Purple

Von CamilleThomas7

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Dans ce monde apocalyptique en ruines, les Yeux-Morts représentent l'ancienne génération et une menace à anéa... Mehr

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17

Chapitre 18

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Von CamilleThomas7



Léa avait toujours bien aimé avoir ses habitudes.

Bien sûr, elle aimait beaucoup le frisson de l'inattendu, l'adrénaline du combat, les sensations fortes, mais quelque part elle était rassurée par ce qui était habituel. Leur supériorité lorsqu'ils se battaient, agir aux côtés des siens, de personnes qu'elle fréquentait depuis longtemps. Elle connaissait bien les Chiens, sa famille en était issue, elle n'avait rien connu d'autre. Elle savait parfaitement comment tout fonctionnait dans cette caste. Tant que les habitudes étaient là, le danger se tenait éloigné.

Avec tout ce qui se passait dernièrement, sa routine avait volé en éclat, et elle n'appréciait pas forcément. Donc, quand elle entendit les lourdes doubles portes de la caste s'ouvrir alors qu'ils venaient de se lever, elle ne put s'empêcher de s'inquiéter.

Beaucoup de soldats dormaient encore. L'équipe de garde était rentrée à l'aube, elles les avaient entendus. Personne n'avait de raison d'être dehors. Lorsque les dirigeants envoyaient des gardes parce qu'ils voulaient leur communiquer des informations ou des ordres, ils frappaient forcément à la porte et n'entraient jamais avant qu'on vienne leur ouvrir. Pour les livraisons venant de la caste de la vie, c'était pareil.

Alors qui était dans le hall d'entrée ?

« Je vais voir, je reviens. »

Elle fit un signe à Luc qui, encore ensommeillé, hocha la tête sans protester, étouffant un bâillement. Sans plus attendre, elle sortit du réfectoire et se précipita dans l'entrée. Elle entendait les bruits de pas de la personne venant d'entrer. Un pas léger, discret, adroit, qu'elle avait l'impression de reconnaître sans pour autant s'autoriser à espérer.

Néanmoins la réalité la frappa et quelque chose explosa dans son torse lorsqu'elle se retrouva face à l'intrus dans le couloir. S'appuyant au mur pour s'aider à marcher, son ancien général ressemblait presque à une hallucination.

« ...Alix ? »

La jeune femme ne vit pas l'état dans lequel il était. Elle ne vit pas ses vêtements pleins de poussière et de sang, ni les hématomes sur son visage. Elle ne vit pas comment il se tenait le ventre, les épaules voutées par la douleur.

Elle le vit sourire. Elle vit que son meilleur ami était revenu. Vivant.

« Salut Léa. Je suis rentré... »

Même si la surprise avait paralysé son corps, ses yeux étaient maintenant emplis de larmes qu'elle ne parvenait pas à retenir. Son cœur tambourinait de toutes ses forces, et l'adrénaline avait commencé à la faire trembler.

Derrière elle, Luc était arrivé, se demandant ce qui se passait. Néanmoins, sa question mourut sur ses lèvres lorsque lui aussi reconnut la personne en face d'eux.

« ... Alix ? C'est vraiment toi ?

-Qui d'autre ? rigola doucement le revenant. Venez m'aider plutôt que de me regarder comme ça, j'ai- »

Mais il n'eut même pas le temps de terminer sa phrase. Ses deux meilleurs amis s'étaient précipités sur lui, l'attrapant dans leurs bras, le choc les faisant tomber à la renverse. La douleur lui coupa le souffle, et lui aussi sentit des larmes piquer ses yeux – mais ce n'était pas à cause de sa blessure. Ne pouvant pas retenir sa joie de les voir, il glissa ses mains dans leurs dos pour les étreindre, riant et pleurant avec eux.

Rapidement le couloir fût empli de bruits, si bien qu'il était difficile de saisir quoi que ce soit. Attirés par la cohue, le reste des troupes avait fini par débarquer à leur tour, et personne n'arrivait à réaliser complètement ce qui se passait. Néanmoins, même si la situation ressemblait à une hallucination collective, personne ne souhaitait la remettre en cause.

