Chapitre 5

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Je séjournais chez les Jackson depuis deux semaines, maintenant. Je ne me sentais pas de rentrer à la maison, bien que je ne voulus laisser ma mère seule. L'air de la campagne me faisait du bien, malgré les événements qui avaient marqué ce lieu à jamais.

Mon séjour au manoir des Jackson m'avait permis de consolider mes liens avec Lucy et Chad, et de faire la paix avec Alec. Non pas que je lui aie totalement pardonné de ne m'avoir rien dit à propos d'Aaron. Autrefois, je sentais un lien qui m'unissait à lui, comme s'il était continuellement présent à mes côtés, même si nous n'étions pas ensemble. Maintenant, en revanche, il n'y avait plus rien.

C'est pourquoi j'avais décidé de passer un peu de temps ici. La journée, je n'avais pas le temps de laisser mon esprit divaguer. J'étais souvent occupée à mettre au point un plan pour pénétrer dans la Compagnie. Quand je ne complotais pas, je lisais, je me baladais au bord de la falaise détruite par les aléas du temps, ou je courais dans la forêt. Je respirais l'air frais, les senteurs boisées de la végétation, et les effluves salés et fougueux de la mer déchaînée. La nuit était désormais ma pire ennemie. Quand les ténèbres se mêlaient au silence et à l'ardeur de mes pensées, je plongeais en enfer. Je revivais toutes les horreurs subies par ma famille, mes amis. Je passais le plus clair de ces nuits tumultueuses à me retourner sous mes couvertures, à observer sans cesse le plafond stérile de l'immense chambre où je dormais seule, à compter les moutons à l'infini si bien que je finissais par me lasser, et les cauchemars prenaient le dessus. Trop souvent je terminais ces longues heures obscures à errer dans la forêt malgré les réprobations d'Alec qui semblait s'inquiéter pour ma sécurité. Je m'endormais parfois au pied d'un arbre, ou alors je m'écroulais de fatigue à l'aube, à peine capable de rejoindre mon lit.

Tous les jours, Lucy devait me tirer du lit à treize heures. Et ce matin-là ne fit pas d'exception.

- Allez, debout la marmotte ! Il faut dormir, la nuit.

- Comme si j'avais le choix, grognai-je.

- Mélissa a appelé.

Je lorgnai l'écran de mon téléphone et remarquai deux appels manqués de ma mère et un message. Que voulait-elle à cette heure-ci ? Je la rappellerais plus tard. Je ne me sentais pas de taille à affronter ses arguments incessants me sommant de rentrer à la maison. Je l'avais pourtant prévenue : je ne rentrerais pas tant que mon père ne serait pas enterré, c'est-à-dire la semaine suivante. Lorsque j'avais demandé à Alec pourquoi l'enterrement prenait autant de temps à organiser, il me répondit que ce n'étaient pas les funérailles, le problème, mais les traditions funéraires qui régnaient sur la communauté surnaturelle depuis la nuit des temps. Tout un ensemble de rituels qui étaient censés purifier le corps pour faciliter son passage vers l'au-delà. Encore un charabia auquel je ne comprenais pas grand-chose, et je m'étais contentée d'acquiescer.

Je me levai en vitesse, enfilai des vêtements propres et rejoignis la cuisine pour me servir un petit-déjeuner.

- Il est treize heures, m'avertit Cathy d'un ton réprobateur.

Cathy était la gouvernante qui s'occupait du manoir des Jackson depuis des années. C'était celle sur qui j'avais failli me nourrir la première fois où j'étais venue ici, durant la réunion d'intégration à la confrérie. Depuis que j'étais ici, elle m'avait très bien traitée et semblait me comprendre particulièrement bien. Du haut de ces soixante ans et quelques et malgré de nombreuses ridules qui parcheminaient son visage, ses yeux pétillaient toujours d'une lueur enfantine.

- Désolée..., répondis-je en me frottant les yeux et en prenant place sur une chaise face au comptoir en marbre.

- Encore une nuit difficile ?

La Nature de Roxane, tome 2 : TraquésOnde histórias criam vida. Descubra agora