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-    Souris ! M'ordonne Marcus à travers la glace.

Mes lèvres s'étirent, dans le simple but de lui faire plaisir. Puis je reprends une expression neutre pour qu'Alix, la maquilleuse, puisse étaler son rouge à lèvres sur ma bouche à l'aide de son pinceau.

-    Tu m'épuises, souffle-t-il lorsque je suis enfin prête.

-    Quoi encore ?

-    Tu tires la tronche tout le temps, montres aux gens que tu es contente d'être ici, qu'ils te trouvent aimable et courtoise.

-    Je suis courtoise c'est suffisant. Et on s'en tape de l'amabilité, du moment que j'arrive à réaliser des clichés potables. Je réplique en retirant mon peignoir.

Marcus soupire, encore une fois, puis toise mon corps seulement recouvert d'une brassière et d'une culotte blanche. Aujourd'hui, je réalise quelques shoots publicitaires pour la marque, accompagné d'autres modèles. En temps normal, j'aime beaucoup ce que je fais, mais cette nuit j'ai encore souffert d'insomnie, pour finalement m'endormir deux heures avant le rendez-vous. Je suis épuisée, mes yeux me brulent et je fais mon possible pour les garder ouvert, de même pour mon corps dont les membres menacent de lâcher à tout moment si je ne m'allonge pas. Mais je reste silencieuse et ne me plains pas, professionnalisme oblige. Voilà pourquoi Marcus me tape autant sur les nerfs avec ses remarques cinglantes, il ne sait absolument pas dans quel état je suis.

-    T'es parfaite, finit-il par dire.

-    Non, je suis présentable, c'est tout.

Il serre la mâchoire et se retient de répliquer. Je sais qu'il n'aime pas que je me dévalorise, mais admettre une telle chose est impossible pour moi.

-    Est-ce que je peux au moins dire que tu es la meilleure ?

-    Oui, tu peux.

Il me sourit et me regarde me placer dans le décor au milieu des autres mannequins pour écouter les recommandations du photographe. Je lance quelques regards furtifs aux alentours et je reconnais Mia, une brune aux yeux Azurs, belle comme un cœur. On aurait pu être amie mais j'en ai décidé autrement, tout simplement car elle son esprit compétitif est inégalable, et je ne doute pas qu'elle aurait pu m'écraser à n'importe quel moment si elle en avait eu l'occasion.

Je fixe le photographe avec un léger sourire, confiante. Toutes ces filles sont plus belles les unes que les autres, et ce que j'admire ici, c'est la diversité des mannequins, il n'y a pas que des sacs d'os comme moi, mais des filles bien formées, ils en ont même engagée une nouvelle, « une grande taille » ils l'appellent. Et dire que ça a fait polémique, alors que moi je ne vois pas le problème.

Ici, il y en a pour tous les goûts, des rousses, des brunes et des blondes, qui ne se goinfrent que de carottes et de courgettes crues qu'on sert en guise de repas. Je ne comprends pas l'intérêt de ne pas se nourrir, moi je mange gras presque tous les jours et mes nibards refusent de coopérer. Autant dire que cette brassière me rend aussi plate qu'une planche à repasser, mais je m'y suis fait. Je sais que je ne suis pas la plus belle, ni la mieux formée, mais j'ai quelque chose que les autres n'ont pas, cette expression dans regard qui change la donne.

Raphaël m'appelle pour que je pose, seule d'abord. Je plisse légèrement les yeux et entrouvre légèrement la bouche puis me laisse aller dans diverses pauses nonchalantes ; il est aux anges.

-    Oui c'est ça, j'adore, sublime.

Je souris, le coup de grâce qu'il s'empresse d'immortaliser avant qu'il ne disparaisse, puis cède ma place à la prochaine. Je passe ma main dans mes cheveux qui me chatouillent le bas du dos, je ne suis pas habituée aux extensions, je déteste les cheveux longs, mais ici on déteste les cheveux courts. Alors on s'adapte.

Take My SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant