Klaus
Tout ce que j'ai dit à Rebekah, je le pensais sincèrement.
Pendant des siècles, je suis conscient d'avoir fait une partie de sa vie : un enfer.
Alors que tout ce qu'elle désirait c'était de dénicher le grand amour, j'ai tout fait pour lui en priver. Et pas seulement parce qu'aucun de ses prétendants ne trouvait grâce à mes yeux.
Prisonnier de ma paranoïa, j'ai préféré les supprimer. Je ne voulais pas qu'elle m'abandonne mais en agissant de la sorte je l'ai poussée à me haïr. Aujourd'hui, je souhaite que ça change. Qu'elle soit heureuse.
Ma petite sœur le mérite.
— Je suis très fière de toi, Klaus !
Fronçant les sourcils, je me tourne vers Caroline.
— Seriez-vous de celles qui écoutes aux portes, Mademoiselle Forbes ? demandé je, essuyant la pâte à pancakes qui se trouve sur sa joue avec mon pouce.
— Non ! En revanche, j'ai une très bonne oreille.
Après un dernier sourire, je me tourne en direction du salon. Stefan est sorti du bureau de mon frère et a retrouvé Rebekah. Je les observe ensemble puis avoue à Caroline :
— Mon seul souhait c'est qu'elle ne se trompe pas. J'aimerais qu'elle trouve une personne capable de la protéger. Et cela même si elle ne pense pas en avoir besoin car au fond toute femme, bien qu'elle soit forte, doit se sentir en sécurité.
Caroline m'écoute et se contente d'acquiescer.
— Malheureusement, je sais aussi que trouver un homme à la hauteur de notre famille ne sera pas possible. Aucun ne pourra rivaliser avec les créatures que nous sommes. Il va juste me falloir l'accepter.
— Même s'il ne sera jamais aussi fort physiquement que toi, Elijah, Kol ou bien Rebekah, il pourra posséder d'autres valeurs !
— Pendant une époque, j'étais presque prêt à la laisser vivre son histoire. Je l'aurais fait si Marcel n'avait pas échoué à mon test !
— Qu'était-il ?
— J'ai dagué Rebekah, la plongeant dans le sommeil et j'ai laissé le choix à Marcel : celui de réveiller Rebekah ou de faire de lui un immortel. Chose qu'il désirait. Il a choisi la seconde option.
— Alors tu as eu raison, dit-elle d'un ton assuré, Marcel ne l'aimait pas assez ! En parlant de lui, j'ai appris que tu le considérais un peu comme un fils. J'imagine que le tuer a dû être une épreuve difficile. Je suis sincèrement désolée !
Mon sang se glace. Les images de ma dernière conversation avec Marcel remontent aussitôt à la surface. Chaque mot, chaque coup que j'ai reçu et ceux que je lui ai donnés.
— Je l'ai laissé partir, j'avoue dans un murmure à peine audible.
— Quoi ? s'étonne-t-elle.
Cela ne me pose aucun problème de mentir à ma famille mais à elle j'en suis profondément incapable. Je n'ai pas peur de son jugement. Je sais à quel point au contraire au lieu d'être scandalisée par cette information, elle me jugera capable de compassion.
ET peut-être qu'au fond, elle a raison.
— Je n'ai pas pu !
— Klaus ? nous interrompt Stefan. Elijah demande à te voir !
Mes yeux s'écarquillent.
Est-il possible qu'il soit au courant pour Marcel ?
J'abandonne le Salvatore avec Caroline et rejoins le bureau de mon ainé. Je prends une grande inspiration avant d'ouvrir la porte.
Alors que je fais mon entrée, Elijah me tourne le dos et se trouve debout devant la fenêtre. Il est d'un calme olympien et je suis incapable d'anticiper ce qui va se passer. Je jette un œil tout autour. Katherina est endormie dans le sofa et deux verres de Bourbon sont posés sur son bureau comme s'ils nous attendaient.
— Assis toi, Niklaus !
La voix de mon frère brise le silence qui régnait dans la pièce.
— Je préfère rester debout !
— Comme tu voudras, ajoute-t-il en se retournant.
Tranquillement, Elijah pousse un des verres dans ma direction pour m'inciter à le prendre puis se saisit du second avant de s'asseoir.
J'ignore qu'elle est le but de cette soi-disant conversation. Et pour couronner le tout, il ne laisse rien paraitre.
Plus le temps défile, plus je deviens nerveux.
— Qu'ai-je fait encore ? je lâche de but en blanc.
Mon ainé lève le regard dans ma direction.
— Monsieur Salvatore m'a appris que c'était toi qui avais sorti Katherine des flammes, je croyais que c'était lui !
