Demain, à l'aube || Larry.

بواسطة aboutdemots

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"Ars longa, vita brevis" ("L'art est long, la vie est brève"), Harry admire avec fierté l'inscription au dess... المزيد

Avant-propos.
Chapitre I.
Chapitre II.
Chapitre IV.
Chapitre V.
Chapitre VI.
Chapitre VII.
Chapitre XVIII.
Chapitre IX (épilogue)

Chapitre III.

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بواسطة aboutdemots


            Le lendemain, à l'aube, Harry se réveille. Le corps nu, étendu entre les draps qui couvrent à peine ses jambes. Les souvenirs de la nuit dernière, les effluves de leurs corps unis dans la sueur et le plaisir lui font encore chavirer la tête. Il ouvre difficilement les paupières, la pièce est éclairée par un faible rayon de soleil, à peine levé. Au loin, il sent l'odeur du foin et de fruits. Après avoir laissé échapper un soupir, il se redresse et remarque qu'il est seul dans le petit lit défait.

Le siège où Louis a posé hier soir est à la même place, mais les bougies et le chandelier ont disparu. Sa tunique est, quant à elle, posé sur l'accoudoir du siège. Harry se met debout, enfile son tissu négligemment et se rend au salon. Son regard est tout de suite attiré par le portrait de Louis, accroché au mur à l'aide de petites punaises. La pièce est vide, elle aussi, il ne pense pas tout de suite à chercher le propriétaire de la maison et laisse son regard se promener sur les traits de son dessin. Assez réussi d'ailleurs. Malgré la gêne du début et le désir grandissant dans son corps. A vrai dire, il est même encore meilleur que certains de ses autres portraits.

– Tu m'as énormément mis en valeur.

Harry sursaute légèrement et se retourne, il n'a pas entendu Louis arriver. Il revient de la porte arrière de la petite cuisine, deux bouteilles de lait à la main et un sourire sur les lèvres. Ce n'est plus sa tunique d'hier qui recouvre son corps, à la place il porte une toge bleue. Le bleu de ses yeux. Accrochée par un fin jeu de cordes à la taille, une épaule laissée à la nue, et laisse voir ses jambes jusqu'au haut de ses cuisses.

A cette vue, Harry a du mal à ravaler sa salive ou trouver les mots. Ses émeraudes brillent de mille feux et son estomac se noue de désir, encore. Louis est irrésistible, comme un fruit qu'on a sans arrêt envie de goûter. Il pose les bouteilles sur la table et tend une pomme à Harry ainsi qu'un bout de pain un peu mou.

– Mange un petit peu, tu veux un verre de lait ?

Docile, Harry hoche la tête et se mord la lèvre en prenant place à table. Louis dépose devant lui un verre de lait et, le ventre creux par cette longue nuit presque blanche, Harry mange à sa faim. À ses côtés, Louis déguste des morceaux de raisin, silencieux. Mais ses yeux pétillent de malice, il ne semble pas le moins du monde fatigué. Harry repense aux dernières heures qu'ils viennent de vivre ensemble et ses joues rosissent. Il ne sait pas s'il reverra Louis de sitôt, s'il aura l'occasion de discuter avec lui, peut-être même encore toucher son corps aux courbes félines, cependant il sait qu'il a passé une des meilleures nuits de son existence.

Mais il sait aussi qu'il n'est sûrement pas la première personne que Louis touche ainsi, que bien des hommes ou des femmes ont dû passer avant lui et connaître Louis ou Louise, selon leurs envies. Alors, Harry ravale l'étrange sentiment de jalousie qui lui serre la gorge et termine de déguster les quelques mets que lui a gentiment offert son hôte.

Louis débarrasse la table et lui indique qu'il peut aller se rafraîchir dans la salle d'eau, juste à côté de la chambre. Harry le remercie et n'hésite pas une seconde. La pièce est assez petite, occupée par une grande cuve en métal pour s'y laver. Il laisse y couler un peu d'eau et se regarde dans un bout de miroir accroché au mur, son regard tombe sur la marque violacée au niveau de sa clavicule et il se mord la lèvre. Louis n'y est vraiment pas allé de mains mortes cette nuit, jusqu'à lui laisser une belle marque de son passage. Un souvenir de cette union de leurs corps. Harry ne le cachera pas.

