Aimez-vous ça les patates? Moi oui! Je vous invite à souper! Plat principal : pâté chinois. Comme à-côté? Patates au four! Devinez le dessert? Ma spécialité, des beignes aux patates! Vous verrez, ce sera dé-li-ci-eux!
Et si c'est plaisant comme soirée, on se refera ça! Pourquoi ne pas se faire un brunch, le lendemain matin? J'ai une excellente recette de fricassée de patate! Avec de la salade de patate!
Tant qu'à faire! Restez donc pour diner! Justement, j'avais des restants de mon gratin dauphinois! Ingrédient principal? Mais oui! Vous l'avez deviné, des patates! Pour dessert, on mangera des pommes. Des pommes? Oups! Je voulais dire des pommes de terre!
Quoi? Vous n'aimez pas ça? Mais voyons! Forcez-vous un peu! J'ai fait toute cette bonne nourriture pour vous et vous ne l'aimez même pas? Franchement! Vous ne faites aucun effort! Normal que personne ne vous invite à souper...
Alors, aimez-vous les patates?
Bien sûr que vous aimez les patates, mais pas tant que ça. Au début ça goûte bon. Puis ça commence à devenir fade. Éventuellement ça finit même par vous écœurer. Encore des maudites patates. Tout le temps des patates. Des criss de patates. Des patates qui rendent votre bouche pâteuse. Des patates qui vous coupent le souffle en descendant lentement, lentement, lentement, dans votre gorge serrée. Des patates qui vous nouent l'estomac, des patates pilées qui s'empilent dans vos tripes. Des maudites patates. Tout le temps des patates. Des criss de patates.
Avez-vous déjà entendu cette phrase : «la dépression c'est comme ne manger que des patates»? La vie goûte la même chose tout le temps. Sans aucun assaisonnement, rien pour mettre du piquant. C'est comme un mois de novembre perpétuel. Tout est gris, tout est laid. C'est la dépression saisonnière à l'année. Tout semble inutile. Envie de rien faire. Dormir tout le temps. Pleurer un peu. On se laisse aller. On est lourd.
C'est dur de parler de ce qu'on vit, quand on souffre de dépression. C'est comme si on vit dans une autre dimension. Celle en noir et blanc où il pleut tout le temps. Lorsqu'on croit pouvoir se confier, mettre un pied en dehors de la dimension de la dépression, on se fait dire d'essayer de voir le côté positif des choses. Essayer de sourire plus. De moins se renfermer. De se forcer un peu. De faire plus d'effort. Parce que, bien sûr, la dépression est un choix.
Non. La dépression n'est pas un choix. La dépression est une maladie mentale. C'est un terme qui fait peur, maladie mentale. Ça fait peur, parce qu'on ne sait pas trop ce que c'est, parce qu'on en parle pas.
Le 10 octobre, ce sera la journée mondiale de la santé mentale.
Ce n'est pas parce qu'il est triste qu'il est en dépression. Elle n'est pas folle parce qu'elle est en dépression. La dépression, c'est comme n'importe quelle maladie, il faut la soigner. On a pas honte d'aller à l'hôpital pour une jambe cassée, alors pourquoi devrait-on se sentir humilié de dire qu'on consulte un psychologue?
En l'honneur de cette journée du 10 octobre, je vous demande de prendre soin des gens autour de vous et d'être attentif à ce qu'ils vous disent. Peut-être que lui, n'est pas dans son assiette. Peut-être qu'elle, son assiette est pleine de pâté aux patates.