« C'est Alix ! Alix est rentré !

-Le général est de retour !

-Il a l'air blessé non ?

-On s'en fiche ! Il est revenu ! »

Dans la cacophonie et l'agitation ambiante, Alix avait du mal à tout comprendre, assourdi par les sanglots de ses deux amis qui continuaient de l'étreindre à-même le sol. Sa tête tournait, il avait l'impression que son cœur pulsait dans son ventre, mais il ne pouvait s'empêcher de rire aux éclats, quelques larmes humidifiant ses longs cils.

Il ne sût pas trop comment mais il finit par se retrouver debout. Probablement grâce à Jack, maintenant à côté de lui et qui le tenait par le bras pour éviter qu'il ne retombe. Les yeux brillants, il lui souriait avec émotion.

« Ca fait du bien de te revoir Alix. »

Devant lui, Léa essuyait son visage humide ;

« Tu étais passé où ? Ne me refais plus jamais ce coup-là, abruti ! Abandonner tes troupes comme ça ? Tu as pas honte ? »

Derrière elle, Luc se cachait les yeux, sanglotant toujours avec bruit, et Amir lui frottait le dos avec compréhension. Tout autour d'eux, le reste des Chiens se pressait et s'agitait, comme si toucher le revenant pouvait confirmer qu'il était bien de retour. Submergé par la joie, Alix n'arrivait pas à répondre.

Sa famille. Il avait retrouvé sa famille.

Néanmoins, coupant court à l'euphorie, deux puissants coups se firent entendre contre la porte d'entrée. Le silence se fit immédiatement, permettant d'entendre le vrombissement d'un engin volant.

« Les dirigeants, souffla Léa d'un air empli d'appréhension. »

Elle s'était déjà instinctivement rapproché d'Alix, comme si elle craignait qu'il lui soit à nouveau arraché. Jack avait fait pareil, fixant la porte. Deux autres coups se firent entendre. Sachant très bien qu'il ne pouvait pas y échapper, Alix sourit simplement, passant à côté de ses deux amis.

« Toujours aussi réactifs. »

Il avança vers la porte et l'ouvrit avant que les autres soldats ne puissent réagir. Devant lui se trouvaient deux gardes, ainsi qu'un drone de la milice.

« Nous avons ordre de vous emmener immédiatement chez les Dirigeants, afin de vérifier si vous êtes ou non une menace. Veuillez obtempérer sans montrer la moindre résistance. »

Alix hocha la tête docilement, et tendit ses deux mains devant lui. Aussitôt, un câble jaillit de l'immense drone pour se nouer autour de ses mains. Néanmoins, avant de commencer à suivre les deux gardes qui repartaient déjà, le soldat tourna la tête vers ses troupes pour les rassurer :

« A tout de suite. »

Avant de finalement être tiré vers l'avant par l'engin. Il eut juste le temps d'apercevoir Luc lui sourire en hochant la tête, et Léa lui faire un signe de main.

L'ancien général fût presque traîné jusqu'à la gigantesque tour au centre de la ville. Alors qu'ils traversaient les quartiers d'habitations, ainsi que les zones dédiées aux différentes castes, il pouvait voir quelques personnes intriguées par le bruit se coller aux fenêtres pour observer ce qui se passait. Lorsqu'ils passèrent devant la caste du mariage, il remarqua plusieurs visages familiers mais refusa résolument de les regarder plus longtemps.

Ils arrivèrent finalement à destination. En voyant l'immeuble se profiler dans le ciel, le sommet disparaissant presque dans le nuage de particules, Alix se sentit frissonner. Il n'avait jamais remarqué à quel point les deux immenses yeux gravés dans le ciment de la structure semblaient froids.

Le drone le lâcha et les deux gardes lui attachèrent les mains dans le dos, le menant jusqu'à l'ascenseur au centre du hall. Ils montèrent avec lui, et appuyèrent sur un bouton qui n'était pas celui qu'Alix avait l'habitude de voir s'allumer. L'ascenseur se mit à descendre plutôt que de monter, et Alix dû retenir la vague d'appréhension saisissant son cœur.

