Pernicieux Piranhas

♠Chat pitre trois♠

Astrid a fait sa scolarité dans un pensionnat chez des Dominicaines. J'aurais du suivre sa voix, mais les parents ont optés pour le lycée Saint Louis, situé à cinq minutes de la maison. Brune s'y retrouve aussi ainsi que les Andersen. Forcément ça fait râler la fille aînée :

-Nan mais j'hallucine, je me suis tapé dix ans chez des Mères et elles, tranquilles, le lycée public d'à côté !

Tout ça pour dire qu'en ce beau lundi de printemps, après les vacances de Pâques, je suis un peu déprimée, et comme d'habitude je me dis que j'aurai du travailler un peu plus...

Ce lycée n'a rien d'extraordinaire ; grand bâtiment gris, à la façade typique des maisons parisiennes, des amphithéâtres et des adolescents partout.  Maël a perdu son agenda. Je dois donc l'attendre sur le parvis tandis que celle-ci fouille désespérément dans son sac en grommelant des mots pas très polis. J'aperçois Otto qui ne daigne même pas m'adresser un regard. Je lui souris tout de même. Ah Alonzo ! Je file dans sa direction.

-Eh Colette ! ça va ? Ça était les vacances ?

-Salut ! Ouais super ! 

Ses boucles brunes font comme une auréole de cheveux autour de sa tête ; grand, maigre, toujours débraillé dans ses vêtements, il a un nez trop remarquant à son goût et des joues creuses pour le mettre en avant. 

-Tu as vu Rik pendant les vacances ? Je lui demande.

-Ouais, on s'est fait un cinéma. 

-Tu ne l'as pas trouvé changé ?

Il cligne des yeux, non pas que ma question le surprend, mais comme gêné. Il rehausse la lanière de son sac et bafouille :

-Heu non. Ça va. Normal. 

-S'il te plait, Alonzo...Il y a un truc qui cloche, non ?

-Coco, tu te fais des idées ! Tout va très bien !

Il sourit; un sourire qui prend toute la place sur son visage émincé. Je le quitte retrouver mon amie et soupire. Maël a récupéré son agenda pailleté ; nous gagnons nos classes. Dans l'une des pièce où va suivre le premier cours, des garçons ont renversé des tables et filment avec leur portable Pierrot qui essaye de faire le poirier. Le roux, complexé par ses rondeurs, s'est juré de se transformer en athlète olympique d'ici la fin de l'année, et au passage sortir avec Alice, la pompon girl du lycée. Les élèves sont pliés de rire devant l'acrobate, son tee shirt tombant sur sa tête, son ventre bordé de bourrelets, ses grosses cuisses levés vers le plafond, tremblantes.

-Allez Pierrot ! Tiens bon ! Hurle un mec.

Je pose mes affaires sur une table mais ne peut m'empêcher de regarder le spectacle. Maël a sorti son iPhone et filme la scène en gloussant. Le roux tremblote de plus en plus, ses mains grassouillettes serrant un bord de chaise. C'est un miracle qu'il tienne aussi longtemps ! Mais la sonnerie braille dans les couloirs et le roux, affolé, lâche prise. Dans un bruit de chaise, il s'écroule par terre, suscitant un fou rire général. Le professeur Tennison, notre titulaire, fait irruption. Tout le monde se rue sur sa chaise, laissant le pauvre Pierrot se remettre de sa chute et se rhabiller. 

-Vous vous exhiberez plus tard, Monsieur Preffon, grince le prof. 

Rouge pivoine, le roux prend une chaise et bredouille une excuse. Quelques élèves rient encore. Je soupire quand mon voisin -que je n'avais même pas remarqué, me murmure :

-Dans une heure, la vidéo est sur le web. Quel monde de merde, n'est-ce pas Colette ?

C'est Alexander. Je lui jette un bref regard et attrape mon cahier. Ce garçon est aussi intrigant que flippant. Rasé sur le côté, des mèches plus longues plaqués à l'arrière de son crâne, à la Peaky Blinders, ses yeux enfoncés dans leur orbite si bien qu'ils sont plongés dans le noir, lui donnant un air méchant et mystérieux qui me fait toujours frissonner. Il est toujours vêtu d'une chemise et d'un veste accompagné d'un paire de chaussures du Dimanche. On ne peut pas dire, il est classe. Mais tellement louche.