Avec quels yeux cruels sa rigueur obstinée

Vous laissait à ses pieds peu s'en faut prosternée !

Que son farouche orgueil le rendait odieux !

Que Phèdre en ce moment n'avait-elle mes yeux ?

PHÈDRE

OEnone, il peut quitter cet orgueil qui te blesse ;

Nourri dans les forêts, il en a la rudesse.

Hippolyte, endurci par de sauvages lois,

Entend parler d'amour pour la première fois :

Peut-être sa surprise a causé son silence ;

Et nos plaintes peut-être ont trop de violence.

OENONE

Songez qu'une barbare en son sein l'a formé.

PHÈDRE

Quoique Scythe et barbare, elle a pourtant aimé.

OENONE

Il a pour tout le sexe une haine fatale.

PHÈDRE

Je ne me verrai point préférer de rivale.

Enfin, tous tes conseils ne sont plus de saison !

Sers ma fureur, OEnone, et non point ma raison.

Il oppose à l'amour un cœur inaccessible ;

Cherchons pour l'attaquer quelque endroit plus sensible :

Les charmes d'un empire ont paru le toucher !

Athènes l'attirait, il n'a pu s'en cacher ;

Déjà de ses vaisseaux la pointe était tournée,

Et la voile flottait aux vents abandonnée.

Va trouver de ma part ce jeune ambitieux,

OEnone, fais briller la couronne à ses yeux :

Qu'il mette sur son front le sacré diadème ;

Je ne veux que l'honneur de l'attacher moi-même.

Cédons-lui ce pouvoir que je ne puis garder.

Il instruira mon fils dans l'art de commander ;

Peut-être il voudra bien lui tenir lieu de père :

Je mets sous son pouvoir et le fils et la mère.

Pour le fléchir enfin tente tous les moyens :

Tes discours trouveront plus d'accès que les miens ;

Presse, pleure, gémis ; peins-lui Phèdre mourante,

Ne rougis point de prendre une voix suppliante.

Je t'avouerai de tout ; je n'espère qu'en toi.

Va : j'attends ton retour pour disposer de moi.

Scène 2

Personnages : PHÈDRE , seule

O toi, qui vois la honte où je suis descendue,

Implacable Vénus, suis-je assez confondue !

Tu ne saurais plus loin pousser ta cruauté.

Ton triomphe est parfait ; tous tes traits ont porté.

Cruelle, si tu veux une gloire nouvelle,

Attaque un ennemi qui te soit plus rebelle.

Hippolyte te fuit ; et, bravant ton courroux,

Phèdre - RacineМесто, где живут истории. Откройте их для себя