Chapitre cinq.

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Question du jour : qu'est-ce qui vous pousse à lire une histoire ? Le résumé ? La couverture ? L'auteur ? Les critiques ?

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Je ne devrais pas la suivre est la première pensée qui me traverse l'esprit quand Éos se saisit de ma main. Et la deuxième n'est autre que : elle me tient la main. Ma main moite et tremblante de nervosité, à laquelle elle s'accroche pourtant fermement.

Je me retiens de la lui reprendre, parce que je me doute qu'elle le prendrait mal.

Il n'empêche que je ne me sens vraiment pas à ma place, à naviguer à travers tous ces corps. J'ai envie de faire marche arrière, de revenir vers la musique tellement forte qu'elle pourrait briser mes tympans et surtout de ne pas me laisser entraîner par une parfaite inconnue.

Car Éos n'est que ça ; une inconnue. Et je ne sais comment j'en suis arrivée à lui proposer de nous éloigner ensemble. Du peu que je sais de sa personne – ce qui se résume à son prénom, en fait –, elle pourrait m'emmener dans un endroit isolé pour me tuer. Cette idée, bien sûr, comprime mon ventre de peur et je réprime un frisson.

Faire confiance aux autres devrait sans doute être ajouté à la liste de mes résolutions.

- Où on va ? tenté-je timidement.

- Tu verras dans cinq minutes ! Et tiens, tu ne m'as pas dit ton prénom.

- Rhéa, réponds-je, tentant d'agir naturellement.

- J'adore ! Une raison particulière ?

La musique de la place principale laisse place à une autre, plus lente – la deuxième zone de la soirée, donc.

- Non, pas vraiment.

- Aucune histoire derrière ? insiste la jeune femme.

Je hausse les épaules.

La seule chose que je peux dire dessus, c'est que ma mère est allée voir après-coup ce qu'il signifiait ; elle a découvert que, dans la mythologie grecque, Rhéa est un Titan, la fille de Gaia, la Terre-Mère, et d'Ouranos, le Ciel. Elle est aussi la sœur et l'épouse de Cronos. C'est mon prénom qui m'a poussée à m'intéresser aux mythes en tout genre, mais l'histoire qui se cache derrière ce choix n'est pas très intéressante.

Alors je me tais et Éos arbore un air déçu.

- Dommage, j'adore entendre ces histoires, soupire-t-elle.

Étrangement, j'ai envie de lui faire plaisir et d'inventer quelque chose autour de mon prénom. J'ai envie de voir ses yeux briller d'intérêt. Et cette pensée, on ne peut plus incongrue, me fait baisser la tête d'embarras. Heureusement, Éos navigue devant moi et semble trop concentrée pour tourner à nouveau la tête dans ma direction.

Quelques minutes plus tard, elle s'arrête devant un magasin d'affiches et de cartes postales autour du cinéma. Elle me jette un coup d'œil fier et je lève un sourcil.

- C'est la boutique du père de ma meilleure amie. Il nous a autorisé à y venir ce soir, si nous voulions nous éloigner de la foule. Donc j'ai les clés, pas de panique, ajoute-t-elle en les sortant justement de sa poche. Rien d'illégal !

Soudain, son manque d'amis me saute aux yeux et je lui demande donc où ils sont passés.

- Je les ai abandonnés pour venir t'embrasser, lâche-t-elle.

La façon dont elle le prononce est si banale que je ne réalise pas tout de suite ses paroles. Toutefois, cela finit par me frapper et je m'étrangle presque. Devant mon air troublé, elle rigole à gorge déployée, mais, voyant que je ne la suis pas, elle s'adoucit :

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