Il Était Temps

Por alice-bdt

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Le coup de foudre. Le coup de foudre est le rêve de toutes les âmes perdues. Comme une évidence immédiate, ce... Mais

Prologue
Évidence
Champ Miné
Agent Double
Labyrinthe
Barbare
Partie de Jeu
Apesanteur
Folie
Enfantillage
Ravage
Vice & Versa
Insouciance
Bêtise
Obstacle
Adrénaline
Univers
Ressource
Acte
Sabotage
Passion
Apothéose
Malédiction
Échec & Mat
Paranoïa
Coup de théâtre
Effleurer
Impasse
Murmure
Blocus
Arène
Double
Débâcle
Héritage
Apocalypse
Euphorie
Terminal
Épilogue
Derniers mots

Distraction

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Por alice-bdt

-Vous pouvez prendre ce tabouret.

Je lui tends le siège, en évitant de croiser son regard.

-Merci, dit-il en l'attrapant.

Je suis incapable de lui fournir une réponse. Aucun mot ne s'évapore de mes lèvres car il me rend timide. Je ne le suis habituellement pas.

Je commence à fouiller dans les tiroirs de la cuisine pour trouver le matériel nécessaire.

-Tu n'as pas à te sentir si mal, me rassure Adam.

-Je ne voulais vraiment pas vous arroser avec du vin, je m'excuse.

-Tu n'es pas obligé de me vouvoyer. Nous sommes de la même famille maintenant.

Je me crispe, gênée par cette phrase. "Nous sommes de la même famille". Avec plus de volonté, j'accentue ma recherche parmi les tiroirs. Il ne doit pas s'apercevoir du malaise qui me ronge.
Un long silence s'installe dans la cuisine. Un silence étouffant. Je lance alors un sujet de conversation:

-Vous faites quoi dans la vie?

Ma voix reprend son timbre habituel. Elle est plus forte, plus assurée.

-Enfin, je veux dire, tu fais quoi dans la vie? Comme métier?

J'ouvre le dernier tiroir, et je trouve le savon. Ma mère loue cet objet magique à chaque repas de famille et fait l'admiration de ses copines et voisines femmes au foyer. Ce savon permet de nettoyer toutes les tâches, "Même celles invisibles!" dixit Anne Higan.

Je me retourne et lit un sourire en coin sur les lèvres d'Adam. Il est encore plus séduisant avec ce fichu sourire.

-Ça m'étonne que Jace ne te l'ai déjà pas dit, s'amuse-t-il.

-Elle m'a raconté tellement de chose sur ton compte. Je ne me souviens plus de rien.

Je prends une chaise et me positionne en face de lui. 

-Je suis sûr que si, me répond-il.

-Et moi je suis sûre que non. 

J'arrive à lui répondre vivement, c'est un bon début. Je commence doucement à me réveiller.

-Je suis architecte. J'ai un cabinet avec Gabriel, mon associé.

Sa voix est grave et particulièrement envoûtante. Pour me canaliser, je tends ma main vers son torse. Sans réfléchir, je prends les devants. J'écrase la pierre sur sa chemise au lieu de simplement la lui donner pour qu'il se débrouille seul.

-Hum, tu peux y aller plus doucement?

Mes doigts blanchissent à cause de la force de mon geste. Stressée, j'adoucis mon mouvement.

-Je ne sais pas, tu soutiens quand même Liverpool, je le taquine.

Adam rigole franchement. Je sens son corps, et plus particulièrement ses abdominaux bouger sous mes doigts.

-Je ne pensais pas que tu allais attaquer de si tôt, rit-il. Jace m'avait pourtant prévenu.

-Elle a bien fait. Je ne fais pas de cadeau au personne qui ne soutienne pas les Red Devils.

-Le vin sur ma chemise était donc prévu?

-En partie. J'élimine mes ennemis un à un.

Il rit une nouvelle fois et mon cœur se réchauffe. 

-Liverpool a un très bon jeu, se défend-il.

-Pas aussi bon que Manchester.

-Manchester a perdu le dernier match...

-Manchester a remporté trente victoire alors que les Red Scousers Merseysiders n'en ont que vingt-trois depuis le début du championnat.

