Chapitre neuf

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S'occuper de ses oignons


NOUR

─ Très bien je vois. Et comment vous vous êtes senti, à ce moment-là ?

Je déteste cette salle. Tout d'osier avec une odeur de bébé qui flotte dans l'air. La première fois que j'ai mis un pied ici, je pensais que j'allais m'allonger sur un canapé, quelque chose dans le genre. Au lieu de ça je suis assise sur une chaise dure sur laquelle on a posé un coussin, histoire de faire semblant...

─ J'étais énervée.

Elle hoche lentement la tête mais n'ajoute rien. Visiblement c'est à moi de continuer. Je me penche vers l'arrière en essayant de mettre des mots sur la veille. Amaliah qui m'ignore depuis quelques jours et le moment où on se rencontre elle me crache au visage qu'elle sait que je sais où est Sultan. Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre, de Sultan ? Après mon déménagement je l'ai espionné, j'ai engagé un détective, j'ai payé à un prix exorbitant un logiciel pour traquer ses messages, je me suis investie ! Tellement investie ! Tout ça pour qu'après trois ans elle continue de penser à cet imbécile de dealer. J'ai sauvé sa vie, elle aurait terminé dans un reportage sur les femmes battues ou dans une association contre les violences conjugales. Je lui ai évité tout ça et comment est-ce qu'elle me remercie ? En m'ignorant.

─ J'étais triste. Frustrée et triste. Pas énervée.

Nouveau silence dans la salle. Discrètement, j'essuie les larmes avant qu'elles recouvrent mon visage. Hors de question que je pleure à nouveau ici. Mme Zuniga me suit depuis cette nuit où j'ai vu Sultan frapper Inès. Je ne la vois pas souvent mais je prends mes médicaments. La plupart du temps. De temps en temps. Quelques fois.

─ Et cette jeune femme que vous avez aidé depuis tout ce temps. Elle ne vous voit que comme une ancienne manager ?

J'opine du chef. Juste une manager dans un beau restaurant parisien. Mais je suis plus que ça, beaucoup plus que ça.

─ Vous vous accrochez à cette situation. N'oubliez pas ce que je vous répète sur vos parents.

Mon père battait ma mère. Bon OK, ils se battaient tous les deux. Mon père utilisait ses poings et ma mère n'avait aucun scrupule à utiliser de poêle ou un bout de verre. C'était une guerre mutuelle que j'avais oublié... que mon cerveau avait oublié. Tout m'est revenu en tête lorsque je l'ai vu lever sa main sur elle. J'étais tétanisée. J'ai imaginé la même scène avec Amaliah et là... et là...

─ Peut-être.

─ Mais cette femme n'est pas votre mère. Et cet homme n'est pas votre père. Où sont vos parents, Noûr ?

C'est l'été, on entend les criquets. L'allumette craque. Une odeur désagréable. Du rouge, de l'orange, du jaune, du feu partout. J'appelle Terko. Inutile. Il est à Cité Soleil avec ma tante pour les vacances. La campagne est belle mais aujourd'hui elle m'étouffe. Alors puisqu'ils dorment, j'ouvre la porte et m'en vais.

─ Ils sont morts.

─ Ils sont morts, répète-t-elle. Rien de tout ce que vous ferez n'y changera quelque chose. Vue de loin, Noûr, vous aidez quelqu'un qui ne demande pas votre aide. Pire, qui ne vous connaît même pas.

Qui ne me connaît même pas. Amaliah ne me connaît pas. Et je compte bien y remédier.

AMALIAH

J'ai les yeux rouge. Mais pas le temps de me plaindre, j'ai aussi un partiel ce matin. La maison dort encore à mon réveil. Puisqu'il s'agit d'une semaine d'examens, je ne peux pas prendre le risque d'être en retard. Je me suis levée plus tôt et j'ai pensé à faire l'impasse sur le petit-déjeuner par peur de manquer le premier train. Heureusement, il me reste quelques msemem d'hier. La boule au ventre, je quitte Cité Soleil pour rejoindre la gare. Il est à peine 6 heures du matin. J'ai laissé mon casque et seuls les oiseaux m'accompagnent sur le chemin. Après avoir étudié avec Cathy à la bibliothèque, je me suis endormie dans le RER. Inès et moi avons passé une bonne soirée mais j'ai peu dormi pour quelqu'un en semaine d'examens. C'est maintenant que je construis mon futur. Je dois me concentrer sur ce qui compte le plus à l'heure actuelle : les études. Le train arrive à l'heure et je pose ma tête contre la vitre. Je suis réveillée par des mouvements autour de moi, nous sommes arrivés à Gare de Lyon. Je me redresse, prête à descendre au prochain arrêt. Arrivée à l'université, je m'arrête pour prendre un café. Cathy me salue et on discute un peu avant de rejoindre la salle d'examens. Elle me parle d'une fête qui a lieu chez elle vendredi à partir de 21h. J'accepte avec plaisir en lui demandant si je peux venir avec un ami.

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⏰ Last updated: May 18 ⏰

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Uda - TOME 2Where stories live. Discover now