— Je ne l'ai pas fait pour elle ! j'avoue, jetant un œil à cette femme qu'il m'est encore difficile de tolérer. Je l'ai fait pour toi !
— Et c'est bien pour ça que je t'en suis reconnaissant.
Le regard ancré dans ses yeux marron, je m'installe finalement sur le fauteuil. Cette relation que nous avons tous les deux est différente de celle que nous entretenons avec le reste de notre famille. Ce lien entre lui et moi est inexplicable, si fort qu'il ne nous sera jamais possible de le rompre, et cela malgré nos nombreux différends. Nous aurons pour toujours et à jamais besoin de l'un et l'autre.
— Merci d'avoir fait ce que tu as fait, mon frère, me dit-il d'un ton chaleureux.
— Je t'en prie !
Nos verres s'entrechoquent. Elijah prend une gorgée alors que j'observe le liquide ambré dans le mien.
Je jette une œillade à Katherine pour m'assurer qu'elle dort réellement. J'ai besoin de me confier sur mes tourments mais je ne veux rien donner à cette femme qu'elle pourrait ensuite retourner contre moi. Sa respiration est si lente qu'elle ne simule pas.
Il est temps de me jeter à l'eau.
— L'homme à la pipe et le loup originel roux sont la même et unique personne !
Mon frère s'arrête de boire et m'observe attentivement, digérant cette information.
— Doit-on s'en méfier ? demande-t-il, calmement.
— Je ne pense pas, non !
— Bien ! Il est préférable de ne pas l'avoir comme ennemi.
Je prends quelques secondes pour me donner le courage nécessaire afin de poursuivre.
— Il dit avoir connu... mon père biologique.
Les yeux de mon ainé s'arrondissent. Je sais qu'au fond, cette information le bouleverse autant que moi et même si au fond nos raisons sont bien différentes.
— Il m'a dit qu'autrefois il était son bêta. Qu'ils étaient proches. Qu'ils étaient comme des frères.
Le visage de mon ainé est blanc comme neige alors qu'il cherche à absorber toutes les informations que je lui donne.
— Mille ans se sont écoulés, Elijah, et les loups ne sont pas immortels. Comment pourrait-il être encore vivant ?
— Je l'ignore, Niklaus !
En tant que grand frère, je sais qu'il prend son rôle au sérieux. Il déteste par-dessus tout se sentir impuissant.
— Mais au fond, que savons-nous vraiment de quoi est capable un loup Originel ? continue-t-il. Le fait que tu as été privé si longtemps de cette partie de toi ne nous a pas permis d'en apprendre plus. On ne peut ignorer, Niklaus, qu'il y a des différences avec les autres loups-garous. Notamment la taille et la mutation à volonté. Caroline a des visions et nous savons tous les deux qu'elles viennent de ton loup alors il est possible qu'ils possèdent des dons.
Même si je sais que je vais le blesser, j'avoue tout de même :
— Caroline me pousse vers lui afin que j'en découvre plus sur mes véritables origines.
Comme je l'avais prédit, les traits de mon frère se tendent. Il a mal. J'ai mal, moi aussi.
— Je pense qu'elle a raison ! admet-il difficilement.
— Je ne sais pas si je suis prêt pour ça !
Elijah réfléchit un moment avant de me rejoindre.
— Ça me coute tellement de te dire ça, Niklaus, mais je suis d'accord avec elle, tu mérites de savoir et c'est à moi maintenant d'apprendre à accepter que mon frère souhaite en découvrir plus sur sa véritable famille.
— Vous êtes ma famille ! je corrige
— Et tu resteras à jamais mon petit frère, Niklaus. Ne l'oublie jamais !
Et sur ces derniers mots, il m'attire contre lui.
Une larme perle ma joue.
Je souhaite à jamais qu'il le reste. Il est mon pilier. Sans lui, je ne pourrais pas vivre.
— Contacte-le ! m'encourage-t-il
À ces mots, j'ouvre les yeux me rendant seulement compte maintenant qu'ils étaient fermés, savourant simplement cette étreinte fraternelle.
— Et si ce que je découvrais n'était pas à la hauteur de mes attendes ? Si j'apprenais qu'il m'a abandonné sans un regard en arrière ?
— Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, admet-il. Quoi que tu découvres sur ton père, il ne pourra pas être aussi pire que l'homme qui nous a élevés.
Je sais qu'il a raison. Et pourtant même, apprendre qui était réellement mon géniteur me terrifie.
— Pourquoi ne pas faire venir cet homme chez nous ? Tu n'as pas besoin d'affronter ça seul, Niklaus. On pourrait le faire ensemble. En famille.
