Chapitre 3 : Compteur

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- Maman ? Mais que fais-tu ici ? Comment vas-tu ?

- Woh, doucement avec les questions. Je suis là ma fille, c'est tout ce que tu dois savoir.

- Et papa ? Où est-il ? Demandai-je d'une voix pas du tout rassuré.

- Ton père dort... Tu ne dois rien savoir de plus.

Ma mère à l'air totalement rassuré contrairement à moi. Pourquoi est-elle si tranquille alors qu'il l'a battu et qu'il m'avait promis que je ne la reverrai plus jamais de ma vie. Je sais que chaque parole de mon père est loin d'être dite sans sincérité. Jamais je n'aurai dû la revoir.

- Es-tu sûr qu'il ne t'arrivera rien ?

- Je te le promets. Aie confiance en moi, c'est tout ce que je te demande. Tu ne dois pas avoir peur. Pas ce soir. Je suis là pour toi.

- Pour encore combien de temps, dis-je dans le silence.

*

Les minutes s'installent entre nous. Nous parlons très peu. J'ai tellement peur qui lui arrive quoi que ce soit. J'ai peur de la perdre. C'est la seule personne qui m'aime et qui reste présente, même si elle n'ose pas me toucher.

- Ma chérie...

- Oui, maman ? Qui a-t-il ?

- Je t'ai apporté une surprise. Je te la donne à une condition.

- Oui, laquelle ?

- Ton père ne doit pas savoir que tu possèdes ceci. Ai-je étais bien clair ?

Pourquoi réagir de cette façon ? Elle ne m'a jamais donné quelque chose qui fallait à tout prix cacher à mon père.

- Je te promets maman. Qu'est-ce que c'est ?

- Tu ne le sauras qu'une fois quand je serai partie. Je te le donnerai qu'à la fin.

- Maman ? Pourrais-tu te décrire ?

- Me décrire ?

- Oui, je ne t'ai jamais vu. Ni papa à vrai dire, sauf la dernière fois. Toi maman, je ne t'ai jamais vu. Vous n'êtes pour moi qu'une personne sans visage, sans corps... Vous n'êtes qu'une voix.

Un silence s'installe une nouvelle fois. Je sais que je ne mâche pas mes mots en ce moment. Mais après tout, ce n'est pas de ma faute si on me prive de tous ça. On m'a toujours enfermé dans cette foutue pièce sans fenêtre. Aurai-je le droit une fois dans ma vie me voir ou même de voir la couleur de mes propres yeux ? Ma mère est la seule à avoir confiance en moi. Peut-être qu'un jour elle me laissera sortir pendant que papa dort ? Mais tous ça n'est qu'un fantasme. C'est une chose qui ne se passera jamais et je le sais très bien. Je suis seule. Seule dans cette chambre. Au bout d'un certain temps, elle décide enfin à parler.

- Je... J'ai les cheveux qui arrivent aux niveaux des épaules. Ils sont d'une couleur très foncée, marron quand le soleil tape dessus, et noir les jours moins beaux. Ils ont beaucoup de volume, légèrement ondulés je dirai.

- Tes yeux ?

- Mes yeux ? Ils sont bleus foncés.

- Les miens sont comment ?

- Identique aux miens. Tu es mon portrait craché ma chérie. Du moins dans le souvenir que j'ai de toi... Dit-elle tout bas.

- Pourquoi ne pourrai-je pas me voir dans une glace maman ?

- Soit patiente. Pour continuer dans ma description j'ai un nez assez fin, des lèvres de tailles tout à fait pareil.

- Pourrai-je un jour te voir ?

Soudain, je suis prise d'énervement.

- Pourrai-je un jour avoir une vie normale maman !

Jamais je ne lui avais parlé sur ce ton. Je n'ai pas su faire autrement. C'est bien la première fois que je suis rempli de rage. Je veux vivre ma vie pleinement.

- Maman, je veux vivre une vie. Une vie normale ! Sinon autant mourir !

Silence. Jamais je n'aurai pensé dire ça un jour. Pourtant ils sont sortis avec tellement de facilité que j'en suis autant impressionné. À vrai dire, je pense chacun de mes mots prononcés.

