.
Il était prêt à admettre qu'il avait peut-être rêvé ce qui s'était passé après : que quelqu'un l'avait pris dans ses bras, l'avait bercé en chantant dans un langage qui lui avait été étranger alors qu'il avait peu à peu été gagné par le néant...
Il avait cru voir Jae-Il une dernière fois entouré d'un halo de lumière, tentant de lui dire quelque chose, mais le silence avait été trop fort. En dernier recours, il avait juste tendu la main vers Jungkook qui avait flotté jusqu'à son frère pour s'en saisir.
C'est ainsi que le néant s'était dissipé, que le froid avait été remplacé par une chaleur douce alors que son sang s'était remis à couler dans ses veines.
Jungkook croyait se souvenir d'avoir ouvert les yeux pour découvrir la créature la plus parfaite de la création : Un jeune garçon, luisant sous les éclats de la lune enfin dégagée, au regard d'un bleu argenté qui avait fasciné Jungkook.
L'inconnu avait eu l'air soulagé en voyant le plus jeune reprendre conscience, passant une main dans ses cheveux noir de jais qui lui étaient tombés devant les yeux, il avait souri :
- Hey ! Hey ! Tu es de retour !
- Qui êtes-vous ? avait pensé Jungkook, mais ses cordes vocales avaient refusé de coopérer.
- Doucement... Tu ne pourras pas parler avant un moment, avait fait remarquer le garçon. Ton corp est réparé, mais c'est comme si tu avais les organes d'un nouveau-né, il va te falloir du temps pour réapprendre à les opérer.
- Quoi ? Jungkook avait cligné des yeux, observant fasciné, la créature dont même la voix avait caressé ses oreilles.
- Je vais devoir te laisser, lui avait dit le garçon en observant autour d'eux avec urgence. Je n'aurais déjà pas dû être là pour commencer. Ce talisman contient..., avait failli laisser échapper l'étranger avant de se raviser. Il te protégera tant que tu le porteras, tu dois me promettre de ne jamais l'enlever, à moins que je ne l'autorise, avait insisté l'inconnu en passant autour du cou du plus jeune, une cordelette en cuir au bout de laquelle s'était balancé une mini fiole plate en forme de feuille.
Sachant qu'il aurait été vain d'essayer de communiquer verbalement, Jungkook avait serré la main de son sauveur qui avait encore tenu la fiole et le regardant dans les yeux du mieux qu'il avait pu, il avait acquiescé.
Le dernier souvenir que Jungkook avait eu avant de sombrer dans l'inconscient, avait été le sourire attendri du garçon, à son réveil, il avait été à l'hôpital.
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Bon, pour finir cette année 2018, je vous offre une énième projet.
L'histoire est un peu embrouillé dans ma tête, mais si je réussi à coucher sur papier toutes mes idées, cela promet d'être épique.
Bonne Année !