Le Murmure des Anges

De LesCrisVains

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Depuis l'âge de six ans, Do-Anne entend des voix dans sa tête : celles des Anges, êtres mystérieux porteurs d... Mais

I- Je suis Do-Anne
II-Je suis folle
III- Je suis Jeanne d'Arc
IV- Je suis jeune
V. Je suis séduite
VII. Je suis trop imaginative
VIII. Je suis tourmentée
IX. Je suis Takdir
X. Je suis vacillante
XI. Je suis presque morte
XII. Je suis ailleurs
XIII. Je suis loin d'eux
XIV. Je suis Seseorang
XV. Je suis tantôt l'un tantôt l'autre
XVI. Je suis mille à la fois
XVII. Je suis parmi les ruines
XVIII. Je suis Penghormatan
XIX. Je suis la Belle
XX. Je suis Puteri.
XXI. Je suis la reine de la fête
XXII. Je suis Kebodohan
XXIII. Je suis Binatang
XXIV. Je ne suis personne

VI. Je suis M. Broken

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De LesCrisVains

Je m'appelle Alfred Broken, j'ai 12 ans, et mon père est parti peu après ma naissance. Tous les jours, ma mère me parle de lui, comme si cela allait le faire revenir. Elle le décrit beau, tendre, profond, entouré d'une lumière divine inexplicable. C'était un ange, un vrai, m'affirme-t-elle pour me consoler un peu. S'il est parti, c'est parce-que le Ciel le réclamait.

J'aime bien cette histoire, même s'il s'agit d'un beau mensonge. Parti au Ciel. Je suppose qu'il est mort, peut-être s'est-il enfui avec une autre femme. Je l'ignore, mais après tout cela m'est égal: pour ma mère et moi, c'est un ange qui un jour aima une mortelle.

Cette dernière fait preuve d'une folle imagination pour inventer des histoires à son sujet. Elle peut passer des heures à me raconter le combat de mon géniteur contre Lucifer, ce qui occupe ainsi les longs dimanches pluvieux. Avec d'innombrables détails, elle me décrit ses longues ailes immaculées, sa voix cristalline, sa mélancolie si poignante. Il lui aurait souvent parlé de son monde, le Paradis, qui courrait un grave danger.

Mais l'histoire qu'elle aime le plus me murmurer au coin de l'oreille, en caressant mes cheveux pour me faire dormir, c'est comment il s'est en allé. Il s'agit là de la plus triste fin de conte que je connaisse. Je ne peux le répéter sans trahir la beauté du récit, la justesse de l'émotion. Ma mère est si bonne conteuse... A croire qu'elle a vraiment vécu tout cela.

Et puis, un jour, quelque chose change. J'apprends qui était mon père. Pour de vrai.

J'effectue mon stage chez René, un ami de mon grand-père maternel. Un barman sympathique, au crâne dégarni et à l'extravagante barbichette. Je ne le connaissais pas vraiment, mais très vite nous devenons amis.

Il me fait découvrir Barbara, je lui parle du rock anglais en vogue. De plus, je travaille bien, je ne casse pas trop de verres, alors il me donne rapidement des responsabilités.

Je ne sais comment, un soir en essuyant les tables, la conversation bifurque sur mon père.

"Tu ne le connais pas du tout, fiston?

-Non. Ma mère invente des histoires sur lui.

Il grimaçe:

-C'est con ça. Surtout que moi, pour l'avoir connu, je peux te dire que c'est pas...

-Vous l'avez connu?

-Yep.

René continue sur le ton de la confidence:

-Je sais que c'est à ta mère de te le dire, mais... Peneroka Broken est un enfoiré. Un sale con qui aimait boire et battre sa femme. Un jour, il a même..."

Il se tait, voyant que cet aveu me fait l'effet d'un coup de poing. Il s'excuse, mais au fond, il a eu raison de me dire la vérité. Mon père n'était pas un ange.

Je me doutais un peu, je savais qu'un jour, tôt ou tard, ces contes ne sauraient plus suffire. Qu'il me faudrait affronter la vérité en face. Cependant, m'extirper de ces doux rêves me fait quand même mal, pareil au papillon quittant sa chrysalide, au serpent cédant à la flûte de la raison. C'est violent et cruel, la réalité; c'est hélas nécessaire.

Soudain, j'ai l'impression d'étouffer, aussi le besoin de sortir me prend. Un enfoiré. Dans mes veines coule l'héritage d'un enfoiré. Mais de qui tiens-je le plus? D'un affreux personnage ou d'une amère conteuse? Je ne pleure pas -on m'a appris que les hommes ne pleurent pas.

Sans un mot, je quitte le bar pour me mettre à courir, courir jusqu'à la maison maternelle, courir hélas trop lentement à cause de mon corps trop rond, trop peu habitué à de tels efforts. J'arrive en trombe dans le jardin où lit ma mère. Le petit portique de bois se ferme en claquant et moi, essoufflé, j'essaye de ralentir ma respiration pour parler.

Je veux la questionner, je veux entendre "oui" de sa bouche, ou bien une explication plus douce, je veux comprendre pourquoi elle vénère ainsi une crapule, je veux encore et encore, je veux comme un enfant capricieux.

Ma génitrice parcourt la Bible. Elle me remarque à peine tant sa lecture l'occupe, elle qui est si fervente catholique. Je l'entends marmonner assez fort pour que je puisse la percevoir d'ici:

Il fit la Mer en métal fondu, de dix coudées de bord à bord, à pourtour circulaire, de cinq coudées de hauteur...

Étant moi-même connaisseur des textes sacrés, je devine que ce passage parle de la construction d'une ville par Salomon. Pas l'épisode le plus intéressant de l'Ancien Testament.

"Maman! j'appelle.

La voilà qui se lève de sa chaise pour me dévisager. Un grand chapeau de paille lui donne l'air d'une vacancière, avec sa peau brûlée par le soleil. Nous sommes à peine juin, et si je n'étais pas tourmenté, je me serais moqué -une fois de plus- de ce bronzage à grande vitesse. Mais non, aujourd'hui, ce que je vais dire sera plus cruel. Je ne sais comment formuler ma question. Une bouffée de colère, née de ma frustration, me prend, tandis que, sans y prendre gare, je crie:

-Peneroka Broken est un enculé!

Hurler une telle vulgarité à ma mère ! Suis-je devenu fou? Je crains la fureur maternelle, mais la réaction de ma parente en diffère totalement. Elle s'effondre, troublée; déjà ses yeux se remplissent de larmes, elle se brise avec la fragilité d'un château de cartes. Quelle belle et triste femme. D'un pas malheureux, elle va, ou plutôt rampe vers moi.

-Ils ont tort, Alfred, ils ont tort... Je t'en prie, ne les crois pas...

Je frémis, pris d'un doute. Se pourrait-il que ma mère..?

-Je te le jure, supplie-t-elle. Ils disent ce qu'ils ont vu, ou plutôt ce qu'on leur a fait voir. A son départ, Peneroka a changé la mémoire de tous les mortels qui l'ont connu, de peur qu'ils pleurent sa disparition... Mais crois-moi, mon fils, mon fils adoré, ton père était un envoyé de Dieu, un véritable ange!"

Ce que je lis dans ses yeux m'effrayent. Ces histoires qu'elle m'a racontées n'étaient pas de simples contes, à ses yeux. Tout ce qu'elle me disait, elle le croyait. Elle y croit dur comme fer: son ignoble mari était un ange. Sans que je ne le sache, ma mère est devenue folle.

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