Reconnaissant, je lui souris. Une fois de plus, et peu importe les épreuves que nous traversons, il souhaite rester auprès de moi. Je ne peux que le remercier d'être ce qu'il est.
Après un signe de tête, je quitte son bureau et rejoins la cuisine.
Caroline est toujours aux fourneaux et bien qu'elle n'ait réussi que quelques pancakes, je ne me risquerais pas une seule seconde à y gouter.
Lorsqu'elle me remarque, elle lève ses jolis yeux bleus dans ma direction.
— Je crois que je suis prêt ! je lâche simplement.
Il ne lui faut que quelques secondes pour comprendre. Son large sourire s'étend.
— J'aimerais que tu m'accompagnes !
— J'en serais ravie ! termine-t-elle.
Mains dans la main, nous quittons le QG pour nous rendre sur les hauteurs de la ville. Une fois sur place, je ne suis plus sûr de rien.
— Et si je n'y arrivais pas ? je doute.
— C'est dans tes gènes, tu vas y'arriver !
L'idée de pousser un hurlement m'est atroce. Je n'ai jamais fait ça et je n'ai aucune envie d'être ridicule.
Voyant que je ne bouge pas d'un iota, elle propose :
— Tu devrais muter, ce serait peut-être plus facile.
— Non ! je lâche d'un ton ferme.
Hors de question que j'offre le pouvoir de me contrôler à cette bestiole.
— Comme tu voudras, dit-elle en haussant les épaules. Alors, essaye d'aboyer, on ne sait jamais !
Qu'elle se moque de moi de la sorte ne me fait pas rire. Loin de là ! Mais, j'ai beau lui offrir mon regard le plus mauvais, Caroline s'en fiche. Elle me connait, sait que jamais je ne lui ferais du mal.
Elle me bouscule encore et encore mais essayer de hurler ne me semble en rien naturel.
— Klaus, mute ! Arrête de le craindre, il fait partie de toi !
Je sais qu'elle a raison. Il m'a aidé à la retrouver dans les flammes alors que mes capacités vampiriques ne me servaient à rien. Inconsciemment, je commence à peser le pour et le contre.
— Il t'a toujours laissé reprendre le contrôle, Klaus.
— OK ! je soupire.
Je retire ma veste puis l'ensemble de mes vêtements pour laisser cette chose remonter à la surface. Comme s'il n'attendait que ça, il ne perd pas de temps. Mes os craquent les uns après les autres mais je ne crie pas une seule fois. Désormais, je sais que plus on lutte plus la transformation devient un calvaire.
Il ne faut que quelques secondes pour que je perde tout contrôle au détriment du sien. Je suis conscient quelque part mais je ne suis plus maitre de mon corps. Le canidé a pris le dessus. Tel un roi perché sur la Nouvelle Orléans, il agite son épaisse fourrure bicolore.
— Te voilà, mon loup !
Caroline ne perd pas une minute pour y glisser ses doigts. Elle a une confiance aveugle en cette part de moi alors que moi je n'y vois qu'une bête. Peut-être parce que Mikael n'avait que ce mot à la bouche lorsqu'il s'agissait des loups.
— Tu devrais le contrôler plus souvent, rebiffe-toi et impose-toi ! dit-elle
En guise de réponse, le loup en moi émet un petit son rauque ce qui l'a fait rire.
Quand je reprendrai forme humaine, je jure que je vais la tuer. Cette femme est folle de lui mettre cette idée dans la tête.
— Pousse ton hurlement, il est plus que temps.
Point de vue extérieur.
Contrôlé par son alter ego, Klaus n'a plus le choix de le laisser faire. Les yeux ambrés de son loup sont rivés sur la Nouvelle Orléans. Désormais, rien ne l'arrêtera. Lui sait exactement quoi faire.
Balançant sa tête en arrière, sa gorge se met aussitôt à le bruler. Un son rauque et puissant s'en échappe. Tout ce qui se trouve autour d'eux tremble. Klaus en ressent chacune des vibrations sous ses coussinets.
Caroline est subjuguée par l'animal comme de sa voix. Elle est magnifique. Intense. Elle est celle d'un Prince destitué par le destin mais toujours présent pour reprendre le titre qui lui revient de droit.
Une larme de fierté roule sur la pommette de la jolie blonde. À cet instant, elle ne voudrait être nulle part ailleurs.
À côté d'elle, le loup de Klaus hurle encore et encore.
Et en entendant cet hurlement, quatre hommes s'arrêtent brusquement dans leurs taches. Tous l'ont parfaitement entendu. Entendu le chant de l'un des leurs.
Quelques minutes après, l'un d'eux, Sam, lui répond en poussant lui aussi son hurlement.