D'ailleurs, il ne s'en préoccupe pas plus que cela, il retire son unique vêtement et se plonge dans la cuve d'eau tiède. Par cette chaleur, il ne peut pousser qu'un soupir d'aise lorsque sa peau brûlante retrouve la fraîcheur de l'eau. Il se lave, se débarbouille grâce à ses mains et au savon à la lavande que Louis laisse sur le rebord. Toutefois, Harry ressent un léger pincement au coeur de devoir effacer cette longue nuit suave et mouvementée de son corps. Pourtant, il jure encore pouvoir sentir les mains et la bouche agiles de Louis le toucher partout, ses hanches, ses cuisses, ses cheveux, ses fesses.

Avant de se plonger une nouvelle fois dans les limbes du désir, Harry se rince correctement et sort de la cuve. Il attrape une serviette et enroule son corps maintenant propre dedans. L'eau se vide doucement une fois qu'il a retiré le bouchon, et il peut jurer sentir l'odeur de Louis sur la serviette qui cache sa nudité.

Une fois sec, il revêtit sa toge et revient au salon. Louis est assit sur une chaise et joue du luth, les yeux baissés vers l'instrument qui envahit l'atmosphère d'une musique agréable. Bercé par le son, Harry s'approche d'un pas de loup, il ne souhaite pas sortir le jeune artiste de sa torpeur. Un carnet est ouvert devant lui sur la table et laisse apparaître ce qu'Harry assume être des partitions.

La musique cesse au bout de quelques secondes, Louis relève ses yeux malicieux vers le peintre et ses lèvres s'étirent en un large sourire.

– Oh, tu as terminé ? Parfait. Je pense aller me rafraîchir aussi un peu. J'ai pris un bain ce matin quand je me suis levé, mais la chaleur est encore accablante.

– Je vais peut-être te laisser...

– Tu dois aller travailler ?

Harry rougit, il n'a même pas pensé à son emploi. Sans aucun doute ses dessins peuvent attendre et à l'atelier personne ne va remarquer son absence, tout le monde est absorbé dans ses créations. Il n'est pas rare qu'Harry, lui même, passe plusieurs heures entières derrière un canevas afin de terminer un tableau, transporté par un élan d'inspiration.

Mais à cet instant, Harry ne pense pas du tout à l'art ou aux nombreux projets qui l'attendent encore. Son esprit est occupé par Louis, presque nu, dans une tenue légère, brillante et un luth à la main. En réalité, Harry a prononcé ces mots pour voir si le chanteur allait le retenir. Au vu de sa question, il est prêt lui aussi à passer un plus long moment avec lui.

– Pas spécialement.

– Si tu veux, je peux t'accompagner jusqu'à ton atelier et tu pourras peut-être me montrer certaines de tes œuvres là-bas ?

Les battements du coeur d'Harry s'emballent. Louis souhaite voir ses œuvres. Ses joues ne peuvent que s'empourprer davantage, ses mains deviennent un peu moite et il joue nerveusement avec ses doigts. Tout d'un coup, il se sent très intimidé de savoir que Louis s'intéresse non seulement à son travail mais souhaite le voir de ses propres yeux. Ce ne serait pas la première fois qu'il recevrait des compliments, mais venant de Louis avec qu'il a partagé une nuit torride, ce n'est pas anodin.

Les hommes ou femmes avec qu'il avait pu profiter d'un moment de luxure n'ont jamais vraiment porté d'intérêt particulier à son art, uniquement à ses capacités physiques. Ce sont sûrement ses muscles, dû au sport qu'il pratique de temps en temps le matin, qui attirent les regards curieux et aivdes d'un peu de plaisir charnel.

– C'est gentil, si tu n'es pas occupé alors oui. Ça me ferait plaisir.

– Tu m'attends dans ce cas ? Mets toi à l'aise, je n'en ai pas pour longtemps.

Sur ces mots, Louis pose son luth et se retire dans la salle d'eau. Harry, de nature assez curieuse, fait le tour du salon. Son attention se repose sur le bureau où sont encore entreposés les carnets et matériaux d'art. Même s'il n'est pas à plaindre financièrement, Harry ne possède pas chez lui une collection aussi professionnelle et majestueuse. La plupart du temps, il se sert de ce qui est à disposition à l'atelier ou des vieux crayons ou pinceaux qui traînent depuis des mois, voir des années chez lui. Cela ne le dérange pas pour autant, il aime sentir la vieille odeur des mines de plomb ou de bois, utiliser des carnets aux pages cornées ou jaunies.

