Épilogue

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18 avril 2291 - Boulder, Colorado

Cette journée fut riche en émotion. Une naissance de jumeau, la troisième de ma carrière, mais bien particulière : déjà parce que la maman est une amie proche, mais aussi parce qu'elle s'est terminée par une césarienne en urgence. Heureusement, tout le monde va bien, maman comme bébés. Et le papa veille au grain. Avec Sayan, on a fait du bon boulot. Sandy et Jero accueillent ainsi deux autres petits, faisant d'Andora, le premier bébé mixte, une grande sœur comblée.

Après une journée si intense, je n'ai qu'une hâte : rentrer chez moi dans ma petite, mais confortable maison à Boulder. Avec Kalen, nous vivons au pied des majestueuses montagnes du Flatirons. L'ancienne ville a été désertée, et seuls les abords du lac se repeuplent progressivement. Nous sommes moins de cinq cents âmes actuellement et, pour la plupart, des exilés du camp principal en quête de campagne. Boulder est en effet à seulement une quarantaine de kilomètres de Denver, et la zone est couverte par la vigilante surveillance de Hapri et ses brigades de sécurité. Une navette remise en service et améliorée par les technologies selcynes me permet de faire le trajet de mon domicile jusqu'au centre de soin et de l'enfance en un quart d'heure.

C'est l'idéal pour Kalen et moi. Surtout pour lui qui a décidé de refuser tous les postes militaires à responsabilités que selcyns comme terriens lui proposaient. Je crois qu'il a toujours eu horreur de ça, et maintenant que le système de castes a été déconstruit, il est un simple humain et non plus un Temen. Il est libre de choisir. Sans surprise, il a opté pour une activité orientée vers la solidarité. Après quelques mois de réflexions, il a mis en place le premier service d'aide à l'insertion destiné à l'origine aux selcyns. Nombreux sont ceux qui ont eu du mal à s'adapter à cette nouvelle vie faite de liberté. D'autant plus qu'ils sont souvent la cible d'attaques racistes. Kalen propose diverses interventions selon leurs besoins. Cela va de la simple discussion à des visites, des mises en contact avec des réseaux ou même des accompagnements pour des formations. Plus d'un an après le début de son activité, son agenda ne désemplit pas. Ni notre corps de ferme transformé en auberge d'accueil, le Refuge, comme les premiers hébergés l'ont nommé.

Depuis quelque temps, Kalen commence à recevoir des demandes de la part de terriens désœuvrés. Au début, je n'y ai pas cru : le mélange des peuples est encore difficile pour beaucoup, et mon compagnon n'a jamais caché ses origines selcynes. Mais lui n'a pas eu l'air étonné. Il m'a rappelé, à juste titre, que cette renaissance était un grand bouleversement pour tout le monde. Il acceptera ces gens dès qu'il aura la place pour les recevoir, il ne s'est même pas posé la question d'un éventuel refus. Il est complètement en phase avec sa nouvelle vie.

Mon rythme à moi est plus intensif puisque je jongle entre mon travail à l'hôpital de Denver, mes recherches et le centre dédié à l'enfance d'Amérinord. Le décompte final a fait état de soixante-douze bébés couveuses que nous avons répartis dans deux centres : un à Denver, un autre à Monbasa. J'ai été active dans l'élaboration du centre d'accueil de ces petits bouts de chou, ainsi que dans l'écriture du protocole d'adoption. Hors de question que des psychopathes mettent la main sur ces bébés mixtes pour leurs expériences ! À Denver, il nous reste dix-huit bambins d'un an et demi. Un peu moins qu'à Monbasa. Les demandes sérieuses sont peu nombreuses, et ce n'est pas vraiment étonnant. Les selcyns commencent à peine à comprendre ce qu'est une famille, et les terriens sont frileux à l'idée d'adopter un bébé métis. Ces pauvres petits sont pourtant tout à fait normaux d'un point de vue biologique, et ne demande que de l'amour.

Sam et Mei sont devenues les heureuses mères de l'un d'entre eux. Un petit garçon prénommé Louis. Voilà six mois qu'il vit pleinement avec elles, au nord du camp de Denver. Elles ont pris leur temps pour officialiser leur couple. Mais à présent, leur histoire est solide et magnifique, je me réjouis pour elles. Mei a demandé un temps partiel à l'hôpital pour s'occuper de Louis. C'est plus facile pour elle que pour Sam qui ne chôme pas, comme tous les membres des brigades de sécurité dont fait également partie Jofen.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now