« Et sans doute, n'y a-t-il pas de mots pour décrire un tel bonheur. »
-Guillaume Musso, Et après ?
···
Aria. Milan.
Le clapotis de l'eau contre la rive. Le soleil qui se levait au loin. L'air déjà chaud de sa ville italienne préférée. Leur rythme effréné qui martelait le sol. Le souffle de l'homme qui était présent à ses côtés. Aria profitait de la moindre information que ses sens pouvaient lui procurer. Elle était tellement reconnaissante de pouvoir être de retour à Milan pour ces vacances et de les passer dans sa maison d'enfance dans laquelle elle avait invité ses meilleurs amis, Thomas et Lucie. Alors que les deux jeunes adultes quittaient le chemin longeant le fleuve, elle accéléra dans les petites ruelles. Elle voulait tenter de prendre le dessus sur Pierre et entretenir cette rivalité qui s'emparait d'eux dès qu'ils chaussaient leurs baskets. Elle s'octroya un regard en arrière et ralentit lorsqu'elle vit qu'elle n'apercevait plus le pilote. Elle entendit alors soudain des pas raisonner dans une rue perpendiculaire et se lança à la poursuite du tricheur qui ressortit devant elle et freina sa course à quelques mètres de la maison afin de passer la ligne d'arrivée factice en compagnie de la brune.
« On ne t'a jamais appris à ne pas couper les limites de la piste, Gasly ? demanda-t-elle.
- Toujours rester concentré, il ne faut pas te laisser déstabiliser pour si peu.
- Ça mérite au moins une pénalité je trouve, fit-elle remarquer en déverrouillant la porte de la maison.
- Et si je me rattrape ? suggéra-t-il en l'attrapant par les hanches alors qu'elle franchissait le seuil de sa maison d'enfance.
- Faut voir, le mit-elle au défi. »
Il déposa alors sans hésiter plus longtemps sa bouche sur la sienne et la jeune femme profita de ce baiser qui venait conclure un moment qu'elle qualifierait volontiers de parfait. Elle aimait le goût mentholé des lèvres du pilote qu'elle sentait sourire à ce contact. Un petit cri de surprise se fit entendre dans l'entrée et les deux amants se séparèrent instantanément pour en comprendre la provenance. Nina se frottait les yeux au pied des escaliers mais montra vite toutes ses dents devant la scène à laquelle elle avait assistée.
« Oh tu es levée, toi ? demanda sa soeur pour éviter toute question. Tu as bien dormi ?
- Oui, j'adore ce grand lit, dit-elle en s'étirant.
- Et qu'est-ce que Mademoiselle va vouloir petit-déjeuner ? On ne ferait pas des pancakes en attendant que Lucie et Thomas se lèvent ? suggéra la brune.
- Oh, s'il-te-plaît !
- On va les faire avec Nina, proposa alors Pierre. Comme ça, tu peux aller te doucher si tu veux ?
- Mais on prend la recette de grand-mère et d'Aria, hein ? s'assura la petite.
- Tout ce que tu veux mon équipière ! affirma-t-il en lui tendant la main pour qu'elle tape dedans.
- La recette est dans le livre de cuisine qui est rangé dans le premier tiroir à droite. C'est écrit en italien, ça va aller ?
- Certo! Sono un cuoco eccezionale! répondit le châtain en faisant de grands gestes avec ses mains, provoquant le rire enfantin de Nina qui combla un peu plus le coeur de sa soeur. »
La franco-italienne les regarda se diriger dans la cuisine et elle se surprit à rêver d'une vie dont tous les matins seraient similaires. Elle aimait énormément ce qu'elle commençait à partager avec le rouennais et lui était tellement reconnaissante de l'accepter elle, sa vie parfois compliquée et sa cadette. Il ne se contentait pas de supporter cette dernière mais tentait de nouer des liens en passant du temps avec elle. Et c'était tout ce qu'elle souhaitait : construire un environnement sain pour elle et sa soeur. C'est avec ce sentiment de plénitude qu'elle se prépara pour cette nouvelle journée en passant rapidement sous la douche puis en enfilant un short en toile violet sur lequel elle passa un simple débardeur blanc. Elle redescendit pour rejoindre les cuisiniers du jour et fût attirée dans la pièce par des notes de musique qui s'en échappait. Aria assista alors à une scène qu'elle s'empressa d'immortaliser. Pierre et Nina, les cheveux parsemés de farine, dansant sur un air entêtant de Abba en faisant sauter les pancakes. A la fin de la chanson, ils remarquèrent sa présence et la petite se précipita vers sa soeur.
« Je peux aller réveiller Lucie et Thomas ? demanda-t-elle en montrant toutes ses dents. C'était sa technique secrète pour être sûre que son aînée accepte chacune de ses demandes.
- Si tu te débarbouilles avant, indiqua-t-elle en prenant le menton de la fillette entre ses doigts.
- Et n'oublie pas de leur sauter dessus, cria Pierre alors que Nina montait les marches quatre à quatre.
- Tu n'en as pas marre d'apprendre des bêtises à ma soeur !
- Je ne vois pas de quoi tu parles, répliqua-t-il innocemment alors qu'elle s'approchait de lui.
- Bien sûr... Et tu crois qu'une fille badass ferait ça ? Elle trempa son doigt dans la pâte et l'étala au dessus de la barbe du pilote. Je croyais que tu avais de meilleurs réflexes, se moqua-t-elle.