Ils n'allaient pas voir les dirigeants.

« Où m'emmenez-vous ? demanda-t-il de sa voix la plus calme.

-Nous devons vous faire passer des tests, répondit un des gardes l'escortant. Vérifier que vous n'avez pas été contaminé par l'extérieur.

-Ne devrais-je pas plutôt expliquer ce qu'il m'est arrivé aux dirigeants d'abord ?

-Ce serait prendre un trop gros risque sans être sûr de votre fiabilité. Vous devez être examiné d'abord. »

Alix acquiesça lentement. Il feignait l'obéissance, mais il savait très bien qu'il devait rester sur ses gardes. Il se devait de passer tous les tests et de retourner parmi les siens. Il devait trouver les réponses à ses questions – et ne pouvait pas se laisser éliminer ici.

Lorsque l'ascenseur s'immobilisa, les portes s'ouvrirent pour révéler un long tunnel souterrain plongé dans l'obscurité. Ils commencèrent à avancer le long des murs humides, le son de leurs pas résonnant sur le sol carrelé. Mémorisant silencieusement la distance qu'ils parcouraient, Alix ferma les yeux pour se concentrer. Plus ils marchaient, plus l'odeur de renfermé se développait. Rapidement, Alix pu sentir l'odeur métallique du sang, et à cela s'ajouta une odeur de fumée qui lui semblait familière – sans qu'il ne puisse pour autant l'identifier.

Lorsqu'ils s'arrêtèrent enfin, Alix estima qu'ils se trouvaient probablement vers la sortie de la ville. Il rouvrit les yeux, observant ses accompagnateurs sortirent deux cartes rectangulaires pour les presser simultanément contre le panneau se trouvant à côté d'une immense porte. Aussitôt celle-ci s'ouvrit, et ils s'empressèrent de le pousser à l'intérieur.

Le contraste de la lumière aveuglante dans la pièce avec la pénombre du couloir le fit plisser les yeux, attendant de s'y ajuster. Lorsque sa vue lui revint, il se retrouva dévisagé par deux personnes vêtues de longues blouses blanches. Elles portaient un masque cachant leur nez et leur bouche, ne laissant que leurs yeux brillants de visible.

« On l'attache et on commence immédiatement. »

Avant même d'avoir pu observer la pièce, Alix se fit saisir et asseoir sur un grand fauteuil se trouvant au centre de la pièce. Aussitôt, les deux personnes en blanc nouèrent des sangles en cuir autour de ses poignets et autour de ses pieds, l'attachant fermement à la chaise. Alors qu'il penchait la tête pour essayer de voir ce qu'ils faisaient plus clairement, ils passèrent aussi une sangle autour de sa gorge, appuyant sa tête contre le dossier.

Tentant de ralentir les battements de son cœur qui s'affolaient, il leva les yeux vers les personnes en blanc qui étaient maintenant tout autour de lui.

« Tout cela est-il vraiment nécessaire ? Je ne compte pas résister ou me débattre. »

Mais personne ne lui répondit, et ils commencèrent à l'examiner. Des doigts gantés se pressaient contre lui, ouvrant sa mâchoire pour regarder ses dents minutieusement, appuyant sur son palais, sa langue, glissant un morceau de bois plat dans sa bouche pour regarder jusqu'à sa gorge. En même temps, d'autres ouvraient ses yeux, y dirigeant un faisceau de lumière aveuglant lui envoyant des épines dans le crâne. Il sentait aussi un toucher contre son ventre, examinant sa blessure qui n'avait pas encore totalement cicatrisé, provoquant une vive douleur à chaque effleurement. On observa aussi son crâne, ses mains, ses ongles, ses pieds, ses jambes, ses aisselles. Tout son corps fût passé au peigne fin. Lorsqu'il sentit des mains s'approcher de son bandage de poitrine, il retint sa respiration un instant et ferma les yeux.

Pendant qu'on le vérifiait sous toutes les coutures, on lui posait des questions ;

« Quelle est la première règle des Yeux-Violets ?

-Le passé n'existe pas.

-En tant que chien, que sont tes obligations ?