J'aime cette conversation. Elle est fluide, aussi naturelle que deux personnes qui se connaissent depuis toujours.

-Je suis supportrice de Manchester depuis que je sais marcher. Tes arguments ne vont rien changer.

-Ah bon? Je n'ai pas remarqué, ironise-t-il.

Il ose me piquer, je l'imite : 

-Attention Adam. Ta chemise ne sera pas la seule chose que je vais tâcher.

-C'est une menace? 

-Un avertissement. Il y aura d'autre victime. 

-Tu penses à qui, meurtrière? 

Bêtement, je le regarde dans les yeux. Et je redescends aussitôt mon regard. C'était quoi ça? J'ai vu une flamme dans son regard. Ses pupilles noires étaient habitées par une lueur brûlante, ardente. 

-Je ne sais pas, je réponds, complètement perturbée.

Je continue de nettoyer sa chemise, même si les tâches de vin sont presque effacées. J'ai les joues rougies par la chaleur, par le scintillement indescriptible dans son regard, par notre proximité. La distance entre nous est plus fine. Inconsciemment, naturellement, nous nous sommes rapprochés. Comme deux aimants.

-Il faudrait qu'on aille se voir un match de Liverpool contre Manchester, je lui propose. Tu vis où?

-Je suis à Londres. Je vais y rester un moment puisque j'emménage avec ta sœur. 

-J'habite aussi à Londres.

Nous habitons dans la même ville. Nous n'allons pas être séparés par des kilomètres de distance. Malgré les protestations de mon esprit, je veux le sentir près de moi, je veux le connaître, je veux croiser son regard. Je le veux. Et c'est horrible.

-On pourrait essayer de se voir, me propose-t-il. Pour mieux se connaître. 

-Oui, c'est une bonne idée.

Toutes les tâches ont disparu sur sa chemise depuis pas mal de temps. J'arrête mon mouvement pour ne pas qu'il pense que je profite de la situation. Pourtant, je laisse une main sur son torse.

-Merci, murmure-t-il dans un souffle.

-Je crois que j'ai réparé ma bêtise.

-C'était rapide.

Trop rapide?

-Oui, je confirme.

Il est temps d'interrompre notre échange inapproprié. Je baisse ma tête pour ne pas croiser son regard. Je m'écarte de son corps à contrecœur. J'efface notre proximité.

Quand je me lève, Adam glisse sa main autour de mon poignet.
Ses doigts prennent possession de ma chaire. Sans contrôle, je frissonne, encore.

-Attends, souffle-t-il.  

-Oui?

La lueur renaît dans ses prunelles sombres. Dans le silence, nous nous regardons longuement. Je peux entendre mon cœur battre à toute allure dans ma poitrine, je peux lire cette inexplicable attraction dans ses yeux.

J'attends un geste de sa part. Il attend une réponse. Notre échange nous fait tout oublier. 

-Ma petite puce? Je voudrais savoir où sont...

Une voix résonne. Une voix résonne?! Je m'écarte brutalement d'Adam, l'atmosphère tendue disparaît instantanément. Ma grand-mère finit sa phrase, la bouche grande ouverte:

-Les bières...

Elle se tient dans l'entrée de la cuisine. Ses yeux sont écarquillés de surprise. Ou de stupeur? Je n'en ai aucune idée.

-Les bières sont dans le frigo, je réponds de manière désinvolte. N'est-ce pas Adam?

-Hem oui, confirme l'intéressé. Elles sont dedans depuis un moment. Elles seront bien fraîches.

-Comme tu les aimes! je m'exclame.

Ma grand-mère nous observe l'un puis l'autre. Elle me dévisage, moi, le monstre. Le monstre qui vient de partager un moment trop intime avec le fiancé de sa sœur, sans aucun contrôle.
Le mal commence à me ronger alors je bégaye:

-Je vais... Je pars aux... Toilettes.

Je sors rapidement de la pièce, honteuse. Je suis comme une gamine qu'on vient de surprendre en train d'embrasser son copain sur le perron de la maison.
Mais ce n'est pas mon copain, c'est le fiancé de ma sœur.

