Besoin de toi.
Forêt noir, 𝐏𝐀𝐘𝐒 𝐈𝐌𝐀𝐆𝐈𝐍𝐀𝐈𝐑𝐄 || PP.
J'ai la nette impression de devenir fou. D'avoir rêvé de ce papier jaunâtre et enduit d'eau salée, pourtant lorsque je rejette un œil aux creux de ma main je peux l'apercevoir à moitié déchiqueté. C'est certainement le fait de tourner en rond depuis plus de vingt minutes qui me rend nerveux, avoir abandonné Clochette et les garçons perdus endormis sur leurs couchettes n'étaient peut-être pas une bonne idée.
— Allez Peter, ce n'est qu'un simple passage. chuchotais-je.
À l'aide de mes doigts, je repousse les lianes et les feuilles coupantes, je soupire en comprenant que je suis revenu au point de départ. Je ne sais pas ce que Killian Jones pense pouvoir faire avec moi, mais il est clair que je ne le trouverai pas ce soir. Au moment où je m'apprête à retourner à l'arbre du pendu, mon pied bute contre une branche aussi grande que Bon Zigue.
Une odeur iodée avec une légère touche de sucrée embaume brutalement tout mon espace, je sens des doigts forts attraper ma taille pour m'empêcher de m'effondrer honteusement sur le sol.
— Seigneur Peter, qu'allons-nous faire de toi ?
La voix rauque et chaude de Killian s'infiltre dans mon oreille en me faisant sursauter, je n'ose pas relever les yeux vers lui : j'ai bien peur de sentir les battements de mon cœur s'emballer sans aucune raison et de perdre mes mots à nouveau.
— Debout.
Malgré son ordre plutôt clair, je reste figé entre ses bras, ces quelques secondes me suffisent à analyser son deuxième tatouage sur le poignet gauche - un initial entrecoupé. Un hurlement quitte mes lèvres dès que mon visage rencontre douloureusement la pierre dure.
— Tu ne sais pas obéir, Pan, ne soit pas surpris.
Son rire efface instantanément toutes les pensées impures que j'ai pu avoir de lui le temps d'un instant, ce n'est qu'un enfoiré de première, comment Clochette peut-elle le voir autrement. Il veut un nouveau combat, je suis susceptible de gagner haut la main cette fois.
Mon index rapproche discrètement la branche sur laquelle j'ai failli tomber un peu plus tôt avant d'apercevoir des baskets noires, les doigts du pirate se déplacent lentement autour de mon poignet afin de m'obliger à relâcher ma prise autour de mon arme.
— Tu voulais un nouveau combat, laisse-moi te détruire Jones. crachais-je.
Sur ses lèvres roses, un sourire moqueur se dessine pendant qu'il fait remonter délicatement son pouce jusqu'à mon menton. Face à lui, j'ai la sensation de ne plus être Peter Pan, mais uniquement Peter Painne. L'enfant de Londres effrayé par le monde, et je déteste ce sentiment, celui de vouloir être protégé.
— Face à un gamin qui se bat comme un oisillon à peine sorti du nid ? Tu ne vas réussir qu'à te blesser belle étoile, laissons ça de côté d'accord ?
Mes sourcils se froncent de stupeur devant la confiance qu'il arbore si facilement, je n'ai qu'une seule carte à jouer lorsque je remarque qu'il est à seulement quelques centimètres de mes lèvres. Tante Angela n'arrêtait pas de déblatérer des heures et des heures sur la façon dont je pouvais rendre n'importe qui fou de mon innocence, il est temps de poser cet atout avec Killian.
Ma main droite s'insinue sur sa nuque en dégageant lentement le col de sa chemise noire, j'aperçois à travers ses yeux verts qu'il est confus, pourtant il se reprend rapidement en riant.
— Tu me prends pour un débutant ?
Toujours à terre, je gémis péniblement dès qu'il m'oblige à écarter les jambes pour tripoter mes cuisses en descendant soigneusement, décidément, ce pirate est loin d'être un débutant. Le couteau qui se trouvait caché sur ma cheville se retrouve entre ses doigts : je hais Killian Jones.
— Je veux ce trésor Peter, mon père est le cadet de mes soucis.
Je comprends qu'il est penché sur moi quand j'entraperçois ses deux mains au-dessus des miennes, sauf qu'il ne s'agit pas de sensualité, de faire plier l'autre à ses ordres, non. Il s'agit seulement de ce que veut Killian, le trésor plus que quiconque.
— Tu me prends pour un idiot ?
— Je ne vais pas brûler le Jolly Rangers à tes pieds pour prouver ma fidélité, je peux uniquement te protéger de mon père. C'est un deal que je propose Peter, pas une mission suicide.
À l'instant où je me retourne, ses cheveux bruns effleurent mon front en sueur et recouvert de terre. Si mon cœur s'emballe aussi vite, il est en accord avec le fait que je déteste l'homme face à moi ?