-Faire disparaître la vermine que sont les Yeux-Morts.

-Et ?

-Vouer ma vie et mon corps à protéger le système ! »

Il sentait des instruments froids être pressés contre sa peau sans qu'il ne puisse en comprendre la provenance. Pendant qu'on soulevait ses vêtements, on prenait des notes qu'il n'arrivait pas à lire. Alix avait abandonné toute tentative de résistance, les laissant faire ce qu'ils souhaitaient et observant les endroits où son regard se posait.

Le sol était carrelé et d'un bleu tellement impeccable qu'il semblait briller et refléter la lumière. Mais même l'odeur de propre ne pouvait pas couvrir celle bien plus métallique persistant dans l'air. La pièce en elle-même était carrée. La grande chaise sur laquelle il se trouvait se situait au milieu. Sur les plaques l'immobilisant, il pouvait voir de fines marques d'usure, comme des griffures. Derrière la masse de gens l'observant, il pouvait apercevoir des tables, sur lesquelles étaient disposés beaucoup d'objets dont il ignorait totalement l'utilité. Dans chacun des quatre coins du carré, il y avait de grandes lampes sur pieds projetant leur lumière directement sur lui. Contrairement au couloir, le plafond ne laissait pas passer l'humidité, et la senteur de renfermé s'était estompée pour laisser celle de la fumée prendre plus de place.

Après un temps qu'il lui sembla durer une éternité, les deux personnes qui devaient être des scientifiques s'écartèrent pour discuter entre eux. Serrant les lèvres pour retenir son soupir de soulagement, Alix ferma les yeux. Dans sa bouche il sentait encore le gout du plastique, et des bleus commençaient à apparaître le long de sa mâchoire.

Les chercheurs se mirent finalement d'accord et allèrent tendre leur compte rendu aux deux gardes restés pour surveiller.

« Vous pouvez l'emmener aux Dirigeants. Nous en avons fini avec lui. »

Ils détachèrent ensuite les sangles l'immobilisant et il put enfin se lever. De fatigue et de douleur, il trébucha et s'effondra presque. Plutôt que d'essayer de le rattraper, le scientifique à ses côtés fit un pas sur le côté pour l'éviter. Ce fut un des deux gardes qui saisit son bras pour le remettre sur ses pieds. Tenant l'épaule du soldat pour vérifier qu'il ne retombe pas, il se retourna vers les autres pour déclarer :

« Merci pour votre travail. »

Avant d'emboîter le pas à son collègue, entrainant Alix avec eux. Ils passèrent par la même porte, et repartirent le long du couloir en sens inverse. En sortant, il remarqua plusieurs portes à droite et à gauche qu'il n'avait pas vu auparavant. Toutes paraissaient s'ouvrir avec le même système de cartes.

Le trajet retour lui parût plus long que l'aller. Ses jambes avaient du mal à supporter tout le poids de son corps, et sans l'appui du garde marchant à ses côtés, il sentait qu'il serait tombé une ou deux fois. Finalement et à son grand soulagement, l'ascenseur apparut dans son champ de vision. Il entra dans l'habitacle avec ses accompagnateurs, et son sang se figea dans ses veines lorsqu'il remarqua sur quel bouton ils appuyaient.

Cette fois, c'était bien vers les Dirigeants qu'il montait.

Alix se serait frappé de ne pas pouvoir contrôler ce qu'il ressentait. Il les connaissait – il avait été face à eux des dizaines et des dizaines de fois. Il savait parfaitement à quoi s'attendre ; il lui suffisait d'être respectueux et obéissant. Alors pourquoi est-ce que sa bouche s'asséchait ainsi ? Il n'avait qu'à faire comme si tout été normal. Comme s'il n'était jamais parti.

Les portes s'ouvrirent et Alix se retrouva dans cette grande salle de réunion qu'il connaissait si bien. Aussitôt, tous les regards se braquèrent vers lui. Un grand silence régnait : chacun cherchait sur le revenant le moindre signe pouvant leur indiquer un danger. Il le scrutait avec attention et prudence.