Harry pose ensuite son regard sur la fenêtre ouverte, le rideau tiré flotte sous le léger vent chaud. La maison de Louis offre une belle vue sur des champs et on peut deviner au loin le bruit du centre-ville. Où se déroule à ce moment même le marché du Vendredi.

A peine quelques minutes plus tard, Louis sort de la salle d'eau. Sa toge élégante recouvre son corps bronzé et il semble rayonné plus encore. La bouche d'Harry devient sèche, il ravale difficilement sa salive et essaie de regarder autre part.

– Je te suis, Harry.

Ils sortent ensemble de la maison, mais les souvenirs de cette nuit ne restent pas enfermés entre ces murs bouillants. Harry les sent encore frétiller entre eux, vivantes réminiscences du désir qui les attire incontestablement l'un vers l'autre. Dehors, au milieu des rues exposées au soleil, Harry est accablé par la chaleur de l'été. Il a chaud, très chaud. Mais il est prêt à parier que c'est la présence de Louis qui rend la température si inconfortable. Sa toge lui colle à la peau, son carnet est moite entre ses doigts et certaines de ses boucles sont déjà humides.

De son côté, Louis semble tout à fait à l'aise dans son corps et prêt pour affronter cette journée un peu trop ensoleillée. Ce matin, il fut réveillé bien avant Harry qui déjà lui avait émerger de son sommeil aux aurores. Pourtant, il ne semble pas le moins du monde fatigué. Louis est comme une boule d'énergie lumineuse, il ne s'arrête jamais de briller.

Ils marchent ensemble jusqu'à l'atelier, parcourent les rues du village, passent devant le marché. Déjà les habitants sont à l'affût des fruits et légumes ou autres productions alimentaires. Harry distingue la bonne odeur des pêches et la saveur du raisin qu'on écrase pour en faire du jus. Les commerçants en vendent des bouteilles qui partent rapidement sous cette chaleur. Ils arrivent rapidement au coeur du quartier artistique, Harry pousse la porte en bois d'une maison qui a été décoré en un grand atelier.

La première chose qui frappe est l'odeur de la peinture, elle s'insinue dans les narines d'Harry et il ne peut s'empêcher de sourire. Il est dans son élément. A ses côtés, Louis l'observe et le suit entre les différentes pièces. Il y en a partout, pour tous les goûts et toutes les sortes de pratiques artistiques. Plusieurs personnes sont déjà à la tâche, concentrés derrière un tableau ou devant un début de sculpture.

Curieux, Louis découvre ce monde aux milles merveilles et s'arrête finalement au niveau d'une table sur laquelle Harry pose son carnet. Une pièce dont l'odeur de la peinture et du crayon de bois est est encore plus intense, presque à en faire tourner la tête. Harry fouille dans une des bibliothèques contre le mur et sort plusieurs planches de dessins. Un sourire timide sur les lèvres, mais le regarde pétillant de fierté et d'impatience, il pose les feuilles sur la table.

– Ce sont les croquis pour le pont, les premiers du moins. Les autres, on les garde dans un lieu un peu plus sûr. Mais ce sont ceux qui ont tout commencé. Mes essais et mes rêveries...

Harry sent son coeur battre d'impatience et d'appréhension, tandis qu'il glisse les feuilles sous le regard curieux du chanteur. Peu de personnes, à part celles avec qu'il travaille et sa famille, ont eu l'occasion de voir les croquis de ce pont. Ce sont les premiers jets, des brouillons annotés, des idées posées sur papier, mais ce sont grâce à elles que tout a vu le jour. Aujourd'hui, le dessin a quelque peu changé, la structure aussi, cependant dans l'ensemble l'image de l'édifice reste la même.

En silence, Louis détaille les différents dessins qui s'offrent à ses yeux. Le regard d'Harry est fixé sur son visage, à moitié éclairé par la lumière du soleil qui filtre à travers les rideaux ouverts. Sa peau brille sous les rayons, ses cils paraissent encore plus long et une petite mèche de cheveux lui tombe devant les yeux. Il la remet en place derrière son oreille quand il se redresse et offre un sourire rassurant au jeune peintre.

– Ils sont magnifiques, Harry ! Je suis certain que ce pont sera grandiose. L'empereur sera ravi.

– Merci Louis...

– Tu as un talent énorme.

