La légende de Nidrea

42 0 0
                                    



Je me trouve debout devant sa porte, réfugié d'une cité en ruine, détruite. Les fondations envahies par la vermine, des marées de rats inondent les bas-fonds, morbides, côtoyant en surface les hommes et femmes désespérés ne sachant que faire pour survivre autrement qu'en dévorant ceux qui ont eut moins de chance.Tous rognent, grattent, cherchent de l'aide là où ils n'en trouveront jamais. Tous ces damnés implorant les cieux où ne passent que les corbeaux, seuls spectateurs du carnage. Ils volent en cercle autour des tours atterrées par la terreur auto-destructrice du roi.

Ce roi...C'est moi.

Je régnais sur une cité magnifique, cité sûre et combattante, marchande. Elle était riche, elle était belle, jalousée même par d'autres. Tous étaient heureux d'y vivre, il y avait de l'argent pour tous, de la nourriture pour tout ceux qui en avaient besoin, du vin coulait à flot, les enfants jouaient dans les rues, la belle Nidrea. Malheureusement, j'ai été prit, capturé, affaiblit par la reine d'une ville voisine la mystérieuse Tarbue. J'ai paniqué. J'ai mobilisé mes troupes. Fières armées, je suis parti au combat pour tenter de conquérir cette ville et sa reine tant que je le pouvais. J'ai mené mes troupes jusqu'aux faubourgs de cette cité, et je me suis heurté à de hautes murailles. L'assaut fut donné. Chargeant les murs, traversant les champs, se jetant sur les portes pour les ouvrir. Mes soldats faisaient leur œuvre...Quelle ne fut pas mon erreur de ne pas sonner la retraite. Du haut des fortifications m'ignorait les émissaires d'une troisième protagoniste...Imson

Dès lors que je les ai vu, je l'ai su. Cette ville causera ma perte. Malgré tous mes conseillers, j'ai continué. J'ai échoué de nombreuses fois, à mon grand désarroi, rendant à chaque assaut perdu l'accès difficile par les monts de cadavre de mes armées. Jusqu'au moment où vaincu, sans troupes, je suis rentré chez moi. Tout avait changé dans ma cité. Plus de bruit. Le silence. Tous silencieux, en deuil avec leur roi. Si ils savaient. Blâmé par mes conseillers, pointé du doigt par mes plus proches amis et renié par les autres commencèrent dès lors les Maux de Nidrea.

En une journée, ma ville, ma cité, ma vie, fut détruite par ma propre rage. J'ai allumé des feux partout dans les bas-fond. Je devais faire payer ces sujets n'ayant pas été assez fort pour me soutenir. Au lieu de la lumière du jour et des bruits du réveil, il n'y eut ce matin que la lueur des flammes et les cris des mourants. Je ne compte plus ceux qui ont fuit, frappé aux portes du château à la recherche d'une aide de ma part. Je les ai regarder brûler avec le même regarde accusateur qu'ils me lançaient quand je suis rentré de conquête. Telle fut la flamme de ma rage.

Vers le milieu de la journée, alors que les flammes dévoraient toute la ville, j'ai sombré dans la détresse. Tarbue, j'ai réalisé que jamais je ne l'aurais. Ni elle, ni sa reine. J'ai pris ma tête entre mes mains et j'ai pleuré. L'eau de mes larmes inonda les rues déjà maltraitées par les flammes. L'incendie s'éteignit mais des eaux noires et poisseuses, remplies de rats et de maladies envahirent la cité. Ceux n'ayant pas péri brûlé furent noyés. Telle fut la crue de ma tristesse.

Au crépuscule, assis sur mon trône, j'ai contemplé mon œuvre. Je la trouvais imparfaite. Quitte à être aussi minable, autant tout détruire. Je me suis alors emparé de tout ce que je trouvais, et je l'ai jeté à terre. Des fissures évacuèrent l'eau mais j'ai ainsi ravagé par un séisme surpuissant les ruines de ma glorieuse cité. Ceux qui avaient survécu aux flammes et échappé à l'eau poisseuse périrent sous les secousses. Tel fut le séisme de mon désespoir.

La nuit je me suis enfuit des ruines. J'ai laissé derrière-moi tout ce qui a fait ma vie, toutes celles que j'ai connue, je les ai laissé mourir et peu importe les survivants du massacre. J'ai quitté ma ville, en direction de Tarbue. La nuit et froide, obscure, pleine de danger mais je sais où je vais. Vers ma fin. A Nidrea, ceux ayant fuit les flammes, échappé les flots, évité les murs leur tombant dessus moururent du vent froid de mon ignorance.

Je me trouve debout devant sa porte, réfugié d'une cité en ruine, détruite. J'attends que les portes s'ouvrent. Au sommet de ces dernières, les émissaires d'Imson continuent de ne même pas me regarder. Quant aux gardes de Tarbue, ils se contentent de rire de moi. J'ai été roi, pour elle je suis devenu mendiant.

Quel imbécile. Jamais on a accueillit un vagabond, un sans le sou. Pour ouvrir ces portes, ils m'aurait fallu plus de force, plus de troupes. Je les avait, et j'ai tout détruit. Je me couche dans la boue. Terrassé par cette révélation, je m'enroule en boule, misérable, pouilleux. Si la porte ne s'ouvre pas, je mourrais ici. Sous la pluie et le vent, je ferme enfin les yeux. Je vais faire partie du chemin pavé de sang menant à la merveilleuse Tarbue. Alors que mon corps se confond avec la terre, mon âme elle s'envole au delà de ces murs pour vivre la vie que je n'ai pas vécu.

Devant moi se dresse la reine de Tarbue et le roi d'Imson. Complices, ils construisent ensemble leur avenir commun en ignorant les cadavres sous les murs. Jamais je n'ai été annoncé, je ne le serai plus jamais.

Pourquoi ai-je tout perdu pour ça ? J'ai ajouté mon royaume à la liste de ceux tombé par la faiblesse de l'amour. Je sais qu'on m'y reprendra encore, même mort je ne pourrais cesser de convoiter cette ville et sa reine...Mais pour le moment...

Je suis rentré à Nidrea. Acclamé comme de mon vivant par des hordes d'humains sans vie. Mânes d'un roi d'une ville fantôme pour le regard d'une femme. Il est temps pour mon âme de sombrer dans les bas-fond de ma cité, laissant mon corps pourrir à sa porte. Peut-être qu'un jour, en fuyant Tarbue, elle passera devant et se souviendra de moi comme un martyr, sacrifié sur l'autel de son indifférence. Mais à quoi bon lui en vouloir si elle ne le fait pas ?

Ceux ayant périt dans les flammes de ma rage, ceux s'étant noyé dans les flots de ma tristesse, ceux qui furent écrasé sous la roche de mon désespoir et ceux qui furent gelé par le vent de mon ignorance se relevèrent pour me servir une fois encore. Telle fut la naissance de ma mort.


Inconnu, date pré-impériale.

Bibliothèque du Couvent.

Lecture Hérétique.



ChroniquesWhere stories live. Discover now