Prologue

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Cet après-midi là, les habitants d’Aldire étaient occupés. La ville entière était déserte. Paisible. Hors du temps. Alors que les oiseaux profitaient du calme pour boire dans la grande fontaine, les graviers ornant la longue et boueuse route principale se mirent à frémir. Des ondes dansaient circulairement dans l’eau et les oiseaux s’envolèrent. 
Les chevaux arrivaient. 

Une horde de chevaliers, vêtus d’armures de fer, galopaient à travers le village comme si leurs propres vies en dépendaient. 

- Mon seigneur, en êtes-vous bien certain ? 
Celui-ci arborait un regard qui, selon la légende, avait le don de pétrifier les plus audacieux. 
Le chevalier déglutit à s’en brûler la gorge. 

- Oseriez-vous remettre en cause mes ordres, chevalier…? 

- Janon, compléta-t-il timidement.

   Le seigneur attendit. Janon comprit alors qu’il attendait une réponse. Il secoua vivement la tête de gauche à droite. Il n’avait pas le courage de s’opposer aux ordres d’un homme aussi puissant que lui. Il tenait à rester en vie. 

-Bien, si d’autres couards ont des questions, qu’ils parlent ou se taisent à jamais, cracha le seigneur sans jamais regarder ses hommes. Nous sommes arrivés.

  Il inspira goulûment avant de faire tourner son cheval, d’un noir aussi sombre que ses cheveux, pour leur faire face. 

-Une fois que vous aurez mis un pied dans Grima, il n’y aura pas de retour en arrière.

   Il daigna enfin regarder ses hommes. Il y vit la peur, la crainte et… toutes ses légendes horrifiques habillant Grima d’un voile morbide.

- C’est bien compris ? 

   Les chevaliers se regardèrent un instant avant de répondre, à l’unisson :

- Oui, mon seigneur !

   Aucun d’entre eux ne pensait leurs mots.
   Le seigneur se retourna, faisant face à Grima. Cette forêt était immense. La légende racontait qu’une fois le pied posé à l’intérieur, tout changeait, se transformait en un labyrinthe dont la seule sortie menait aux abysses les plus profondes. Quelques personnes âgées parlaient de sacrifice aux arbres, à la lune et même à ses habitants. D’autres, plus terre à terre, criaient à l’hystérie et à la folie.

- Allons-y.

    Le seigneur fit claquer sa langue et le cheval se mit au trot. Il semblait réticent à l’idée d’entrer dans la forêt mais le fit tout de même sous les coups de cravache de son cavalier. 
     Il était tout entier dans Grima, suivi de près par les autres chevaliers.
Les chevaux se mirent à hennir. Certains firent même des pas en arrière avant de lever leurs pattes avant, refusant de faire un pas de plus dans Grima.

- Tout doux, ma belle, dit l’un d’entre eux en caressant sa monture.

   À l’arrêt, ils commencèrent à se calmer.
La forêt les enveloppait. Le seigneur se retourna, chercha la sortie des yeux, sourit avant d’hurler :

- On y va!

   Le bruit des sabots résonna dans le calme trompeur de Grima.

- Où sont-ils, mon seigneur ? demanda un chevalier une fois à sa hauteur.

   Ce dernier avait les lèvres fendues en un sourire malicieux. 

- Dans la partie sombre, déclara celui-ci en ralentissant légèrement.

   Des protestations fusèrent entre les troncs d'arbres. Tous avaient entendu parler de cette zone de la forêt, mais aucun ne voulait s’y risquer.

Les Sorciers De GrimaWhere stories live. Discover now