Harry s'apprête à répondre mais leur discussion est interrompu par l'arrivée d'un autre homme, un peu plus âgé qu'eux et qui porte des rouleaux de papiers sous les bras. Le peintre tourne la tête et l'accueille avec un grand sourire et une étreinte amicale.

– Louis, je te présente Luciano l'architecte qui m'aide à dessiner le pont justement. Et Luciano voici Louis, un... chanteur et musicien.

Pendant un instant, Harry hésite sur la manière dont il doit qualifier Louis. Ce n'est définitivement pas un ami, ils se connaissent depuis quelques heures et ne savent que peu de choses encore l'un de l'autre pour s'appeler ainsi. Amant serait exagéré aussi, ils se sont liés et aimés pendant une nuit entière, sous la chaleur de l'été et la lueur vacillante des bougies, mais ils n'auront peut-être jamais plus l'occasion de vivre un tel contact. Au plus grand dam d'Harry qui aimerait pouvoir encore toucher, embrasser, regarder Louis se tordre de plaisir sous lui.

Les deux hommes se serrent la main, Luciano adresse un bref hochement de tête au chanteur et retourne ensuite à ses travaux après ces présentations rapides. Harry range ses croquis dans l'armoire et se mordille la lèvre, un crayon coincé entre ses doigts. Louis comprend qu'il est temps pour lui de partir et que le peintre doit se mettre au travail, malgré ce qu'ils ont pu vivre ensemble cette nuit.

– Bien, je te laisse alors.

– Merci d'être passé, et euh...

Tandis que le rose monte à ses joues, il scrute la pièce quasiment vide du regard, s'attarde sur Luciano qui a la tête plongé sur ses dessins, dos à eux, puis murmure en reposant ses yeux sur Louis :

– ... merci pour cette nuit et ce matin.

– C'est moi qui devrait te remercier. Le dessin est sublime.

Harry mord sa lèvre pour se retenir de dire que c'est lui qui est sublime, à la place il sourit et hausse les épaules. Ils restent quelques secondes à se regarder sans rien dire. Harry espère peut-être une étreinte, un baiser, une promesse...

– Repasse un de ces jours au bar, j'y joue souvent.

– Avec plaisir.

– Je serais content de te revoir.

C'est cela, son espoir. Il s'y accroche en regardant Louis lui faire un signe de tête, le sourire aux lèvres, et quitter ensuite l'atelier.

Pantelant, Harry s'appuie contre la table en bois et soupire. Son état ne passe pas inaperçu aux yeux de son ami et collègue Luciano qui ne se gêne pas pour rire de lui. C'est une manière de le taquiner, mais Harry lui jette tout de même un bout de papier, les joues rouges et le regard brillant.

Personne ne l'a jamais mis dans cet état.



            Harry a essayé de se mettre sérieusement au travail toute la journée, mais il n'a cessé d'avoir le visage de Louis dans la tête. A tel point qu'il l'a dessiné plusieurs fois sur des bouts de feuille ou sur le bois de sa table déjà couvertes de croquis. En somme, il n'a pas été très productif. Pas du tout, à vrai dire. Les plans n'ont pas tellement avancé et le portrait qu'il a fait de la fille d'une cliente n'est pas encore terminé, il n'a su ajouter qu'un peu de bleu pour le colorer. Mais cette nuance lui a rappelé celle des yeux de Louis.

Pensif, il quitte l'atelier aux alentours de dix-neuf heures. Le jour est encore levé, le soleil encore frappant, la chaleur encore étouffante. Il soupire et rejoint sa maison, silencieuse et vide. Entouré de ses dessins, ses carnets, ses pinceaux et ses chevalets, il se sent seul. Il aurait bien invité Luciano et d'autres amis à venir passer la soirée avec lui pour discuter et penser à autre chose qu'au projet du pont qui leur prend un temps énorme, mais il n'a pas la tête à cela.

Avant de s'installer dans le canapé, il se sert un verre de vin rouge. Une des dernières bouteilles qu'il lui reste, la nécessité de faire les courses devient presque urgente. Il prend un bout de pain sec sur la table, enroulé dans un bout de tissu et le mange tout en feuilletant des pages du roman qui occupe ses heures libres en ce moment. Seulement, il ne parvient qu'à lire une dizaine de pages et s'arrête en soupirant. Il ne peut pas se concentrer, parce que constamment le visage de Louis lui revient en mémoire. Alors, il fait ce qu'il y a de mieux pour soulager son envie irrésistible de, déjà, le revoir.

