L'ami des bois

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L'ami des bois
© Rose P. Katell
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Jean vit la voiture s'avancer vers la grille avec soulagement. Enfin... Sa délivrance n'était plus qu'une question de minutes. Il se frictionna les bras, regarda son souffle se muer en buée.

Le véhicule s'immobilisa à hauteur de l'interphone. Jean se recroquevilla davantage derrière le buisson qui le dissimulait et prit soin de ne pas se trouver dans la lueur des phares – il n'avait pas échappé à ses geôliers pour se faire attraper sitôt sorti du bâtiment ! Il croisa ensuite les doigts. S'il parvenait à se faufiler derrière l'automobile pendant qu'elle entrait dans l'enceinte sans être aperçu par son conducteur, il avait une chance de s'en tirer...

Un sourire fleurit ses lèvres. Il n'avait omis aucun détail : la tenue imposée par ses gardes ôtée, il avait enfilé des vêtements sombres pour se fondre dans la nuit, et ses poches débordaient des collations qu'ils avaient subtilisées. Comme l'affirmait son voisin à son père dès que celui-ci se désolait de ses inventions, il était un gamin astucieux. Ne lui restait qu'à se montrer rapide.

La barrière électrique commença à s'ouvrir. Fébrile, Jean retint sa respiration. L'heure de tester sa bonne fortune était imminente. Il cligna des yeux. Son être débordait d'appréhension. Il savait qu'il n'aurait pas d'autre occasion de s'enfuir ; si on l'attrapait, sa surveillance deviendrait plus étroite.

Le moteur ronronna, puis le chauffeur s'engagea dans l'allée. Jean s'aplatit au sol afin d'être dans son angle mort, l'observa passer devant lui à une vitesse d'escargot, et se redressa en inspirant un grand coup. Un cliquetis métallique lui apprit que sa porte de sortie serait bientôt fermée. Il bondit hors de sa cachette. Il franchit la courte distance qui le séparait de sa liberté et s'engouffra entre le mur et les barreaux juste avant qu'ils ne se rejoignent. Essoufflé, le cœur battant la chamade, il s'appuya contre la brique, puis expira. Réussi... il avait réussi ! Il contint un rire de joie. Le plus dur était accompli, désormais.

Jean plaça ses paumes sur ses genoux, joua sur sa respiration. Il ne fallait pas qu'il traîne dans le coin. Il était trop proche, trop discernable... Il ne possédait pas la foi chrétienne de ses parents, néanmoins, il se surprit à prier pour que nul ne note sa disparition tout de suite. Même en courant, il ne serait pas aussi rapide que les cerbères qui « veillaient sur lui » – eh, il n'avait pas le permis, lui !

Déterminé à ne pas échouer après les efforts déployés, Jean se mit en route. Il n'avait pas de doute sur sa destination : il devait gagner les bois. Le couvert des arbres le protégerait, il rendrait les recherches compliquées. Oui, non seulement il y serait en sécurité, mais en plus, il pourrait partir en quête de son ami, lui expliquer la raison de sa disparition.

Jean grimaça. Son absence des derniers mois l'avait sans doute beaucoup inquiété...

Un tel constat lui donna des ailes, il courut à en perdre haleine. Son but n'était pas loin, à peine à deux cents mètres. Il refusait d'échouer maintenant.

La lisière des pins lui apparut. Plus que quelques enjambées et sa mission serait remplie : il ne serait plus si détectable.

Jean dépassa les premiers troncs et s'amusa de sentir un tapis d'épine crisser sous ses semelles. Un soupir de soulagement lui échappa ; la pression le quittait. Les jambes douloureuses, il ralentit son rythme et déambula, à la recherche de son compagnon de jeu. Jean était convaincu qu'il le dénicherait. Il avait beau ne pas être dans la forêt attenante à la ferme de son père, Ilan serait là. Tous les bois étaient son foyer.

L'ami des boisWhere stories live. Discover now