Il baissa les yeux et se résigna enfin à me laisser seule. Il ferma la porte doucement, et tout en posant la paume de ma main sur mon front, je soupirai. Avec une lenteur extrême, je me glissai sous les couvertures, et me recroquevillai comme dans un cocon. Je n'avais plus envie de rien faire. Tout ce que j'avais fait avait été en vain. J'avais perdu les deux personnes à qui je tenais le plus depuis le début de cette folle aventure.

Certes, Elisa était toujours en vie, mais qui sait si je pourrais la revoir un jour ? Franck avait peut-être même quitté la France. Il fallait que je me fasse une raison : j'étais à nouveau seule, plus seule que jamais.

Pour ne pas trop penser, j'avais décidé de dormir. Je fermai les yeux, et me focalisai sur les souvenirs les plus précieux, et les plus joyeux qu'il me restait, même s'ils étaient peu nombreux. Et la fatigue fit le reste, je sombrai dans le sommeil.

* * *

Cela faisait bientôt deux jours que je n'étais pas sortie de la chambre. Je ne mangeais plus rien, c'est tout juste si j'arrivais à boire. J'étais clairement en dépression. Les garçons avaient essayé plusieurs fois de me remonter le moral, de me faire bouger.

En vain.

Je les avais sauvagement repoussés. Je ne laisserais plus personne entrer dans ma bulle. Enfin, ça c'est ce que je croyais.

Une envie pressante me poussa à bouger. J'étais tout engourdie, et je ne sentais pas la rose. Deux jours à pleurer et à transpirer sous les couettes, je vous passe les détails. Lentement, je posai mes pieds nus un à un au sol. J'avais l'impression que tout autour de moi était gris, sans couleurs.

Ce qui m'embêtait le plus c'était que la salle de bains se trouvait au rez-de-chaussée. Je descendis les marches une à une, avec une lenteur à faire pâlir les escargots. Une fois en bas, je fus surprise de trouver le salon plongé dans un noir opaque, avec pour seule lumière, l'écran de télévision. Sur le canapé, un des garçons, capuche sur la tête, semblait regarder le programme qui était diffusé. M'avait-il entendu ? Dormait-il ? Je ne m'en souciai pas et me dirigeai vers la salle de bains. J'entrai en éclairant la lumière jaunie. La pièce était petite, mais comportait tout de même une baignoire très grande. C'était sûrement à cause de celle-ci que la pièce paraissait minuscule.

Une fois ma petite commission effectuée, je tirai la chasse et restai planté là, devant le miroir. Je faisais peine à voir. Mes joues creusées, et mes cernes violettes me donnaient une allure de zombie. Mes cheveux étaient toujours attachés pour la plupart, certain formaient des courbes étranges sur mon crâne. Je retirai doucement mon élastique, et remis mes cheveux en place. Ce qui me provoqua un affreux mal de crâne. Mes yeux se posèrent sur la baignoire, et mon odorat appuya la décision : je devais me laver. Je fis couler un bain bien chaud, et bien moussant. Une fois la baignoire pleine, je retirai mes habits et je glissai mon corps froid et sale dans l'eau chaude. J'avais un peu trop rempli le bain, et l'eau déborda un peu sur le carrelage. Je ne m'en souciai pas plus et m'enfonçai encore plus sous l'eau. J'avais à présent tout mon corps immergé et seul ma tête dépassait dans cet océan de mousse. On ne voyait plus un seul centimètre de peau à cause de ces bulles.

Soudain, la porte de la salle de bains s'ouvrit. Par réflexe, je m'enfonçais sous l'eau pour en avoir jusque sous le nez. C'était Adam qui était entré en toute impolitesse. Il ne s'excusa pas même pas et entra tout en refermant la porte.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?! Tu ne vois pas que je suis dans mon bain ?!

Il ne me répondit pas, et commença à retirer son haut. Mais qu'est-ce qui lui prenait tout à coup ? Il ne me voyait pas ou quoi ? Il avait le regard dans le vide, comme absent. Il se trouvait à présent torse-nu, et commença à retirer son pantalon. Il n'allait pas oser ?

— Adam ! Qu'est-ce que tu fous bon sang ?!

