CHAPITRE DEUX - QUARTZ NOIR

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CHAPITRE DEUX – QUARTZ NOIR

1

La jeune femme courrait aussi vite que lui permettaient la pénombre et la pente raide couverte de lichens. Elle trébucha, attrapa la branche maigre d'un arbrisseau, tira sur ce bras décharné et termina sur les genoux. Sur la crête de la colline, elle se redressa, chahutée par les bourrasques d'une forte bise qui fit claquer son mantel de fourrure. Elle abaissa sa capuche, écarta une mèche blonde et jeta un coup d’œil circulaire, inquiète de ne voir le spectacle qu'elle attendait. Les premiers rayons d'une aurore timide éclairèrent le profil en forme de mâchoire aiguisée d'une montagne et allumèrent soudain une multitude de reflets scintillants. Un sourire illumina son visage.

— Mentor ! Nous y sommes ! Enfin ! Je vois Friss ! Lança-t-elle en pointant du doigt les crocs de pierre.

— Es-tu certaine de ne pas te faire abuser par une fata morgana ?

— Non, Mentor ! Je vous assure, nous y sommes.

— Hum, nous y sommes... c'est vite dit ! Bon ! Maintenant, redescends !

En contrebas, assis sur le siège d'une méchanoïde usée, les deux jambes enchâssées dans les cuisses de la machine, son compagnon s'impatientait.

— Mais venez voir, c'est aussi beau que chez moi ! Enfin, presque.

— J'ai pas envie de descendre de ce tas d'os et de ferraille ! Hé ! Tu m'entends, Isis ?

— Difficile de faire autrement !

Son précepteur fit un geste énervé qui agita les manches de sa houppelande en renard argenté.

— Alors, écoute-moi et reviens.

Mais Isis voulait profiter de cet instant tant attendu. La cité qui lui faisait endurer la lassitude de ce paysage austère de toundra désolée était enfin à portée. Dans ces landes plantées d'une taïga obscure, où abondaient les animaux sauvages, elle savait que ces éclats lointains étaient comme un phare, symbole d'une arrivée à bon port pour tous les voyageurs imprudents ou les aventuriers égarés. Peut-être étaient-ils elle et Mentor un peu des deux. Tout au nord, tapis dans l'horizon comme une tarentule dans son terrier, quelques éclairs zébrèrent un coin de ciel sombre. Ils incendièrent d'étranges reflets carmin de lourds nuages d'orage amassés derrière les sommets vertigineux d'une longue crête de montagne.

— La Frontière, dit-elle à voix basse comme pour s'en persuader. Mentor ! Hurla-t-elle, je vois jusqu'aux confins de notre monde.

— Isis, tête de mule ! tu vas obéir, oui ou...?

Mentor éructa une toux grasse et détourna la tête pour cracher.

Le maître s'impatiente !

La jeune femme entreprit de dévaler la pente, à grandes enjambées. Elle mit son pied dans une racine et partit dans un vol plané qui la fit tournebouler jusqu'au pied de la colline. Elle se releva, fit mine d'épousseter ses bras trop fins et ses longues jambes de la terre grasse qui les couvrait. Elle vérifia le corset de son armure légère, sombre, mais rehaussé de discrètes gravures réalisées à l'eau-forte. Autour de son gorgerin avaient été ciselées les ailes d'un grand rapace dont les dernières pennes lui faisaient comme un collier. Elle remit un peu d'ordre, d'une manière faussement coquette, dans ses cheveux longs.

— Et voilà !

Le cavalier la regarda avec tendresse.

— Allez ! Rhabille-toi...!

Il lui jeta le baudrier d'une épée à section diamant d'une finesse extrême. Isis l'attrapa au vol par le fourreau, serra la ceinture gansée de cuir autour de ses hanches et mit sa main gantée sur son pommeau. Les doigts jouant sur la fusée tournée en jaguar.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 13, 2014 ⏰

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