Chapitre 1

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L'après-midi de ce mois d'août avait été glacial, interminable et pluvieux. Phénomène climatique plutôt courant dans la ville de Bordeaux en cette période de l'année.

Finissant de ranger les derniers vêtements en rayon, je jetais un coup d'œil à ma collègue Sara pour lui signaler qu'elle pouvait fermer la porte. Dix-neuf heures et quart Madame Placard, que tout le monde sorte de la boutique !

Je me baissais pour ramasser une robe en lin noire, cachée en boule derrière un rayon par une cliente certainement désireuse de conserver l'unique taille M encore disponible. Perdu ! Réajustant le textile sur un cintre en bois, je songeais vaguement qu'elle mettrait ma silhouette en valeur, quand un mouvement attira mon attention au fond du magasin. Abandonnant la robe sur le rayonnage, je m'y précipitais, inquiète d'avoir pu oublier un client en cabine. Sauf qu'en arrivant sur place, eh bien... Il n'y avait personne.

– Très drôle, marmonnais-je entre mes dents.

Travailler dans un magasin de vêtements, même un petit comme le mien, c'est épuisant. Plus encore quand les acheteurs se montrent désagréables. Et si seulement il n'y avait qu'eux ! Les morts n'ont aucune considération pour mon job et mes nerfs ! Jouer à cache-cache ne m'amuse plus.

Mon nom est Gabrielle, j'ai vingt deux ans – bien que l'on me prenne encore pour une gamine avec mon visage de femme enfant – et je vois régulièrement les personnes décédées. Cool me direz-vous, hein ? Absolument pas. Les fantômes, ou entités, comme vous voulez, n'ont pas le même mode de fonctionnement que nous. Ils pensent qu'en nous foutant la trouille ou en faisant des apparitions furtives, on va pouvoir régler leurs problèmes et les renvoyer là où ils doivent aller. Ben bien sûr ! Bienvenue à Bisounours land.

Je revins à ma robe en lin, caressant le tissu fluide du bout des doigts avant de la reposer à sa place attitrée.

Les portes principales grincèrent et le bruit de la pluie s'intensifia un instant.

– Nous allons fermer dans dix minutes, monsieur, s'exclama Sara assez fort pour que je puisse l'entendre.

Je relevai les yeux vers le client de dernière minute, puis me figeai quand son regard croisa le mien. Visiblement plus âgé que moi, d'une silhouette que l'on devinait mince et agréable, il portait un trench de laine gris, un jean délavé et des chaussures en toile de la même teinte complètement détrempées. Encadré par de longues mèches de cheveux noirs ruisselantes de pluie, son visage se faisait doux tout en réussissant l'exploit d'y conjuguer une certaine virilité. Il dégageait un petit quelque chose d'attirant, bien que son physique ne correspondait en rien à l'image que je me faisais de l'homme idéal. Et quand il me lança un sourire d'excuse gêné – totalement irrésistible –, je ne pus m'empêcher de lui répondre. Je tournai immédiatement les talons en sentant le rouge me monter aux joues.

Mon estomac papillonnait. Mince alors, c'était quoi mon problème ? Un type mignon me faisait du charme pour prendre son temps à la fermeture, et moi je le laissais faire en m'enfuyant comme une gourde ?

Cachée derrière un présentoir de sacs à main, je me tapai le front du plat de la main.

– Idiote, idiote, idiote !

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine quand un rire franc résonna derrière moi. Sara.

– Quelle connerie as-tu faite ?

– Absolument rien, répondis-je en râlant. Je n'ai même pas encore contrôlé la caisse.

Elle me poussa du coude tout en désignant le client d'un mouvement de tête.

Les Démons de GabrielleWhere stories live. Discover now