La lettre

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Il faisait encore nuit et paradoxalement il faisait jour ; les nuages noyaient le soleil dans l'obscurité. L'aventurière se souvenait parfaitement, arrivée au Nold, une nuit, sur un quai éclairé par quelques lanternes, on lui avait dit qu'elle s'habituerai... On venait de la séparer de son ancienne vie : mousse dans le Minoraï, une république uniquement constituée d'une flotte de navires. Une bataille avait éclater sur son bateau et elle fut gagné par les occidentaux, les noldiens. Son poste avait été considéré par les marins victorieux comme celui d'un esclave, ils l'avaient donc "libérée" et rangée dans un orphelinat dédié aux enfants esclaves recueillis.

Son nom originel était Hanirosaë, littéralement hirondelle du sud. L'aura dans laquelle elle baignait était colorée de dévouement, de charisme, de bonté et d'un tas d'autre points, tous plus sublimes et fragiles ; sa personnalité était blanche et rougeoyante. A Virnos, où se trouvait son nouveau lieu de résidence, ce caractère avait été reconnu par une sorte de précepteur qui la prit aussitôt sous son aile et l'appela Ormise, directement dérivé d' "ormi", élévation en haut-noldien. Pourquoi élévation ? Parce qu'il le sentait, elle était capable d'élever les gens, quand bien même à ses propres dépends.

Dans ces jours-nuits, il lui disait : "l'humain ne révèle son grand jour qu'en pleine nuit. Garde la frayeur de l'obscurité et dompte là, fais-en une force, ainsi nulle étoile ne saurait briller autant que toi." Son précepteur avait voulu d'elle qu'elle soit de ceux qui inspirent les autres, et cette phrase prenait d'autant plus de beauté quand on sait que "Filii", l'étoile, désigne aussi les orateurs de bonne parole.

Les filiis sont des sortes de philosophes qui connaissent trois cycles. Le premier est celui de l'élévation : un filii en troisième phase cultive en eux l'amour de tout les types de savoir et les aide à comprendre la nécessité de s'ouvrir aux voies de la sagesse.

Actuellement, Ormise expérimentaient la deuxième phase, bien qu'elle n'en avait pas conscience. Depuis la journée d'hier, depuis qu'elle avait reçu cette lettre et la directive de son maître, elle subissait une force qui la poussait à agir dans un sens pré-établi. Elle l'avait tant accepté et l'avait si bien saisie que rien ne pouvait empêcher son abnégation dans l'effort non-libre de persévérance de son être qui l'animait. Sa raison trouvait quand même sa place au milieu de tout cela ; elle se mit à lire la lettre :

"Au temple du silence, une jeune prêtresse est assassinée. L'affaire est simple car les autres prêtresses sont clairvoyantes, et avec la somme de leurs témoignages, tu devrais facilement arriver à la bonne conclusion. Seulement, si leur serment les tient à ne jamais mentir, il les tient aussi à ne jamais émettre de langage sous aucune forme, sauf pour chanter. Deux autres fois il leur est permis de parler : une fois par jour, l'une d'elles est choisie pour énoncer un proverbe "révélateur". La deuxième, tient plus de la légende, on dit qu'elle sont capables de savoir si la personne qu'elles voient va mourir dans moins d'une heure, si c'est le cas, elles parlent, dans je ne sais quels paramètres.

Résous ce qui doit être résolu."

Étrange préceptes... pourquoi chanter quand on adore le silence? L'association du présent et du passé indiquait que l'action décrite n'était pas déterminée dans le temps. La prêtresse avait peut être déjà été assassiné comme elle pourrait l'être dans une semaine. C'était son premier élément d'enquête.

OrmiseWhere stories live. Discover now