Chapitre 1

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Malgré cette odeur de chocolat qui me chatouille les narines depuis une bonne demi-heure maintenant, je parviens tout de même à rester concentré pour t'écrire un petit mot.

Je ne sais pas trop pourquoi je t'écris. J'ai p't'être envie de me faire mousser, parce que je sais que d'après toi, je me débrouille pas trop mal. Ou alors, j'ai juste à l'idée de te balancer mes pensées du jour en plein dans la gueule. Je ne sais même pas, en vérité. Comme beaucoup de choses.

Je crois savoir pourquoi je n'arrive plus beaucoup à écrire ces derniers temps. Je me mets trop la pression. On m'a tellement prit pour un scénariste de talent, pour un écrivain en herbe, etc etc ... Alors qu'en fait, je n'écris que trop peu pour qu'on me considère comme tel. J'aime écrire, oui. Je suis bon ? Mouais, si on veut ; dans le même style, Fabcaro est cent fois mieux.

Je crois avoir le syndrome du fainéant en permanence. Tu commences un truc un beau jour, tu continues quelques jours encore, puis tu t'arrêtes pour autre chose. Et tu recommences ce schéma jusqu'à plus soif. Je fais comme ça depuis que je suis gosse. J'ai même cru que ça me ferait la même chose pour les gonzesses, mais dieu merci, je sais rester stable à ce niveau-là. Du moins aussi stable qu'un être humain moyen pourrait l'être.

Ce fameux schéma, je l'ai reproduit pour pleins de « passions » quand j'étais gosse. Pour mes classements de foot, pour mes jeux de toutes sortes, pour mes écrits, ... Je n'arrivais jamais à finir complètement ce que je commençais. Par la suite, cela s'est produit lors de mes écrits « scénaristiques », pour mes « romans », pour mes journaux intimes et tout le tintouin.

Le nombre de conneries qu'il me reste sur les bras, si tu savais ... Ou plutôt au fond d'un placard. Quand je relis ses sornettes, je ne me dis même plus que je devrais recommencer, comme quand j'étais gosse. Au contraire, je trouve finalement ces idées nulles à chier ou non abouties et je ne les retravaille plus. A tel point qu'aujourd'hui quand j'ai une illumination cérébrale, quand mon imagination redémarre pour quelques minutes son temps journalier de production (qui devient annuel au fil de ma vie), je ne prends même plus la peine de la calligraphier. J'imagine et je ferme les yeux. J'écoute de la musique et j'attends que ça passe.

Une heure plus tard, j'ai déjà tout oublié et cette petite idée à la con s'évapore à jamais dans les méandres de ma mémoire sélective.

Voilà ce qui est chiant avec l'âge. On ne retient que le plus pénible, que le plus inintéressant, le plus stressant, le plus compliqué, ...

Et oui, je dis avec l'âge. Et non je ne parle pas comme si j'avais 90 ans. Jusqu'à preuve du contraire, j'en ai bien 23, bientôt 24. Mais je me rends déjà compte de ce changement indescriptible en moi, qui ne cesse de croître. Je ne joue plus, je ne crée plus. Je ne m'émerveille plus devant rien, plus rien ne me choque. Là où avant, je pouvais jouer pendant des heures durant, voire des jours, aujourd'hui je suis soûlé en moins de deux. Je n'ai plus aucune imagination, que dalle. Plus aucune ambition. Quand j'étais gosse, je voulais être un grand écrivain, un réalisateur hors du commun, un acteur de génie, une personne reconnue, respectée. J'avais de grands projets. Maintenant, je sais qu'au final, tout ça n'était que du flan. Je me disais « plus tard, je serais ... plus tard je serais ... ».

Quand t'es jeune, tu rêves, tu ne vois rien d'autre. Tu ne te remets pas en question, tu ne te rends compte de rien. Tu es aveuglé par quelque chose que tu ne connais à peine. Puis quand tu y es confronté réellement, tu te casses la gueule violemment. Tu penses que le monde s'ouvrira à toi parce que tu as du « talent », parce que tu as un toupet que les autres non pas alors qu'en fait tu ne fais qu'écrire des gros mots sur une feuille blanche.

Tu ne sais pas que tu vas voir tout ça différemment avec le temps. Tu es accaparé par tous pleins de choses « importantes ». Elles te bousillent, te fatiguent, t'alignent ... Tous ces papiers administratifs de merde, ces charges à la con, ces petits boulots de mes deux. Tu te sens juger partout où tu vas si tu ne fais pas les choses comme tout le monde. On te traite de fainéant, de con, de profiteur ... Tu as une pression sociale omniprésente. Puis ça te stresse tellement, ça te prend les tripes tous les matins quand tu te lèves, tous les soirs quand tu te couches que tu ne cherches même plus à te retrouver un peu seul, à réfléchir, à imaginer, à rêver ... A écrire.

Itinéraire de rien du toutDär berättelser lever. Upptäck nu