Chapitre 1

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Je remplissais les dernières lignes noires imprimées sur la huitième feuille de papier recyclé, espérant que mon écœurement intense pour les semaines d'examens ne diminuerait pas ma capacité à écrire beaucoup pour ne rien dire. De toute façon, c'est ce que je faisais avec toutes les rédactions depuis des années. Et je doutais fortement d'être la seule, à voir la tête de mes camarades de classe. La plupart des élèves étaient tellement impatients qu'ils ne prenaient même pas la peine d'écrire les derniers mots de leur opinion sur l'œuvre de Molière de leur choix : ils les jetaient brutalement sur leur copie et ne tenaient pas en place sur leur chaise pivotante. C'est d'ailleurs peut-être le bruit de toutes ces chaises combinées qui montrait à quel point les gens avaient envie de sortir d'ici. C'était tout aussi valable pour moi.

J'inscris le point final et ne pris même pas la peine de vérifier si j'avais écrit mon nom et mon groupe au début de l'examen. Je me levai et dus me contenir pour ne pas jeter mon document au surveillant et ne pas claquer la porte en sortant.

— Enfin, soufflai-je, soulagée que tout soit fini.

Je descendis les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée. Ce ne fut pas une partie de plaisir de me rendre jusqu'à mon casier. Tout autour de moi, les élèves sautillaient de joie, se donnaient des câlins, planifiaient leurs vacances. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Moi aussi, j'avais bien hâte de quitter l'école pour deux mois.

Je réussis finalement à me frayer un chemin jusqu'à mon casier, où j'y trouvai mon sac déjà fait et une fille au sourire éclatant assise en indien.

— Kimya ! s'exclama-t-elle en se levant et en dépoussiérant ses vêtements. Tu sais, ça fait dix bonnes minutes que je t'attends. Qu'est-ce que tu faisais ? Je pensais que tu excellais en français. J'ai même eu le temps de vider ta case et de tout mettre dans ton sac.

Elle montra du doigt ma case argentée entrouverte et mon cadenas rouge, lui aussi ouvert, dont elle connaissait la combinaison, parfois à mon plus grand malheur.

Je soupirai.

— Shalee, j'aurais très bien pu le faire toute seule, répondis-je avec un air faussement ennuyé.

Pour être honnête, j'étais très contente de ne pas avoir à le faire. Je passais toujours tellement de temps à décider de ce que je gardais et ce que je jetais.

— Tu es tellement lente, dit-elle, et j'ai beaucoup de choses à te raconter.

— Tu as toujours beaucoup de choses à raconter.

— Peut-être, avoua-t-elle en souriant.

Shalee Zuo était ce qu'on pouvait appeler un réservoir à bonne humeur. C'était ma meilleure amie depuis des années déjà, malgré le fait qu'on soit très différentes sur plusieurs points. Elle avait la peau assez claire et de longs cheveux brun foncé qui ondulaient jusqu'à son nombril. Elle était aussi fille d'une mère chinoise et d'un père irlandais. Même ses yeux n'avaient pas pu s'entendre sur sa couleur à sa naissance, aussi le gauche était vert émeraude et l'autre était noir de jais. Élancée, elle portait aujourd'hui une chemise blanche et une jupe bleu royal. C'était une jeune sportive au grand cœur, mais plus important encore, c'était bientôt son anniversaire.

Je pris mon sac à dos, pas surprise qu'il soit aussi lourd. J'avais oublié de ramener mes cahiers et manuels les jours où je le pouvais. Maintenant, je devais traîner tout ça jusqu'à ce que j'arrive chez moi.

— Je ne sais pas comment une fille de ton âge peut porter quelque chose comme ça, se découragea-t-elle. Ça pèse une tonne, tu sais.

— Je sais, fis-je en haussant les épaules.

Les Trois DimensionsWhere stories live. Discover now