Harry se lève de son fauteuil, prend quelques feuilles et se met à la table de son bureau, éclairé par les quelques bougies et la lumière tamisée du jour qui s'endort, afin de dessiner Louis. Ce qu'il se rappelle encore de lui. Ses yeux, surtout ses yeux en réalité. Et peut-être aussi les courbes nues de son corps, la douceur de son sourire et la couleur de sa peau. Même la plus belle aquarelle ne pourrait lui rendre honneur.

Mais Harry essaie, pendant plusieurs heures. Il ne fait pas attention au temps et quand il relève les yeux de ses feuilles qui s'entasse, tiré de son inspiration par du brouhaha dehors, il ne remarque que maintenant le ciel noir. Il fait nuit. Il n'a pas mangé, son verre de vin est encore à terre, son poignet lui fait mal à force d'avoir dessiné sans relâche.

Épuisé, il se lève de sa chaise et va dans sa chambre. Il est trop fatigué pour se nourrir ou penser à ranger ses affaires. A la place, il se couche dans son lit, ferme les paupières et – sans aucune surprise – rêve de Louis toute la nuit.


              Harry est tiré de son songe, qui commençait à prendre un tournant très érotique, par quelqu'un qui toque à sa porte. Il réalise qu'il n'a pas changé de vêtement depuis la nuit chez Louis et son ventre gronde de famine. Difficilement, il se redresse de son lit et s'étire avant d'aller ouvrir.

Un sourire fatigué se dessine sur ses lèvres quand son regard tombe sur Delio et, bien sûr cela ne pouvait pas être Louis, puisqu'il ne connaît pas son adresse. Cependant, Harry ne s'attarde pas sur ce détail parce qu'il remarque tout de suite l'air paniqué, voir même effrayé, sur le visage de son ami architecte.

– Delio, qu'est-ce qui se passe ?

– C'est Luciano...

Son ami n'a pas besoin d'en dire plus, Harry sent son coeur se serrer et une nausée sévère lui prendre la gorge.

Ces dernières années, Harry n'a cessé de gagner en renommée. Pas de là à devenir un peintre illustre que tout le monde s'arrache, il doute même que cette forme de reconnaissance lui arrive un jour, mais il est satisfait lorsque des personnalités connues viennent s'intéresser à son travail. S'il dessine ce n'est sûrement pas pour les pauvres pièces qui lui rapportent ces productions, mais bien pour le plaisir que lui provoque l'art. Il a été plongé dedans dès son enfance.

Les fresques et les peintures somptueuses du palais qu'il a eu l'occasion de voir grâce à une visite avec son père, les architectures des monuments de la ville, les décorations impériales et les couleurs vives des jardins. Puis les productions de ses amis artistes, peintres, architectes, sculpteurs... La ville regorge de talents qui ne demandent qu'à éclore. Harry est l'un d'eux. Peut-être que Louis sera le rayon de soleil qui sera suffisamment fort pour le faire émerger.

Sans aucun doute, l'art devait faire partie intégrante de sa vie. Peut-être sa mère a-t-elle, elle aussi, joué un rôle influent grâce à son goût prononcé pour la musique classique et le théâtre. Aux premiers abords, son père a été déçu de constater qu'il ne reprendrait pas son nom en politique. Mais après des nombreuses discussions avec sa femme, la mère d'Harry est une fervente amatrice de culture autant littéraire qu'artistique, son père a fini par se faire une raison. Son fils sera peintre. Son fils ne sera pas un grand homme politique, un grand professeur de philosophie ou un grand orateur. Il sera artiste.

Et sa vie d'artiste lui a permis de faire de merveilleuses rencontres professionnelles, mais surtout amicales. Luciano est un de ses meilleurs amis, présent à ses côtés depuis le début. Ils se soutiennent et s'aident mutuellement. Alors quand il entend son nom, prononcé de façon aussi triste et tremblante, il sent son monde s'écrouler sous ses pieds. Il sait ce que cela présage... Il lit déjà la funeste nouvelle dans les yeux de Delio.

– Il a été retrouvé la gorge tranchée chez lui ce matin, ça s'est sûrement passé pendant la nuit.

