Ecologie et courtisans

171 13 12
                                    

    Lorsqu'elle est entrée dans la grande salle, on ne s'est pas retourné sur elle : une grande brune au physique médiocre ne compte pas. Elle n'a pas crié, n'a pas voulu se manifester plus qu'il ne fallait ; elle n'avait pas besoin de ça. Les murs étaient peints, grimés comme des visages d'enfants. Et le roi, qui ne devait pas avoir plus d'une quinzaine d'années, parlait d'arbres, de pollution, de sauver la planète.

    On l'écoutait avec des regards hypocrites, on n'était là que pour soi, pour l'argent, l'éclat, notre prestige. Il fallait bien parler, se faire voir, gagner une place peut-être au conseil des ministres, mais nous n'avions à ce sujet pas d'avis, pas d'idée.

    Juste un sourire, une grimace, nous étions faux.

    - Et si je fermais toutes les usines ? disait le roi.

    Des yeux vides lui répondaient sans un mot.

    - Avons-nous bien besoin de tous ces objets, de tous ces vêtements ? Si le ciel devient noir, à quoi bon se parer ? Il faut vivre !

    Pas un son n'échappait de notre assistance.

    - Parlez donc ! Je ne puis refaire le monde à moi tout seul !

    Mais rien.

    - Vous m'écœurez ! Dois-je donc sévir ? vous forcer à parler ? à penser ?

    Rien de plus.

    - Toi, Robin. Donne-moi ton opinion.

    Robin sortit du rang, coiffé comme un apache.

    - Eh bien, sire... Je ne sais que vous dire... voilà une noble cause...

    - Parle davantage. J'aimerais que ta voix couvre le braiement de mes ânes.

    - La solution est complexe, poursuivit Robin, échauffé par ses propres paroles, il s'agit de bien prendre la mesure des choses. Que pourrions-nous sacrifier ?

    - La culture. Elle est néfaste.

    - C'est certain.

    - Les vêtements. Ils sont odieux.

    - Rien de pis, en effet.

    - Les bijoux. Ils sentent mauvais.

    - Assurément.

    - Les meubles : il n'y aurait plus rien à ranger.

    - Cela ferait de l'espace.

    - La musique : pourquoi troubler le vent ?

    - Elle est trop régulière, c'est vrai.

    - La guerre : elle abîme les fougères.

    - Cette garce !

    - Les courtisans.

    - Ils mentent, trichent, et ne servent qu'eux-mêmes.

    - Ils doivent mourir !

    - Suicidons-nous !

    Et notre émulation maladive nous perdit tous. C'était à qui s'étranglerait le plus vite, s'ouvrirait le plus de veines, se fracasserait le plus férocement le crâne. La mascarade qui s'ensuivit fit sourire notre roi. Et moi qui choisis la décapitation, j'eus l'honneur de le voir lancer sur ma tête jaillissante un regard plein de joie.

13 juin 2011.

Exercices de styleWhere stories live. Discover now