Rongé par la haine

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Il faisait nuit noire. Les nuages cachaient l'entièreté du ciel, ainsi que la lune faiblement éclairée. Le silence régnait dans le quartier, dans le grand hôpital.
Mais, dans un bruit sourd, le tonnerre gronda, se déchaina, s'abattit au sol. Suite à l'écho du fracas, une puissante averse s'abattit à son tour, déchirant le doux silence.
C'était au même instant qu'une ombre vengeresse s'approchait de la chambre où était située Lyz. Cette dernière, encore comateuse suite à la tentative d'assassinat dont elle avait été victime, s'était vue être hospitalisée pour un long moment déjà.
Une fois devant la porte, la mystérieuse personne posa, hésitante, sa main sur la poignée, puis l'entrouvit lentement. De nouveau, un éclair déchira le ciel, lui permettant de voir la jeune femme, vraisemblablement prise dans un profond sommeil, malgré l'obcurité.
Dans la plus grande discrétion, l'intrus s'approcha du lit de la patiente, avant de sortir un silencieux de sa sacoche, puis de le braquer sur sa cible.
"Tu nous auras donné du fil à retordre, Déchue. Mais, à présent, ton corps et ton âme torturée vont partir pour un long voyage."
Alors, il posa son doigt sur la détente. Aussitôt, les voix crièrent à nouveau dans sa tête.
*"Alex... Alex !* *Traitre ! C'est de ta faute !*"
Prit de surprise, il lâcha son arme. Les cries reprirent de plus belle.
"*Ils te tueront ! Tu sais qu'ils sont innocents !* *Traitre. Traitre ! TRAITRE !*
"Non... Non... Pas maintenant..."
L'homme s'effondra au sol, les mains sur la tête, les larmes aux yeux, suppliant de toute son âme que cela cesse. Mais l'effet persista de longues minutes, durant lesquelles l'agent double était victime d'intenses douleurs, et tous ses regrets, et toute sa haine refirent surface. Quand, finalement, les voix se calmèrent, il releva la tête, et découvrit Lyz, la Déchue, assise sur le lit, son silencieux à la main pointé sur lui.
"Je t'attendais. Je savais que tu tenterais de terminer ce que tu as commencé. Agent "Zero", c'est bien cela ?
- Hmph... Effectivement, oui. Je vois que tu es toi-même bien informée. Mais que tu me donnes toi-même la preuve que tu es la Déchue, voilà qui était inespéré."
Le garçon lui répondit avec un léger sourire déformé par la haine et la panique, tandis que la fille, elle, nettoyait l'arme qu'elle avait ramassé, avant de reprendre.
"Te le montrer au point où nous en sommes n'importe que peu. Sache simplement que la malédiction de la Déchue s'applique dès la moindre trace de regret de toute personne s'intéressant de près comme de loin au passé et/ou au devenir de sa personne. Le simple fait que tu sois rongé par le désir de me tuer t'a perdu, puisque ce même désir te pousse à t'informer sur ce que je suis devenue suite à ma supposée mort. Maintenant, dis-moi; Tu n'as rejoint l'Agence il n'y a que quelques mois. Il t'était impossible de trouver les informations nécessaires pour remonter jusque moi en un laps de temps si court.. Que t'as raconté Caïn sur moi ?"
Le visage d'Alex prit une toute autre forme en entendant cela. Il lui fallut quelques courtes secondes pour répondre :
"Peu de choses. Qu'importe, je n'ai jamais eu besoin de beaucoup d'informations pour remonter jusque mes proies. Tu es la mieux placée pour le savoir. Après tout, nous avons travaillé nombre de mois ensemble. Contrairement à ce boulet de Caïn, il ne m'a pas fallu longtemps pour te trouver."
La fille rit doucement. Elle se releva doucement, titubant, ses plaies n'étant pas pleinement soignées, et s'approcha de la fenêtre.
