Prologue

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La chose que l'on recherche le plus, ne nous parvient qu'une fois l'abandon trouvé.

Ses mains étaient liées au poteau devant lui. Ses genoux étaient abattus dans le sable. Sa tête était reposée sur le bout de bois. Son souffle était rapide et difficile. Son dos vacillait à chaque souffle, à chaque pulsation. Son teint brunit par son malheur reluisait sous la sueur.

Plus un mouvement dans les environs. Même le vent s'était arrêté de souffler. Le temps s'était comme arrêté. Toutes les personnes autour de l'arène intérieure étaient immobiles. Elles s'arrêtaient toutes de respirer. Tout comme moi.

Des gouttes de sang ruisselaient sur son dos. Elles glissaient sur sa peau avant d'atterrir sur le sol poussiéreux. Il ne peut qu'endosser le rôle du martyre silencieusement.

Le bourreau passa derrière lui, laissant traîner son fouet, imbibé de ce liquide écarlate qui lui a causé tellement de problèmes.

En un vif coup de poignet, le bout de cuir claqua sur son dos pour y laisser une nouvelle marque, égale aux autres.

Il se crispa.

Elle l'entendit gémir.

Elle serra ses mains entre elles et baissa les yeux. C'était de sa faute s'il en est là ! Mais personne ne veut l'entendre.

Non...

Alors que le bourreau s'apprêtait à relâcher sa punition sur l'homme qui souffre devant les multiples paires d'yeux, notre Maître se lève et entre dans l'arène. Il passa devant elle sans lui adresser le moindre regard. Sa longue tenue blanche – signe de pureté – lui caressa le bras, avant qu'elle le rétracta au plus près de mon corps.

Il leva la main en direction de son fidèle qui torturait cet homme, et lui fit signe de se retirer. Il plaqua sa longue et fine main sur l'épaule du maudit, qui frémit sous celle-ci, et s'agenouilla auprès de lui. Il lui souffla quelques mots inaudibles qui le firent tressaillir.

Leur Maître se releva et lança un signe de tête au bourreau qui ne se fit pas prier de recommencer sa torture.

Il continua encore, jusqu'à rendre son dos rempli de sang. Un sang qu'il n'aurait pas versé, s'il ne l'avait pas connu... Si elle n'avait pas existée.

Il fallait qu'elle s'enfuie pour que cela ne recommence plus. Pour que la souffrance de Li cesse.

Pour que sa vie puisse continuer.

Pour qu'il n'ait pas à la protéger, à se cacher.

Pour qu'il vive !

À la fin de ce spectacle, au moment où elle s'empressa de partir en m'excusant à chaque épaule bousculée, mon nom est hurlé :

- Aurora Rose Colibrae !

Elle se liquéfia.

- Tu seras chargée de sa survie ! continua leur Maître. Au moment où son cœur cessera de battre, tu seras exilée de cette Hiérarchie ! Étant donné les dégâts qu'il a reçus, tu as dix jours maximum ! Que la chance t'accompagne !

Cette dernière phrase fut répété par les Soumis avant que tout le monde se retire.

Elle se retrouva complètement seule, au plein milieu des gradins, le souffle court.

Elle ne savait que trop bien ce qu'il fallait qu'elle fasse. Sauver un mort... Mais ce mort, cette fois, c'est lui. Elle ne pouvait le laisser crever comme les autres. Ils avaient vécus trop de choses ensemble. Il fallait se battre, mais cela était strictement interdit.

Elle empoigna une mallette de secours – toujours présente sur les lieux d'une exécution. Elle s'approcha de lui, d'un pas fluide et assuré. Mais quelque peu dérangé.

Elle s'accroupit. Sa chair était à vif. Il tourna la tête vers moi et me lança un douloureux sourire.

- Rose... C'est toi... murmure-t-il, à l'agonie.

Elle n'osait même pas le regarder.

- Tu... Tu vas t'occuper de moi... hein ?

Elle imbiba une compresse d'alcool et la plaqua sur les plaies. Il frémit en gémissant de douleur.

- Ne... Ne sois pas en colère... Je t'en prie. J'ai... J'ai besoin de toi ! dit-il au bord des larmes.

- Dans dix jours je serai banni. Alors il est normal que je ne sois pas très ravie. Quand je pense qu'il y a quelques mois, j'étais promise à un futur fastidieux.

Elle sortit un couteau et déplia la lame pour couper ses liens.

- Quand je mourrais... souffla-t-il le sourire aux lèvres.

D'un coup sec, elle coupa la sangle en cuire.

- Oui ! dis-je, relevant un sourcil.

Il ramena sa main droite sur mon visage pour me lancer :

- Je n'aurais jamais cru qu'une future Impératrice me ferait de l'œil... Ton destin sera bien plus fastidieux que ce que tu ne le crois.

MaladiveWhere stories live. Discover now