1 ~ Cette Promesse

13 3 0
                                    

 Des rires retentirent de la petite cabane en bois. Des rires d'enfants. Dans cette petite maison délabrée, recouverte de mousse, deux gamins étaient assis, à même le sol, fixant le cutter se trouvant entre eux-deux. Un garçon et une fille. Il était brun, les yeux noirs et pétillants, sa petite bouille ronde parsemée de tâches de rousseurs. Elle aussi en avait, mais elle était vraiment rousse et ses grands yeux verts brillaient d'une bien étrange lueur. Il prit le cuter, on pouvait voir sa petite main trembler. Il le fixa, seulement quelques secondes et le tendit à la fillette.

- Tiens ! Les filles d'abord !

Elle le savait plus peureux qu'elle. Mais elle ne disait rien, elle ne voulait pas le voir pleurer. Il était plus sensible qu'elle, un peu folle et plus libérée, sans doute. Elle prit la lame et, sans aucune hésitation, la fit passer légèrement sur le haut de son pouce. La plaie n'était pas profonde, mais assez pour saigner.

- A toi, maintenant, Fred ! Tu m'avais promis !

Il acquiesça d'un signe de tête. Il était pâle mais prit tout de même l'outil et s'entailla, tout comme elle l'avait fait. Ils se sourirent et appliquèrent leurs blessures l'une contre l'autre.

- Amis pour toujours et à jamais, Julie ?

Elle lui fit un signe de tête, en totale confiance.

- Et rien ne nous séparera jamais ! Pas de secret entre nous, ni rien d'autre d'accord ?

Il lui sourit, signe de son acceptation. Ils eurent un petit rire, à la fois innocent et étonnamment mature. Puis, ils s'enlacèrent, doucement, comme de vrais amis... Une amitié que rien ne devait altérer.

Dans mon bain, je souris. Ce souvenir est gravé en moi, comme marqué au fer rouge dans mon cœur et dans mon esprit. Cela fait treize ans, maintenant. Que le temps passe vite ! Treize années, et encore, notre amitié a commencé bien avant. Je passe doucement mon index sur mon pouce. La cicatrice n'est que très peu visible. On ne peut pas la voir si on y prête pas un minimum d'attention. Et avec le doigt fripé par l'eau, ça se remarque encore moins. Mon rictus s'élargit. Cette relation... Elle n'a pas tant changé que ça, à vrai dire.

De la salle de bain, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir puis se refermer. Il vient de rentrer.

- Julie ! Oh, Julie, t'es là ?

Je me redresse dans la baignoire, essayant de sortir sans me casser la figure. Ce qui est difficile, étant donné ma maladresse.

- Oui oui, je suis là ! Dans la salle de bain ! Je sors.

Je m'enroule dans une serviette moelleuse et chaude, que j'ai au préalable mis sur le radiateur, avant de faire de même avec mes cheveux. J'aime le cocooning ! Je pourrais, je ne ferais que ça ! Mais, étudiante que je suis, je n'ai pas vraiment de temps à y consacrer.

Comme je m'y attendais, Fred ouvre la porte sans frapper, après avoir jeté son sac dans le couloir de notre appartement. Brun, ses cheveux coupés en brosse, impeccable dans son costume italien trois pièces anthracite, il représente à la perfection l'étudiant en Droit lambda... Ou presque. Parce qu'il n'est pas en Droit, loin de là, mais en Commerce International. En général, je le vois aller en cours en baggy et en sweat, avec à peine plus qu'une trousse et une pochette de feuilles... Et ses passages chez le coiffeur sont assez irréguliers. J'aurais voulu l'engueuler, il rentre toujours comme ça dans la salle de bain, qui ne ferme plus depuis des mois. Et parfois cela nous met dans des situations assez embarrassantes. Mais là, je n'ai pas le temps pour quoi que ce soit.

- La vache, Fred, tu t'es fait relooké pour une émission de télé à la con ?

Il a un petit rire bizarre, entre la gêne et la satisfaction, avant de secouer la tête.

- Tu sais bien que j'ai commencé mon stage en début d'après-midi. Alors ce matin coiffeur. Et je suis allé récupérer quelques affaires chez mes parents. Histoire de ne pas trop faire pouilleux. Et ça s'est très bien passé.

Il s'approche de moi, me prend par la taille et m'embrasse sur le bout du nez. Depuis quelques temps, notre relation est devenue très ambiguë. Que ce soit clair, il ne s'est jamais rien passé de sexuel entre nous... Enfin, pour le moment. Il y a régulièrement des gestes, des mots, des rapprochements... Des baisers aussi. Mais, nous savons tous les deux que ce n'est pas de l'amour. Nous sommes fusionnels, vraiment très fusionnels, et ce, depuis que nous nous connaissons. Et je ne saurais dire si ça doit arriver. Mais si ça doit se passer, ça ne me dérangerait pas tant que ça, au contraire. Tant qu'on sait tous les deux à quoi nous en tenir. Cependant, après une étreinte de quelques secondes, je prends mes distances et le pousse vers la porte.

- Hey ! Je te trouve bien pressée ce soir !

Pressée, je le suis, oui. Et si j'en crois l'heure qui s'affiche à la radio, je vais être vraiment en retard si je m'amuse à traîner.

- Oui, alors sors de là ! Je sors ce soir. J'ai une soirée événementielle pour la société avec laquelle Damien et moi travaillons actuellement !

En tant qu'étudiante en informatique, spécialisée dans le web design, j'ai travaillé avec un camarade sur le site d'une société de cosmétique. C'était un concours en réalité, et le gagner marquerait le début de notre carrière à Dam et moi, car le site serait mis en place pour la société et le chèque irait avec.

Je m'habille assez sobrement, un long fourreau noir, des petites boucles en strass, mes escarpins noirs cirés et bien brillant. Poudrée, mes grands yeux verts soulignés de noir et rehaussés par un petit éclat couleur émeraude, rouge sur mes lèvres, et je suis enfin parée. Je laisse mes cheveux tomber en une longue cascade rousse sur mon dos. Je n'ai pas le temps de faire un chignon, mais cela reste quand même élégant. Je débarque dans le salon au pas de courses, mes chaussures à la main. Mon colocataire et ami me regarde et siffle avec admiration.

- Ça me donnerait presque envie de te garder ici avec moi, dis donc. Mais je sais que cette soirée est importante pour toi... Alors file vite ! Ah et si tu pouvais prendre le courrier, ce serait sympa ! Je n'avais pas la clé sur moi, elles sont restées dans la voiture ! »

Je lui fais rapidement un signe de la main en acquiesçant. Quelle tête en l'air ! Mais bon, on a tous les deux nos défauts, et on se supporte très bien depuis des années. Ce n'est pas prendre le courrier qui va me déranger.

Je descends les escaliers de notre immeuble, faisant bien attention à ne pas me prendre les pieds dans ma robe. Ce n'est pas le moment pour moi de tomber ! Je n'ai pas très envie de terminer à l'hôpital, pas ce soir. Une fois en bas, je m'arrête à la boîte aux lettres. Rien, ou presque. Juste une petite enveloppe de couleur jaune pâle avec mon nom dactylographié dessus... Sans doute à la machine à écrire. À l'intérieur, une petite carte, sur laquelle est tapée, sûrement avec le même engin, quelques mots. Juste quelques mots qui me hérissent le poil et me font froncer les sourcils.

Méfies toi de lui ! Il est dangereux !  

Notre PromesseWhere stories live. Discover now