Chapitre 1: Une bien petite île

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La bande s'était formée juste avant le douzième anniversaire d'Isaac. Ils se connaissaient déjà, c'était inévitable sur l'île.

C'était en octobre, jour marquant pour ce début d'histoire, que le père d'Isaac avait pris vers dix huit heures la petite route qui mène au village. L'été s'écoulait à peine que déjà le ciel s'enflammait autour de cette heure ci, et certains habitants du village privilégiaient de la vue du soleil qui fond dans la mer. Au niveau de ce virage, on assistait pleinement au spectacle. Il faut dire que malgré l'habitude et sa vue qui baissait, le père d'Isaac n'avait jamais arrêté d'être spectateur de la beauté autour de lui, à tel point qu'il ne parlait presque jamais. Seulement, ils avaient eut Isaac tard, sans trop de raison d'ailleurs, et George n'était pas aussi réactif qu'au bon vieux temps. Un faux mouvement, un animal qui traverse la route; ils ne sauront jamais.

C'est vers dix neuf heures, quand le soleil a disparu et que les nuages sont roses, que le cri désespéré d'Isabelle avait résonné dans toute la vallée.

Isaac n'avait pas mis longtemps à comprendre, il savait que son père refusait de vieillir, d'autant plus qu'il prenait les petites routes de l'île à la même vitesse que dans sa vingtaine. Comme la plupart des habitants de l'île, d'ailleurs.

Et comme pour les mariages, ce samedi-là, tout le village s'était réuni à l'église pour parler de ce silencieux libraire à l'air toujours triste. Isaac avait refusé de rester dans la salle, énervé du discours chaotique de sa mère en sanglots. Il n'avait jamais rien partagé avec son père sinon qu'ils semblait tout deux appartenir à un autre monde. Il comprit plus tard l'absence dans le regard de son père, dont l'occupation principale était de lire dans sa librairie-boutique touristique miteuse. Ils ressentaient le même besoin de s'échapper de leur vie et d'en vivre des milliers d'autres.

Assis sur les marches de l'église, il pensait à l'état dans lequel avait été retrouvé son père. Surement un grave état, avec plein de sang, il imaginait. Si sa mère ne voulait pas qu'il voit, c'était pour cette raison, il ne voyait que ça. Sa mère lui avait juste précisé que les dernières secondes avant l'accident, il fixait probablement le magnifique spectacle de la mer et du soleil, comme pour le rassurer. Isaac s'était demandé si c'était vraiment important. En grandissant, il n'avait jamais arrêté de monter sur la tour au moins deux fois par semaine, afin d'assister au coucher du soleil. Plus tard, la bande le rejoignait souvent.

De longues minutes passèrent, avant qu'Isaac soit interrompu dans sa rêverie par la lourde porte de l'église. Un gamin qu'il connaissait vaguement venait de sortir, il remarqua Isaac et descendit les deux marches qui le menaient à lui. Il s'assit. En temps normal, Isaac n'aurait rien dit, mais il décida de suivre les conseils de l'épicière du village. Elle lui avait dit avant de rentrer dans l'église qu'il fallait parler pour se remettre d'un événement horrible, qu'elle n'imaginait même ce que ça pouvait être pour un enfant de son âge.

En réalité, il s'en voulait presque de ne rien ressentir, mais il entreprit de demander le prénom du garçon quand celui ci l'interrompu. J'espère que le paradis est comme un des livres de ton père, il souffla. Devant le silence d'Isaac, il reprit, précisant qu'il s'appelait Théo et que sa mère l'obligeait à lire un livre par semaine, par conséquent qu'il connaissait un petit peu son père, il lui avait d'ailleurs conseillé son nouveau livre préféré.

Isaac le regardait, et pensa que son père n'avait jamais daigné lui enseigner cet amour des livres. Dans son enfance, il lisait et écrivait en secret afin de pouvoir atteindre son père. Depuis qu'il était rentré au collège, il avait arrêté, tant pis pour son père. Theo parlait maintenant de son livre préféré, mais il s'arrêta quand il réalisa qu'Isaac ne l'écoutait plus.

Island (draft) Kde žijí příběhy. Začni objevovat