- Toi, tu vas voir ! menaça-t-il alors que la jeune femme partit en courant pour se réfugier de l'autre côté du plan de travail. Il retira la poêle du feu et plongea à son tour son index dans la préparation avant de courser son adversaire dans toutes les pièces du rez-de-chaussée. Dans une tentative de lui échapper, Aria passa derrière le canapé. Le pilote se jeta alors sur les coussins pour la plaquer dessus. Elle se tortilla si bien pour tenter d'échapper à sa sentence qu'ils tombèrent sur le sol.
- Arrête, non, s'il-te-plaît ! le supplia-t-elle. Je sors de la douche.
- Tu viendras en reprendre une avec moi, répliqua-t-il en la fixant. Son souffle se bloqua alors qu'une vive chaleur s'empara de tout son corps. Elle rougit en voyant le sourire se dessiner sur le visage de Pierre qui savait qu'il avait réussi son coup.
- Fais moi goûter au moins. Elle saisit la main du châtain et introduit son doigt dans sa bouche. Ses lèvres s'étirèrent à son tour lorsqu'elle vit les pupilles de son compagnon se dilater. Il manque un peu de sucre, je crois. Mais il faut que je m'en assure. Et elle tira sa nuque vers elle pour effacer la pâte qu'elle avait elle-même laissée sur son visage. Sa peau était délicieuse. Cette journée commençait décidément vraiment bien.
- Mmmh, mmmh ! Un toussotement se fit entendre, et comme une sonnette d'alarme, les deux jeunes adultes se décollèrent immédiatement, rouges et gênés d'avoir été surpris (ou interrompus) pour la deuxième fois de la matinée. Bien le bonjour, lança Thomas les bras croisés sur son torse. Il reste du café ?
- Il a dû finir de couler, tu peux te servir, l'invita Pierre en tendant sa main à Aria pour l'aider à se relever.
- Merci, dit-il.
- Je vais finir de faire cuire les pancakes pour qu'on puisse petit-déjeuner.
- Je vais me doucher, indiqua Pierre.
- L'eau froide, il n'y a que ça de vrai pour calmer ses ardeurs ! cria Thomas depuis la cuisine. »
La franco-italienne prit place derrière la cuisinière en frappant gentiment son ami pour le sermonner et le duo fut bientôt rejoint par Lucie qui finit de préparer la table en sirotant un jus d'orange. La brune sentait le regard pesant de son meilleur ami qui arborait un grand sourire en dégustant sa boisson matinale.
« Quoi ? demanda-t-elle finalement déposant le saladier dans l'évier.
- Rien, dit-il simplement.
- Alors arrête ça.
- J'ai manqué un épisode ? intervint Lucie.
- Oh, rien que tu ne soupçonnais déjà, répondit malicieusement Thomas alors que Nina vint s'installer sur l'une des chaises pour déguster ce qu'elle avait préparé. »
Pierre descendit rapidement et ils commencèrent à manger sans prononcer un mot, le silence troublé par la playlist qui pulsait toujours depuis l'enceinte.
« J'ai une question, annonça soudainement la plus petite de la tablée en croquant dans un pancake surmonté de pâte à tartiner. Qu'est-ce qu'on fait quand on aime quelqu'un ? Thomas étouffa un rire alors qu'Aria écarquilla les yeux.
- C'est compliqué Nina, s'avança finalement Lucie, on fait plein de choses quand on aime quelqu'un pour justement montrer notre amour.
- Donc quand on embrasse quelqu'un, c'est qu'on l'aime ?
- Bien sûr, confirma l'amie de sa soeur.
- Et on le fait aussi quand on est amoureux ? demanda-t-elle. Son aînée paniqua un instant en cherchant Pierre du regard, ayant peur de savoir où elle voulait en venir.
- Surtout quand on est amoureux, renchérit Thomas.
- Donc Pierre, tu es amoureux de ma soeur ? Lucie se mordit la lèvre pour s'empêcher d'exploser de rire, tandis que son ami, face à elle, faisait des allers-retours entre les deux intéressés.
- Ça te dérangerait ? demanda finalement le pilote.
- Non, moi je t'aime bien. Et je sais que si tu fais du mal à Aria, Thomas s'occupera de toi ! Lucie essuya une larme au coin de ses yeux.
- Nina, la réprima son aînée alors que le garçon faisait craquer ses doigts sous le sourcil levé de sa meilleure amie.
- Ne t'inquiète pas, ce n'est pas du tout mon intention, la rassura finalement le pilote. »
Mais cette dernière phrase semblait plutôt s'adresser à Aria qu'il fixait intensément. Elle soutint son regard pour essayer de confirmer ce qu'elle pensait avoir compris. Il n'avait pas démenti les dires de sa soeur. Alors peut-être qu'il l'aimait vraiment. Et peut-être qu'il était amoureux d'elle. Cette pensée ne fit que renforcer le sentiment de plénitude qui habitait la jeune femme. Elle l'envoya à des kilomètres du sol, la propulsant sur un nuage que jamais plus elle ne voulait quitter. Et qu'elle mourrait d'envie de lui répondre. De l'embrasser. De lui montrer à quel point elle l'aimait. De lui dire qu'elle aussi en était amoureuse, malgré toute la peur que cela pouvait provoquer chez elle.
···
Je vous donne rendez-vous demain pour la dernière case de mon calendrier de l'Avent.