Néanmoins, comme si tout était parfaitement habituel, Néo se leva en ouvrant grand les bras, son sourire aimable aux lèvres.

« Alix ! Quel plaisir nous avons de vous retrouver ! Que donnent les résultats de l'examen ? »

Aussitôt le garde transportant le compte-rendu des scientifiques traversa la pièce de deux grandes enjambées, le tendant au numéro 1. Ce dernier le saisit et commença à en parcourir les pages pleines d'annotations. Discrètement, Alix tenta de déchiffrer ce qui y était écrit. En se concentrant, il parvint à voir les mots 'torture' et 'inoffensif', mais le texte était globalement écrit de façon trop précipité pour qu'il puisse réussir à lire autre chose. Il cilla rapidement, tâchant de se recentrer sur Néo ; ce n'était pas le moment de penser à essayer de lire. Il n'était même pas censé connaître l'alphabet. Il devait se concentrer.

Après avoir terminé sa lecture, Néo eu un sourire satisfait, tendant le dossier au numéro 2 à ses côtés afin qu'elle le lise à son tour.

« Bien, bien, tout semble parfait ! Vous avez disparu si longtemps, nous vous pensions mort. Que vous est-il arrivé ? »

Il était de nouveau assis, les mains jointes sous son menton, attendant sa réponse. Malgré son air accueillant, ses yeux ne souriaient pas. Leur lueur violette était froide, semblable aux yeux gravés sur l'édifice.

Alix prit une longue respiration, avant de commencer son récit ;

« Comme mes troupes ont dû vous le dire, j'ai été capturé par les Yeux-Morts en tentant de sauver une Chiot qu'ils avaient capturés. Comprenant que j'étais leur général, ils m'ont retenu prisonnier dans le but d'obtenir des informations.

-Leur avez-vous donné ? »

Pas le moins du monde décontenancé, Alix tourna la tête vers la numéro 13 qui le regardait avec des lèvres pincées.

« Bien sûr que non, madame. J'ai voué ma vie au système, jamais je ne le trahirais.

-Ma très chère Lise, Alix est un homme d'honneur. Ne lui manquez pas ainsi de respect. »

Souriant avec bienveillance, Néo lui fit signe de continuer. Alix le remercia en inclinant poliment la tête, avant de reprendre.

« Ils m'ont bien sûr torturé, pensant que je céderais sous la pression. Dans leur bêtise, ils m'ont sous-estimé. Après des semaines et des dizaines de tentatives, ils ont compris que je ne dirais rien. Ils ont alors tenté de me tuer et m'ont laissé pour mort. J'en ai profité pour m'échapper et pour revenir ici. »

Pour appuyer ses dires, il leva légèrement son haut pour dévoiler la brûlure encore vive sur son abdomen. Il y eut quelques hoquets de surprise et des murmures de stupéfaction, mais Néo les fit taire d'un geste de main.

« Je vous félicite pour votre brillante évasion et pour votre grande détermination. Où étiez-vous détenu prisonnier ?

-Dans leur camp principal, il semblerait, monsieur.

-Sauriez-vous comment y retourner avec les troupes du général Léa pour les anéantir ? »

Il s'attendait à recevoir cette question, bien sûr – bien que la mention du 'général Léa' le déstabilisât quelque peu. Pourtant il ne sourcilla pas, répondant en hochant la tête.

« Il faisait noir et la douleur, la fatigue et la faim ont embrouillés mes sens. Donnez-moi quelques jours. Dans moins de deux semaines, j'aurais retrouvé le chemin, et je vous offrirais leurs têtes. »

Il y avait tellement de conviction dans sa voix que certains des dirigeants se mirent à applaudir. Rapidement, tous s'y mirent : sauf Néo. Il se contentait de fixer Alix, la tête légèrement inclinée. Il ne fit cependant pas taire les applaudissements, attendant qu'ils se calment pour reprendre :

« C'est parfait. J'attendais de vous que vous repreniez les expéditions le plus rapidement possible. Grâce à votre retour, vous êtes de plus en plus proches de votre but. Nous comptons sur vous.

