Les Gommes

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''Quand tout est prêt, la lumière s'allume...'' La petite salle du café s'en trouve pour le moment inchangée, baignée cependant d'une lueur agréable. Les chaises, les tables, les œuvres artistiques parsemant le mur en tant que décoration, les tasses sur le comptoirs, les liqueurs sur les étagères, tout est parfaitement bien disposé attendant l'échéance habituelle propre a chaque journée ou le café ouvre ses portes et autorise des éléments du monde extérieur a le découvrir, a venir regarder tout ce qui le compose, a goûter ce qu'il propose. Le Patron se tient immobile derrière son comptoirs, prêt a démarrer les taches liées a son rôle précis et bien défini. Trente-huit, trente-neuf, quarante, quarante et un, quarante deux. Les secondes passent, l'attente paisible s'éternise. Le spectacle se fait demander mais les comédiens n'ont pas encore foulés le sol de la scène. Le seul présent ne s'animera que lorsque l'acte débutera. Tout ce qu'il fait pour le moment c'est patienter suffisamment et d'enfin voir arriver les autres personnages, les jeunes, les vieux, les travailleurs, les étudiants, les hommes pressés... Ces gens qu'on appelle communément clients, l'origine, la source d'un chaos toujours prémédité. Certains seront hautains dans leur demande, a jamais insatisfait de ce qu'ils auront, d'autres plus respectueux et compréhensifs ou encore des personnes réservées contentes pour un rien... Ils créeront une cacophonie, briseront l'équilibre d'un silence pourtant si doux. Un tintement retentit, une sonorité connu de beaucoup. Le début de la fin. La porte qui s'entrouvre, le premier acteur de la destruction d'un tableau pourtant sans défaut. CLAC. L'accès au petit café se referme, un homme y a pénétré. L'air ambiant s'en trouve déjà perturbé, un courant froid venant du vent matinal s'est mélangé a la température chaleureuse de la salle. Premier décalage. L'étrange personnage est intriguant, de sa haute stature il toise chaque recoin de la pièce, enfin, il s'avance, ses pas marquent le parquet qui perd son implacable propreté. Des traces boueuses parsèment maintenant le sol. Deuxième décalage. Il parvient face au patron, s'assoit sur un tabouret qui se déplace de quelques centimètres, perdant ainsi sa place initiale, dérangeant désormais la géométrie spatiale. Troisième décalage.

-Bonjour, un café je vous prie, prononce un ténor envoûtant.

L'ultime décalage, la confusion sonore, la mort d'un silence immortel. Le Patron ignore la demande et actionne un petit bouton qui enivre la scène d'une musique douce, un délice pour l'oreille humaine. Enfin il daigne accorder de l'attention au nouveau venu, c'est maintenant qu'il se met a vivre, que son rôle prend tout son sens.

-Tout de suite cher Monsieur répond-t-il gaiement, un sourire aux lèvres.

Il s'affaire vivement, un regard des plus concentré, ses mains s'animent de manière naturelle. Il a les gestes incrustés dans ses gènes, la méthode dans la tête, la vocation collée a la peau. Il crée son café a l'ancienne, respectant de veilles méthodes ancestrales afin de le concevoir au mieux. Enfin, il tend une tasse fumante a l'homme, toujours avec ce sourire de gaieté feinte qu'on adresse aux clients. Le nouveau venu s'en empare puis boit goulûment. Le récipient a perdu de sa contenance et bientôt, il sera dépourvu de tout liquide. D'une traite, la tasse est désormais vide. C'est terminé.

-Boire une boisson chaude est bien plaisant avoue l'homme, un rictus prenant forme sur ses lèvres, cependant ma venue n'avait guère pour objectif de me désaltérer cher Monsieur vous détenez une chose qui n'est point votre.

L'homme abordait un regard transcendant, sure de lui, hautain. Il avait cette assurance, une aisance dans sa façon de se mouvoir. Le Patron jusque la joviale perdit son sourire, son visage devient impassible, froid. Il se préparait a prononcer sa prochaine réplique sous un regard attentif.

-Si le but de votre visite est autre que vous désaltérez commence-t-il vous feriez mieux d'emprunter le chemin de la sortie.

Le sourire de l'étrange homme ne fit que s'élargir, il conservait un visage joyeux malgré l'attitude hostile de son hôte. Ce personnage, perturbe le rythme, le fonctionnement normal du café. Il ne fait qu'amener avec lui la menace d'un chaos encore plus grand, encore plus imminent. Un air de changement dans le cours des jours pourtant déjà dérangés par toutes ses personnes qui vont, qui viennent, qui repartent.

-Je vois... cependant je tiens absolument a récupérer ce qui est mien et qui se trouve désormais entre vos mains. Peut-être pouvons nous conclure un accord afin que chacun se trouve satisfait ?

-Je crains que rien de ce que vous pourrez m'offrir n'aura la force de me satisfaire.

-Je vous offre ici un moyen des plus doux de résoudre cette intrigue car si vous refusez ça n'en sera qu'a votre propre péril.

Le Patron, le regard déterminé s'apprêtait a mettre fin a cette stichomythie en enchaînant avec une modeste tirade, l'ultime parole décidant de son futur sort.

-Je sens une menace dans vos paroles, le refus pourrait m'entraîner au tombeau mais jamais je ne m'abaisserai a pactiser avec un diable tel que vous ! Remballez vos propositions, ne parlez plus. Laissez cet endroit en paix, partez ! Abandonner vos projets fous pour d'autres plus nobles, revenez parmi les bons, cessez vos jeux puérils au service du mal.

Tout en prononçant ses paroles avec calme Le Patron avait cet air agressif. L'homme posant son regard sur lui, trouvant la chose encore plus intéressante qu'au départ.

-Fort bien je me retire mais je serais vite de retour, vous venez de vous lancer dans un conflit qui ne sera que d'une violence inouï.

L'homme quitta la scène. Le rideau rouge se referma. Les spectateurs enthousiastes, se levant, applaudissant de tout leur soul un début des plus palpitant. La salle de théâtre conquise attendant avec impatience la fin de l'entracte, attendant le retour des comédiens, attendant de voir ce chaos imminent.

Un theatre de CaféWhere stories live. Discover now