Il l'avait fait, il était à présent nu comme un ver. J'avais juste eu le temps de fermer les yeux et plier mes genoux contre ma poitrine. Je n'osais pas les ouvrir, et je le sentis qui entra dans le bain. Je devais être encore plus rouge qu'une tomate.

— Il fallait que je te parle, et là, je suis sûr d'avoir ton attention.

— Sans blague ! Raillé-je, les yeux toujours bien clos. Y'a que toi pour faire un truc pareil !

Il soupira et étendit ses jambes jusqu'à toucher mes pieds. Cela me procura un frisson dans tout le corps. Finalement, espérant qu'il était entré dans l'eau et que la mousse cacherait un peu, j'ouvrais lentement les yeux. Son regard n'avait pas changé : froid et vide.

— Tu ne peux pas rester comme ça, dit-il tout à coup.

— Quoi ?

— Tu peux pas passer tes journées à chialer, dans ton lit comme une merde. Tu crois que c'est ce qu'il aurait voulu ?

— Qu'est-ce que t'en sais de ce qu'il aurait voulu ?! M'énervai-je.

Il tapa la céramique du poing, me faisant sursauter.

— Arrête ! Je le connais depuis bien plus longtemps que toi, c'est moi qui devrais pleurer comme tu le fais ! Arrête, tu m'énerves, râla-t-il.

Il était devenu fou, je ne voyais pas d'autre explication. Je ne savais pas quoi dire. J'étais focalisé sur le fait que j'étais nue avec un homme nu dans une baignoire. Et si la mousse venait à disparaitre ? À cette idée, je piquais un fard. Il le remarqua et cela le fit sourire. Quel abruti.

— Adam, qu'est-ce que tu cherches à faire au juste ?

— Je veux te déstabiliser. Je veux que tu prennes conscience que tout ne s'arrête pas aujourd'hui. Tu es jeune, tu as encore la vie devant toi. On a commencé quelque chose, il faut le finir bon sang ! Noa, les gens t'idolâtrent sur les réseaux...

Je n'écoutais plus ce qu'il me disait. Je me focalisais sur ses lèvres. Mais qu'est-ce qui me prenais tout à coup ? C'était sûrement la situation complètement insensée qui rendait mon cerveau tout ramolli. Il s'arrêta de parler, sûrement parce qu'il voyait que je n'écoutais pas.

— Tu m'écoutes ?

Ah, oui, il avait remarqué.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Soupirai-je. J'arrive pas à réfléchir avec toi à poil dans mon bain.

— Je te fais tant d'effet que ça ? Dit-il fier comme un coq.

Je soupirai et lui lançai de l'eau dessus.

— Ah ouais ? Fit-il amusé.

J'avais peut-être fait une erreur. Il me lança de l'eau à son tour, et je me protégeai avec mon bras, en prenant bien soin de cacher ma poitrine. Et soudain quelque chose s'échappa de ma bouche : un rire. Je riais. Je m'en voulus de rire dans un moment pareil, et je redevins sérieuse.

— Noa, tu ne vas pas t'arrêter de vivre, je te jure que c'est mauvais de déprimer comme ça...

— Qu'est-ce que t'en sais ? Répondis-je en faisant la moue.

Il se gratta le derrière de l'oreille, puis me regarda dans les yeux.

— Quand ma mère est décédée, j'étais dans le même état que toi, voir bien pire parce que j'étais plus jeune. Surtout que je savais que c'était mon père qui en était la cause. Ça m'a détruit, depuis, je n'ai plus jamais pleuré, je profite de la vie, et je suis très heureux comme ça.

Je soupirais.

— Je n'arriverais jamais à profiter de la vie...

— Je peux t'apprendre si tu veux, dit-il le sourire en coin.

— Ah oui ? Et comment ?

Adam posa ses mains sur les bords de la baignoire, et se souleva pour se pencher au-dessus de moi. Son visage était à quelques centimètres du mien. Bizarrement, j'étais comme attiré vers lui, comme un aimant. Mon cœur jouait une symphonie digne d'un grand opéra dans ma poitrine. J'avais le souffle coupé. Ses lèvres se rapprochèrent des miennes, si près...

HEAVENΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα