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La France me manque. Ma famille me manque. Ma maison me manque. Mon lit me manque. La nourriture française me manque. J'aime la Pologne, ou plutôt, j'aimais la Pologne au début. Maintenant, après six mois passés ici, à faire des fouilles, à être confrontée à cette culture différente, à cette langue inconnue, à m'enfoncer chaque jour un peu plus dans la routine : j'ai perdu mon enthousiasme et je me lasse. J'ai le mal du pays. Je veux repartir. Malheureusement, nos récentes découvertes me poussent à rester. Je ne peux pas partir comme ça, pas si près du but. Je ne peux pas abandonner.

À la faible lueur de ma lampe de bureau, j'étudie les photographies des fouilles. En parallèle, je lis de précédentes recherches et des légendes locales, qui correspondent à nos découvertes.  Nous ne sommes pas les premiers à tomber sur ce type d'ossement et ce genre de mise en scène. De nombreux articles en font état, ici en Pologne, mais aussi en Bulgarie, en Italie et en Grèce. La mise en scène est toujours la même : les squelettes retrouvés sont décapités, la tête étant séparé du corps par une faucille ; les canines sont arrachées et la bouche gardée ouverte grâce à une brique ; des pieux sont enfoncés au niveau du cœur et des cuisses ; et les genoux sont brisés. Un rituel particulièrement violent et atroce, qui ne serait pourtant pas la cause du décès.

« Ses canines avaient été arrachées et une pierre coincée entre ses mâchoires : celle-ci devait empêcher le mort de se manger lui-même. En effet, selon les croyances locales, les vampires dévoraient leur propre chair. Un pieu enfoncé dans un fémur clouait le cadavre au cercueil pour l'empêcher de revenir hanter les vivants. »

Charmant !

« Pourquoi mutiler les morts ? Pour les empêcher de revenir hanter les vivants. »

Bien évidemment... Suis-je bête !

« Une faucille pour les décapiter instantanément en cas de résurrection, des genoux brisés pour les empêcher de marcher, des pieux enfoncés pour ruiner leur chance de nouveau respirer ou une brique dans la bouche pour leur éviter de mordre. Des précautions qui, dans le folklore populaire polonais, devaient prévenir toute attaque de vampires en cas de résurrection, expliquait Titus Hjelm, historien spécialisé dans la culture populaire en Europe de l'est, à CNN. 

Pour lui, les vampires polonais sont loin de l'image de l'aristocrate immortel isolé dans son château dont l'image a été façonnée à la fin du XIXe siècle, notamment par la figure de Dracula. "Les Polonais pensaient que c'était des gens normaux qui vivaient normalement, pas des aristocrates reclus dans des châteaux situés en hauteur. Avec ces personnes, les problèmes ne commençaient que quand ils mourraient", poursuit-il. »

Bien sûr que les Polonais ne pensaient pas que c'était des aristocrates immortels tel Dracula. Dracula était Roumain, de Transylvanie, pas Polonais. Il faut rendre à César ce qui est à César !

« Si les "vampires" n'avaient rien fait de mal de leur vivant, alors pourquoi le sort s'acharnait-t-il sur eux une fois morts ? »

Car, ils n'avaient pas mangé assez d'ail ?

« On ne naît pas vampire, on le devient. Dans les croyances populaires de l'Europe de l'est, c'est donc la mort qui détermine le statut de vampire. Ou plus précisément les raisons de la mort : étaient considérés vampires ceux décédés de façon violente ou inexpliquée, ou encore ceux qui n'étaient pas baptisés, expliquait l'archéologue Lesley Gregoricka, de l'université de l'Alabama, dans une étude publiée sur le journal scientifique Plos One. »

Je lâche un rire. La richesse du folklore m'impressionne toujours. L'humain a, de tout temps, trouver du réconfort dans le surnaturel, tout en s'inventant de nouvelles peurs à travers lui. C'est fascinant !

Malédiction - Nouvelloween 2018Where stories live. Discover now