— Je ne te ferais jamais confiance, ni maintenant, ni jamais. Je n'ai pas besoin de toi pour me protéger, il s'agit de l'une des choses dont je suis parfaitement capable. Combattre Crochet une fois m'a paru plutôt simple, la deuxième le sera d'autant plus.
Un sifflement impressionné quitte ses lèvres tandis que j'évite à tout prix de respirer trop fort pour ne pas rencontrer sa poitrine brûlante.
— Pourtant il est encore en vie, petite étoile, tu commences à oublier comment se déroule le Pays Imaginaire.
Même dans mes plus sombres cauchemars je n'aurais pas plus l'oublier : en un seul combat, l'adversaire doit déjà être souffrant au point de souhaiter en mourir. Ce n'est pas ce qui s'est passé avec Crochet, il m'a laissé une porte de sortie que j'ai saisi sans hésiter pour retourner à Londres.
— Je le suis encore Jones, tu faillis à tes propres règles.
Au loin, je peux entendre les rires et les tintements de bière de l'équipage du Jolly Rangers, cet enfoiré n'a pas hésité à poser l'encre sur un lieu au hasard avant de m'attirer ici.
— J'ai besoin de toi.
Il a énoncé cette phrase tellement clairement que j'ai failli m'étouffer contre son torse, c'est un homme qui ne mâche pas ses mots.
— La jeunesse éternelle a un prix Jones, tu ne peux pas exiger de m..
— Je le payerais, quel que soit le prix, je suis prêt à le faire.
En une seconde, il est passé d'une position dominante à éprouver une faiblesse, une vulnérabilité. S'il ne s'agit pas de son propre père, pour qui Killian est-il prêt à payer un prix aussi exigeant ?
— Ça ne marche pas comme ça, ton deal est caduc.
Je n'arrête pas de réfléchir : peut-être que je devrais accepter sa proposition au risque de me laisser embobiner dans cette combine avec son père. Après tout, il avait l'air proche de lui la première fois que je l'ai vu sur le Jolly Rogers.
— Je suis un homme qui n'accepte pas le refus, crois-moi Peter, je te poursuivrai jusqu'à ce que tu acceptes.
Au final, je me suis complètement trompé sur toute la ligne, il n'y a aucune trace de vulnérabilité chez Killian. Il s'en sert au profit des autres comme je me sers de mon innocence. Dès l'instant où sa main entre en contact avec ma pommette, je secoue brutalement la tête.
— Ne me touche pas, je vais hurler.
— Oh, j'aimerais entendre ça, petite étoile.
Petite étoile. Belle étoile. Jolie étoile.
Je commence à ne plus supporter les surnoms qu'il me donne, à un tel point que toute trace d'attirance c'est instantanément envolé.
— Peter, pour toi ça sera Peter. crachais-je.
Ses lèvres atteignent à nouveau dans un geste lent mon oreille afin de chuchoter mon prénom en boucle jusqu'à ce que je cogne mon front contre le sien. Bordel, c'est encore pire que les surnoms, ma peau s'est recouverte de frisson sans attendre.
— Drôle de manière de te faire des amis.
Je tourne la tête pour tenter de trouver une sortie d'où m'échapper, un moyen de fuir Killian et ses plans tortueux, mais il semble avoir remarqué mes coups d'œil autour de nous. Mon dos se retrouve plaqué contre un tronc d'arbre lorsqu'il avance dangereusement vers moi.
— Tu ne peux pas me tuer, tu as besoin de moi. rappelais-je.
Ses yeux verts brillent malicieusement avant qu'il ne s'agenouille une seconde fois, je ne peux pas nier son odeur qui s'est amplifiée depuis tout à l'heure.
— Je n'ai jamais souhaité te faire du mal Peter, ce n'est pas mon intention, chuchote-t-il, tu es seulement bloqué par mes gènes. Mais je n'ai qu'une intention, je veux te protéger de tous ceux qui te veulent du mal.
— En échange du trésor ?
Il tend délicatement sa main pour m'aider à me relever alors que je déglutis, hésitant, je glisse mes doigts autour des siens. La chaleur que sa paume procure au reste de mon corps est inhabituelle, même Clochette ne réussit pas à me réconforter comme ce pirate le fait en ce moment.
— Une fois que nous l'aurons trouvé, tu ne me reverras plus jamais.
C'est ce que je souhaite plus que tout au monde, éviter de croiser sa route dans tout le Pays Imaginaire, j'aurais dû afficher un grand sourire sur mes lèvres et accepter. Pourtant, rien que l'idée de ne plus l'observer obstrue ma respiration, rend mes pensées moins claires.
— Crochet ne doit pas frôler un seul centimètre de ma peau.
Pour sceller ce nouveau pacte, il m'attire brusquement à son torse en me faisant relever doucement la tête vers lui. Maudit pirate.
— Ne t'en fais pas mon étoile, je me débarrasserais de lui si quelque chose devait t'arriver.
Estella.