Précipitamment, je rejoins le cagibi sous les escaliers. Ce n'est pas les toilettes, ni l'endroit le plus confortable de la maison mais c'est le lieu où je me sens le mieux.
Petite, je jouais à Harry Potter avec Josh. J'étais Harry et il était le cousin Dudley qui m'envoyait dans cette petite pièce pour me punir.
Adolescente, je me réfugiais ici pour réfléchir, pour éviter les sermons de ma mère, pour comprendre qui j'étais.
Adulte, je m'y enferme rarement. À part quand je me dispute violemment avec ma mère et que j'ai besoin d'un refuge.

Je pose mon front contre le vieux bois. Dans le noir complet, l'odeur de poussière me rassure aussitôt. Je prends de grandes inspirations et ma panique se calme peu à peu.

-Je suis allée chercher des bières. Je n'ai rien vu, je n'ai rien pensé, déclare une voix en bas de l'escalier.

Je colle mon oreille contre la porte et prête attention à la conversation.

-Tu me sembles gentil, jeune homme. Il est important que tu ne lui fasses pas de mal.

Je reconnais la voix de Marta. Ma grand-mère doit parler à Adam de sa fiancée. Elle doit lui demander de ne pas faire souffrir le diamant de la famille Higan.

-Je ne lui ferai pas de mal, promet la voix d'Adam. Ce n'est pas mon attention.

Une douleur se creuse dans mon ventre, je n'aurais jamais le droit à ça. Ma sœur sera toujours protégée, son bonheur sera toujours comblé.

-Je ne causerai aucun tord à Lizzy.

Mon souffle se coupe quand j'entends la voix rauque d'Adam prononcer ces mots. Il parle de moi. De moi! C'est insensé.

-Bien, confirme Marta. Je suis ravie de l'entendre. Maintenant, allons boire ces bières pour fêter ta venue dans cette famille de fou!

Je les entends rejoindre le salon, tandis que je calme ma respiration. En vain.
J'ai chaud, terriblement chaud. Les murs du cagibi semblent s'être rapprochés pour m'y enfermer. L'air est suffocant et m'oblige à sortir. Rapidement, j'ouvre la porte et y ressort en titubant. J'inhale l'air un bon coup, heureuse de retrouver la lumière.

-Qu'est-ce que tu faisais là-dedans?

Je pivote sur ma droite, et vois Jace me regarder, intriguée. 

-Je croyais que tu ne passais plus de temps dans ta cachette. Tu t'es disputée avec maman?

-Pas encore. Marta l'a déjà bien fatigué.

-Elle n'a pas été de main morte, s'amuse-t-elle. Cela ne m'explique pas pourquoi tu te cachais.

-Je ne me cachais pas, je cherchais un truc...

-Un truc?

-Oui tu sais, un bidule.

Jace me regarde comme si j'étais un extraterrestre. Je croise les bras derrière ma tête pour essayer de paraître naturelle.

-J'espère que ces trucs ne t'empêcheront pas de nous aider pour le déménagement, lance Jace.

-Quel déménagement?

-De mon cabinet dans une semaine. Tu n'as quand même pas oublié? Tu m'as promis que tu m'aiderais! 

Ma sœur pousse un soufflement d'agacement. Elle aime que tous soit organisé, réglé, préparé à l'avance alors que je prévois tout à la dernière minute. Je suis son inverse, même pour ça. Comme les planètes les plus opposés l'une de l'autre du système solaire. Elle est Mercure, je suis Neptune. Deux planètes différentes qui gravitent autour du même soleil.

-Ne me dis pas que tu n'es plus disponible, je ne te croirai pas.

-Je n'ai encore rien dit. 

Je n'ai pas envie d'aller aider à ce déménagement. Ma sœur ouvre son cabinet de dentiste à Hampston, et je ne veux pas passer un autre moment dans ma ville natale. 

-Nous comptons sur toi, sois présente. 

-Nous?

-Adam et moi. Il sera là.

Un mauvais sort s'est abattu sur moi. Je vais devoir me coltiner un déménagement avec le couple parfait.

J'aurais encore préféré le faire avec ma mère qu'avec l'homme que j'aime.




La plus belle phrase d'amour est dite dans le silence d'un regard.

FRANK BORKLACQ

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