-Je ne vous décevrais pas, monsieur. »

Néo hocha la tête, et le salua. Il fit ensuite signe à un des deux gardes de s'approcher, et murmura quelque chose dans son oreille en lui donnant un morceau de papier. Le garde hocha la tête, retournant dans l'ascenseur avec Alix.

Les dirigeants observèrent l'engin se refermer, avant de se remettre à discuter ;

« Est-il toujours digne de confiance ? Qu'en pensez-vous ?

-Et bien, son regard n'a pas changé, c'est certain.

-Les Yeux-Morts n'ont pas réussi à le briser, et je suis certain qu'il deviendra l'outil qui causera leur perte.

-J'en suis certaine aussi, mon ami ! Ce garçon a un brillant futur devant lui. »

Seul Néo ne parlait pas. Il se contentait de fixer les portes de l'ascenseur avec un air indéchiffrable.

Le garde accompagna Alix jusqu'à la caste. C'était inhabituel, mais le Chien n'avait pas la force de poser la question. Il se contentait de se concentrer sur le fait de mettre un pied devant l'autre, perdu dans ses pensées.

Léa de son côté était restée dans le hall d'entrée de la caste, attendant résolument le retour de son ami, submergé à la fois par le soulagement et par l'inquiétude. Elle avait ordonnée aux autres de retourner vaquer à leurs occupations et entraînements, mais n'avait pas pu en faire de même par égoïsme. Assise près des lourdes doubles portes, elle contemplait distraitement le bout de ses chaussures. Si elle avait su compter au-delà de vingt, elle l'aurait fait – mais elle ne le savait pas, alors pour patienter elle comptait jusqu'à vingt en boucle.

Lorsqu'elle entendit des bruits de pas approcher, elle se releva d'un bond. Elle alla ouvrir la porte avant même qu'ils ne puissent arriver, et reçu immédiatement Alix dans ses bras. Son ami peinait à tenir debout, ainsi il accepta le soutien de Léa avec soulagement.

« Tu abandonnes tes troupes pour attendre dans l'entrée ? C'est pas un comportement de général ça...

-Je n'ai pas de critiques à accepter de la part de quelqu'un qui ne tient même pas sur ses jambes. »

Sa voix n'était qu'un murmure, mais il était suffisamment près de son oreille pour qu'elle puisse l'entendre rire silencieusement. Elle sourit, passant un bras par-dessous ses aisselles pour le soutenir. Néanmoins, avant qu'elle ne puisse faire autre chose, le garde qu'elle avait à peine remarqué l'interrompit ;

« Il a été examiné et n'a pas été contaminé par l'extérieur. Les Dirigeants l'ont jugé apte à revenir parmi vous.

-Merci, souffla distraitement Léa, son attention déjà reporté sur Alix.

-Autre chose. »

Retenant son exaspération, Léa releva les yeux vers le garde qui ne semblait pas vouloir s'en aller.

« J'ai des ordres à transmettre à votre tacticien, générale. Puis-je le voir ?

-Luc ? Je vais aller le prévenir. »

Et sans attendre plus longtemps, elle prit la direction des dortoirs, toujours en soutenant Alix. Sur le chemin, elle croisa Laure et l'intercepta pour lui demander de transmettre le message à Luc. Sans plus s'en préoccuper, elle aida son ami à s'installer sur la couchette de Jack, ne voulant pas le faire monter sur la sienne. Le temps qu'elle aille chercher de quoi soigner ses blessures, il dormait déjà, enfin terrassé par l'épuisement.

Lorsque Luc entra dans le dortoir trente minutes plus tard, il n'eut pas de mal à les trouver. Alix, le visage débarrassé de ses traces de sang séché et de poussière, son débardeur remonté laissant paraître un bandage fraichement fait, et Léa assoupie à ses côtés. Un sourire tendre aux lèvres, Luc récupéra la couverture sur sa propre couchette, pour les recouvrir. Puis, sans le moindre bruit, il s'assit sur le sol. Appuyant sa tête contre le matelas, il posa sa main sur celle d'Alix et ferma les yeux.

Personne ne les dérangea, et les autres les laissèrent dormir le temps qu'ils le souhaitaient.

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