Chapitre premier

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2075, ville de saint Cloud

Le noir et ses nuances sombres se déclinaient dans tout mon appartement pour l'engloutir, lui si petit, dans les ténèbres. Oppressée par l'obscurité des lieux, ainsi que leur étroitesse, je tentais d'occulter mon angoisse, qui avait pris racine dans mon cœur et y persistait avec ardeur. Pour me libérer de mes démons infernaux, je m'exerçais aux abdominaux. Allongée, mon derrière contracté, je soulevais péniblement mon torse et mon buste, les coudes en l'air. J'oubliais peu à peu, à tort, de respirer, et commençais à m'épuiser.

Un tintement de grelots coupa mon supplice. Soulagée, je me laissai tomber à terre, pour détendre mes membres. Tandis que je soupirais profondément, un sourire se dessina sur mes lèvres. Je savais pertinemment qui me rendait visite, ma seule amie, Chloé. Je pouvais mettre un terme à cette activité sportive éreintante, tout en me libérant de mon trou noir de solitude. Le corps voilé d'une fine étoffe de sueur, je protégeai mes mains de gants en laine et passai un sweat, par-dessus ma brassière. La peau préservée, j'ouvris la porte.

Un amoncellement de vagues blondes et rousses m'apparut. Il n'éclipsait pas l'immense sourire aux dents blanches écartées de ma visiteuse. Chloé me salua sur un ton enjoué. Elle était si naturelle, dans son slim pourpre et sa chemise à carreaux rouges et noirs. Une fois à l'intérieur, les poings plantés sur les hanches, elle me défia, de sa petite silhouette aux seins pointus.

— Allume, Cat. Tout de suite.

Malgré mon plaisir de la voir, l'angoisse remonta dans ma poitrine, à la vitesse d'une flèche. Je savais qu'elle me demanderait cela, comme chaque jour. Malgré tout, cela m'effrayait. Tout ce qui se trouvait dans mon périmètre me terrorisait, mais ma principale peur concernait ma propre personne.

— L'ampoule risque d'exploser, marmonnai-je.

Face à ma piteuse objection, sa bouche m'offrit une moue dédaigneuse.

— Tu as changé de gants, aujourd'hui ?

— Bien sûr. Ma malchance les contamine vite.

Elle bascula la tête, les prunelles corsées d'assurance.

— Aie confiance.

Je respirai profondément et, comme chaque fois, plongeai mon attention dans son regard apaisant. Elle répéta son injonction, d'une voix douce et basse, mais pénétrante. Subtilement, je me décrispai et me laissai légèrement bercer. Mon doigt, moins tremblant, se posa sur l'interrupteur. Une nuée s'éveilla, accrut et remplit la pièce, en accentuant les pommettes saupoudrées de cannelle de mon amie. Les murs jaune d'or donnaient l'impression que c'était elle, la maîtresse de maison, au lieu d'un ermite lunaire tel que moi. Chloé m'avait incitée à repenser ma décoration. Elle m'avait guidée, dans cette métamorphose de mon étouffant terrier.

— Estime-toi heureuse que je ne te demande pas encore d'ouvrir les volets. Allez, un bisou, ordonna-t-elle en tapotant sa joue.

Souriante, j'y déposai un bref baiser, en prenant soin de la frôler, plutôt que d'y appuyer réellement mes lèvres.

Mon amie si chère aurait pu me croire folle, si elle ne me connaissait pas si bien. Après tout, j'avais redouté d'allumer un bête interrupteur, parce que je craignais une explosion. Cela semblait absurde, je le savais. Seulement, je représentais un cas particulier. Ma poisse, aussi monumentale que permanente, se répandait, partout autour de moi. Elle y ciblait, efficacement, sans échappatoire, toute forme de vie. Je portais trop bien mon nom, celui de Catherine Péril.

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⏰ Last updated: Feb 03, 2019 ⏰

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