Quand Delio lui annonce la mort de son ami et collègue, Harry ne peut empêcher les larmes de lui monter aux yeux. Il monte machinalement une main tremblante devant sa bouche, sous le regard tout aussi triste de son autre ami qui l'amène dans une étreinte.

Harry est jeune, le plus jeune de leur petit groupe d'artiste. Peut-être pas un écart de dix années, mais les autres ressentent un besoin de le protéger. Il est insouciant, bienveillant et toujours empli d'une grande candeur. Luciano était presque un membre de sa famille, alors il ne peut cacher sa douleur et sa peur. Quelqu'un l'a tué, quelqu'un lui en voulait, à lui, et peut-être à Harry aussi.

Delio rentre finalement dans la maison et laisse Harry aller se rafraîchir et se changer les idées. Il pleure en se lavant le visage et le corps, secoué par les sanglots. Quand il ressort de sa salle d'eau, il ne se sent pas mieux. Simplement plus propre. Il a opté pour une toge aux couleurs grisées avec quelques ornements dorés. Même s'il ne supporte pas l'idée d'être en compagnie maintenant, parce qu'il préférerait pleurer la mort de son ami dans son coin, il accepte de suivre Delio chez lui où ils se sont réunis avec les autres artistes de l'atelier. Du moins, ceux qui sont le plus proches de Luciano.

Une boule dans la gorge et les yeux rougis, Harry pénètre dans la maison de Delio, ils sont déjà cinq dans le salon. Ivan, le plus âgé de ce groupe, s'avance vers lui, pose une main sur son épaule et le prend dans ses bras. L'accolade ne dure pas longtemps, mais la chaleur qui s'en dégage soulage quelque peu Harry. Derrière sa barbe blanche et ses rides, l'homme lui sourit et lui tend un morceau de fruit.

– Mange un peu, tu es tout pâle Harry...

– Je ne peux pas, mon estomac est trop noué.

– Veux-tu un verre de vin à la place ?

Harry hoche docilement la tête et accepte le verre que Delio lui offre, il reste debout et observe les autres. Ils sont regroupés autour de la table et continuent leur conversation, concentrés. Harry s'approche lentement et essaie d'entrer dans la discussion. Ils parlent de la mort de Luciano, c'est indéniable. L'homme qui prend la parole, la voix dure et assurée, a le regard animé par un éclair de vengeance. C'est lui qui l'a retrouvé mort ce matin en venant le chercher pour se rendre à l'atelier. Il raconte que sa maison était retournée, des papiers partout, les tiroirs ouverts, certains au sol, des papiers déchirés. Et il gisait là, au milieu de ses propres œuvres. Un frisson traverse le corps d'Harry et il boit une gorgée de son vin pour ne pas vomir le peu qu'il a dans l'estomac.

La vengeance ne résout rien, Harry le sait. Mais il aimerait tellement connaître le nom de ce tueur et pouvoir le mettre sous les barreaux. Peut-être même se fera-t-il exécuter si ce n'est pas son premier meurtre. Dans ce cas là, Harry n'a aucune forme de pitié.

– Non non, celui qui a fait cela sait manier les armes. Le coup était net, précis, sans aucune hésitation. Ce n'était sûrement pas sa première victime.

– Qu'est-ce qui te fait penser que c'est un homme ?

– Pourquoi au diable une femme viendrait-elle se mêler de cette affaire ? Il n'avait pas de maîtresse cachée à ce que je sache, sa sœur est loin et sa mère est souffrante.

– J'avoue que l'identité de cette personne reste pour moi un mystère.

– Pourquoi le tuer lui ? Je veux dire, c'était l'homme qui causait le moins de problème, il était toujours discret, poli et travailleur.

– Peut-être quelqu'un en voulait-il à son argent ?

Petit à petit, les théories se construisent autour de la table. Harry s'assoit sur un siège et soupire. Forcément, il devra se rendre à l'enterrement de son ami, lui apporter une fleur et peut-être un petit portrait. Mais là, il ne peut lui offrir que ses larmes chaudes.

Au bout d'un moment, il ne fait plus attention aux conversations et hypothèses qui fusent autour de lui, il ne pense qu'à la vision du corps de Luciano. Mort, étendu, la gorge tranchée et le sang répandu autour de lui comme son œuvre d'art ultime. Puis Harry a peur, pas pour lui. Il a peur pour les autres, ses amis. Pour Louis, et s'il lui arrivait quelque chose, à lui aussi ? 

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