"Caïn n'a simplement pas cherché à me retrouver. Étant celui qui m'appelle le plus "Traîtresse", tu penses bien qu'il y a une raison derrière cela. Quelqu'un avec un esprit de déduction tel que le tien aurait pourtant dû le comprendre."
Les yeux de l'agent s'écarquillèrent, réalisant qu'il avait été trahi par sa soif de vengeance et sa haine, mais également à nouveau par ses alliés. Lyz, elle, regardait par la fenêtre, suspicieuse, impassible devant le désespoir d'Alex.
"Tu n'es pas venu seul, n'est-ce pas ? Personne à part Fleure ne t'aurait suivi jusque ici, je suppose donc que c'est elle qui tourne dans le quartier depuis tout à l'heure."
La déchue ferma alors les rideaux, avant de se rassoir sur le lit. Enfin, elle reprit :
"Tu n'as présentement que deux solutions : parler, ou bien me laisser t'abattre comme un chien."
L'agent double approcha délicatement sa main de l'une de ses poches, abusant de l'obscurité.
"Ne dit-on pas "Jamais deux sans trois" ?"
Il sortit rapidement un second pistolet de sa poche, qu'il avait pris comme précaution. Il le braqua tout aussi vite sur Lyz, mais celle-ci le coupa dans son élan, tirant deux balles dans la main et dans le poignet de l'homme, le désarmant et le faisant tomber sur le dos. Elle profita de la posture contraignante dans laquelle il était pour s'approcher de lui.
"Tu es un être pathétique, Zero. D'abord tu te convaincs qu'un brûlé vif est toujours vivant, ensuite tu me jettes dans l'océan en faisant passer cela pour un suicide, et, maintenant, tu t'infiltres dans ma chambre d'hôpital dans l'espoir de parvenir à te venger. Tu me dégoûtes. Tu es aussi pitoyable que Chris, qui, lui, s'est vraiment suicidé."
La rage s'empara d'Alex. L'adrénaline qui en découla lui permit  de se relever malgré l'épuisement, et à saisir la femme par le col.
"Toi et Elvys l'avez acculé afin qu'il n'ait d'autre choix que de capituler ou de se tuer ! Il n'avait jamais eu l'idée d'en arriver là ! Toi, Elvys, et tous les bouffons de votre espèce, vous allez payé pour vos actes ! TOUS !
- ASSEZ !"
La Déchue projeta avec force l'homme dans un coin de la pièce. Elle sortit du lit, faible, peinant de plus en plus à marcher, épuisée. Elle s'approcha de lui, le regard noir.
"Tu as conscience que tout ce raffut a rameuté les forces spéciales qui se trouvaient dans cet hôpital, et qu'ils n'attendent que ma demande pour entrer, non ?
- Grrr... Caïn... Comment ai-je pue tomber dans un tel piège...
- Allons, allons. Garde ton calme. Conserve ta rage et tes larmes pour quand tu retrouveras ton tendre ami suicidé. Il n'y a que de rares cas où les pions survivent assez longtemps pour voir de leurs propres yeux si leur roi s'en est sorti vainqueur. A t'estimer cavalier, tu t'es toi-même coupé l'herbe sous le pied."
Lyz braqua alors le silencieux sur le crâne du garçon.
"Echec et mat, Zero."
Dans la pluie battante, une balle partit, arrachant à son corps une triste âme tourmentée. Tout s'était déroulé comme prévu. Pour l'Agence, pour Caïn, comme pour Lyz et les forces spéciales, qui ne tardèrent pas à faire disparaitre toutes traces de ce qui s'était passé dans la salle. De là où il était, Elvys regardait et écoutait ce qu'il se passait, sa tristesse de voir un ancien ami mourir étouffée par le fait qu'il savait pertinemment que le cycle de la haine n'épargne personne, et que la faux de la mort était déjà au cou d'Alex, prête à ôter la vie de ce misérable enfant perdu. Un enfant ayant préféré vivre dans le mensonge, et arracher des vies pour alimenter ce même mensonge, s'enfermant petit à petit lui-même dans sa propre tragédie.

Dying ChildUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum