CHAPITRE 1 | MAY-LEE

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Espérance.

Délivrance.

Excitation.

Courir. Toujours courir. Ne pas regarder en arrière. S'enfuir. Se protéger.

Il y a encore quelques mois, ma vie s'écroulait sans que je m'y attende, ne tenant plus debout après toutes ces années à me battre contre les ténèbres.

Il y a encore quelques semaines, l'impression de ne plus avoir le contrôle sur moi-même me rendait folle, au point de vouloir tout laisser tomber.

Et... Il y a encore quelques jours, la question de partir, de voler de mes propres ailes me tourmentait l'esprit à m'en faire frissonner.

Respire. Respire, May-Lee. Respire.

Du noir naît la lumière. Si mon être n'est plus qu'obscurité, Los Angeles sera ma clarté. Telle une lueur d'espoir, une étincelle dans les ténèbres, la Californie s'est imposée et j'ai décidé d'y emménager pour guérir. Quitter Seattle est l'opportunité de devenir une nouvelle personne et je compte bien en profiter.

Repartir à zéro. Redresser la tête. Oublier le passé et ne plus jamais se retourner.

Et pourtant, les genoux contre le carrelage de ma salle de bains, le corps tremblant et la gorge en feu, j'ai bien peur que passer au-delà de ce qui me tourmente soit plus compliqué que prévu. C'est mon quatrième jour à l'UCLA et je vide mon estomac dans les toilettes. Je rejette le peu de nourriture que j'ai avalé, je rejette mes émotions trop fortes à supporter.

Si pendant les deux premiers jours, j'étais plus que fière de prendre un nouveau départ, à présent les peurs et les doutes m'assaillent.

L'envie de rester enfermée dans mon appartement et de ne plus en ressortir me démange. Ma motivation s'est envolée et je remets en question mon départ précipité dans une université loin de ce que j'ai toujours connu. La rentrée aura lieu dans quelques jours et, si je suis venue en avance pour faciliter mon intégration, ça me rend malade d'être seule à attendre que l'heure tourne.

J'ai fui la cause de mes blessures, mais j'ai également fui mes repères, mes habitudes, dans lesquels j'avais réussi à trouver un confort au milieu de mes batailles personnelles.

Les doigts autour de la cuvette, je sens rouler les larmes sur mes joues alors que la douleur s'intensifie dans mon œsophage, mon cœur, ma tête. Mon corps rejette tout ce que je tente de refouler : des résidus de nourriture qui comblent ma tristesse, mes larmes d'anxiété qui me font mal à la tête et des cris que j'aurais aimé hurler à mes parents.

Si faible...

Si vulnérable...

Si honteuse...

Je crache une dernière fois les glaires de ma gorge et un frisson déchirant me fait trembler. Quand mon vertige s'arrête, je me redresse pour tirer la chasse d'eau. Je sens mon cœur cogner vite et fort contre ma poitrine, mes tempes tambourinent et ma trachée est irritée. Soupirant de frustration, je me lave les mains avec du savon, essuie ma bouche et entreprends de me laver les dents avant d'ouvrir la petite fenêtre pour évacuer l'odeur nauséabonde. Des spasmes me parcourent encore les membres et j'ai la chair de poule.

Besoin de vomir, pour se sentir moins oppressée...

Je brosse mes dents et tire sur une des mèches brunes qui sort de mon chignon pour l'entortiller autour de l'élastique. Les paupières fatiguées, j'ose un coup d'oeil au miroir face à moi après avoir nettoyé et rincé ma bouche. Je refoule un rire sarcastique et secoue la tête. Mes cernes se sont encore noircis, creusés. Mes pupilles sont dilatées et mes paupières gonflées tandis que ma lèvre est si rouge que je crains qu'un jet de sang ne sorte.

Remember Us [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Where stories live. Discover now