Chapitre 2

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Tu y as cru, n'est-ce pas ?

Et tu veux que je te raconte le pire ? Quand je l'ai écrite cette fin de premier chapitre, j'y croyais aussi.

Finir comme ça, à la zeub. Sauter une ligne et annoncer que le texte était clos.

Je pensais que ça allait me donner un genre. On dirait de moi que je renouvelle la littérature, que je manipule mes lecteurs d'une façon grandiose ... Alors qu'en fait ...

Tu veux vraiment savoir la vérité ?

J'ai fait lire ce premier chapitre à un pote. Lucas, de son sobriquet. Dans la vie, il est scénariste et réalisateur, entre autre. Un chouette type. Lui, crois-moi, il ne met pas quarante ans pour écrire, non pas un mauvais ou un passable scénario, mais un vrai texte intelligent et structuré. En une semaine, cet enfoiré a écrit la première version d'un film, je ne sais pas si tu vois. Alors bon, je le lui ai envoyé, pour qui me fasse des retours, car, sincèrement, son avis compte pour moi. Et peut-être que je dis ça parce que je sais qu'il va lire ce que je viens d'écrire à un moment ou un autre.

Eh bien, il a beaucoup aimé figure toi. Il m'a même rassuré en m'écrivant un très beau mail, que tout ce que je décrivais dans ce texte était le ressenti de beaucoup de personnes et qu'il fallait surtout que je me fasse confiance. Son retour m'a touché, mais ce n'est pas là où je veux en venir ... Au lieu de me remotiver et de croire à nouveau en mes chances d'écrire un jour une vraie belle histoire, je me suis tout simplement assis sur mes lauriers. Aussi bêtement que ce soit. C'est idiot, je sais, mais je n'y peux rien, c'est plus fort que moi. J'étais là, fier comme un paon, à imaginer ce petit texte dans les rayons des librairies lyonnaises. Tout le monde se l'arracherait déjà, une ou deux semaines après son écriture. La presse crierait au génie. Les gens, en me croisant dans la rue, balanceraient : « Regardez ! C'est lui ! C'est l'auteur du texte ridicule que nous tenons entre les mains mais qu'on adore parce que Lucas a dit qu'il était bien ! Oui, c'est celui qui avec seulement un Bac Pro Accueil Relations Clients et Usagers a réussi ce que tous les littéraires et les intellectuels en seconde année de Master à Paris n'arrivent pas à faire ! Il a écrit un bouquin génial, drôle, à la fois dénonciateur et complexe ! Avec cette réussite, il envoie un message fort à tous les enculés de son passé qui pensaient qu'il n'était rien d'autre qu'un étron débile et polluant ! Bravo à lui, vive l'Auteur ! ». Tu vois un peu la prétention ?

Du coup, à cause de cette pitoyable fierté, je me suis dit que c'était bon. Le texte n'avait rien de négatif, il plaisait (à une personne mais ça me suffisait), alors merde, à quoi bon continuer à le travailler ? C'est vrai, pourquoi se faire chier ?

Voilà comment j'ai conclu ce premier chapitre. Tu es sûre de vouloir continuer à lire ?

Puis, attends, tu ne sais pas tout ! Au contraire, quand mon travail n'illumine pas les yeux de mes lecteurs, je m'en fais toute une montagne. Le moindre, je dis bien le moindre petit reproche que l'on peut me faire devient une insulte incommensurable. Si un jour, toi, ma chérie, tu remarques qu'il y a une petite faute à « nibard » à la troisième page, je vais le prendre aussi mal qu'un collégien à qui on aurait dit fils de pute. Puis alors, si tu n'aimes pas mon scénario ou tout autre écrit hypothétique, je te ferai la gueule pendant au moins deux mois et à chaque fois que tu essayeras de me parler, je te répondrai d'une voix nasillarde : « pas la peine de m'adresser la parole, l'abruti que je suis n'a visiblement pas ton niveau intellectuel ». Ensuite, je m'éloignerai doucement, la tête baissée, en lançant quand même des regards discrets par-dessus mon épaule afin de m'assurer que ma douleur soit bien visible à tes yeux, et je m'en irai me coucher. Là, j'écouterai Leave Out All The Rest de Linkin Park en boucle, jusqu'à que mes larmes de crocodile mouillent l'entièreté de mes draps. Je pousserai ensuite des petits cris de tristesse pour te faire culpabiliser, comme si la souffrance que tu m'avais infligée était au moins aussi forte émotionnellement que la mort de mon chien, écrasé par la voiture de mon père, qui apprenait alors la conduite à ma petite sœur, à trois années de sa majorité. Ouais, je me suis emballé mais, zut, ça m'a marqué.

Naabot mo na ang dulo ng mga na-publish na parte.

⏰ Huling update: Jun 13, 2019 ⏰

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