- Ma chérie, laisse-moi un peu de temps. J'essaie de te donner une vie meilleure que celle que ton père souhaite pour toi.

- Je ne veux plus vivre, si c'est pour le vivre ainsi.

Le chagrin est immense. Je veux pouvoir voir une personne de mes propres yeux mais aussi de me voir enfin. Je veux voir chacun de mes traits de visage. Je veux une vie tout à fait ordinaire, une vie que chaque personne devrai vivre. La seule vie que j'ai eue pour l'instant n'est qu'un enfer, et pour une fois de ma vie, je veux sortir de cet enfer.

- Maman, fait moi sortir d'ici. Je t'en supplie. Je ne pourrai vivre indéfiniment dans ces lieux. Vous m'avez enfermé tel un animal en cage.

- Je ferai changer les choses ma chérie. Tu penses que ma vie est meilleure ?

- Pour l'instant tu n'es pas enfermé entre quatre murs. Réalise-le !

- Si tu crois que ma situation est mieux, je suis battu par ton père depuis tellement d'années. J'essaie chaque instant de ma vie de te protéger. Tu crois que ma vie est mieux que la tienne ? Je t'offre ma place sans hésiter !

- Maman, dis-je à voix basse. Il va se réveiller, ne parle pas aussi fort.

- Je lui ai donné des somnifères, je n'ai pas pu faire autrement. J'ai déjà le visage amoché par le passé, mais alors lui ne l'a pas arrangé. Je ne veux pas te laisser ainsi, mais pour l'instant je ne peux rien faire d'autres. Je suis désolé pour la vie que je t'ai donnée, mais j'ai aussi peur pour ta vie que pour la mienne. Je voudrais avoir la force de faire changer les choses une bonne fois pour toute mais la peur me prend à chaque fois. J'ai encore besoin de temps.

*

Nous avons pleuré ensemble. Pleuré pour notre vie tragique. Aucune des deux ne pouvait se réconforter. La chaleur humaine. Je suis sûr que cette chaleur peut guérir beaucoup plus que de simple mot.

- Je dois te laisser. Je t'ai posé ton cadeau sur le côté, allume la lumière et regarde le.

Une fois la porte fermée, j'hésite à allumer la lumière. Je crois que j'ai peur de savoir ce que c'est. Je me lève et allume la lumière. Je regarde la porte sans regarder au sol. J'attends de longues minutes avant d'avoir le courage de regarder cette boite.

- Une boite ? Dis-je surprise.

Je la prends dans mes mains, retourne près de mon lit et mis assoie. Les mains tremblantes, j'ouvre le paquet en douceur. Je soulève le couvercle et la surprise me prend au dépourvu. Elle m'a vraiment ouvert mon plus grand souhait. Celui-ci reflète la lumière de mon plafond.

- Un miroir !

Je l'attrape avec grande délicatesse et le tourne vers moi. Par angoisse, j'ai fermé les yeux. Je n'ose à peine les ouvrir de peur de me voir enfin pour la toute première fois.

- Qui es-tu ?

J'ouvre les yeux à vivre allure le souffle court. Le miroir sur mes genoux je regarde la pièce en sa totalité.

- Qui est là ?

Personne. J'ai dû rêver. Oui, ce n'est pas possible autrement. Je reprends le miroir et mon souffle se coupe.

- Qui es-tu ? Me répète la voix.

Cette voix n'est pas dans ma tête, non, elle est dans le miroir. Le miroir ne me reflète pas du tout. Il reflète un garçon !

- Un garçon !!! Dis-je complètement stressé.

Sur ce miroir, il n'y a pas seulement un garçon mais un temps.

12:361:8:519:31

Ce temps défile sous mes yeux. Les derniers défilent à une vitesse folle, ce qui modifie plus doucement ceux d'avant. Est-ce un compteur ? Un compteur pour la fin de ma vie ?

- Qui es-tu ? Me redemande une nouvelle fois ce garçon.

Que se passe-t-il à la fin ?

Une Douleur éphémèreWhere stories live. Discover now