Chapitre 1

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J U S T I N E

— Tu es magnifique, Justine, s'exclame ma mère.

Je plisse les paupières et la dévisage. Ghyslaine n'est pas du genre à s'extasier sur votre personne, non c'est plutôt le genre à vous lancer de petites piques sur votre apparence, votre comportement, votre vie amoureuse. Tout ça avec un sourire de vipère. Je m'assieds dans le fauteuil de sa nouvelle demeure. C'est presque une réplique de celle qu'elle partageait avec mon père avant de divorcer il y a un an. C'est grand, bien trop alors qu'elle vit seule, les meubles antiques sont ceux qu'elle a récupérés dans leur ancienne maison, la couleur des murs est la même. C'est comme si elle souhaitait tourner la page sans en changer le livre. J'ai tenté une fois de lui en parler, mais tout ce que j'ai gagné c'est un discours sur la qualité et le prix des meubles du XVIIIe siècle. Je n'ai pas osé en rediscuter depuis, même si me rendre chez elle me met mal à l'aise.

— Merci maman. Comment vas-tu ?

— Très, très bien ma chérie.

J'ouvre la bouche, mais la referme aussi sec. D'accord, quelque chose cloche. Trop d'enthousiasme. Ça pue l'entourloupe.

— Qu'est-ce qui se passe, maman ?

— Absolument rien. Je suis contente que tu sois venue me voir.

— Maman...

Elle lisse sa jupe qui ne présente aucun pli. Je sens que je vais avoir envie de hurler dans...

1...

— Eh bien, commence-t-elle...

2...

— Te souviens-tu de Gina, mon amie du club de lecture ? Son fils Wilfrid est courtier, je t'en ai parlé le mois dernier, puis tu l'as vu il y a deux semaines. Il est célibataire et tout à fait disposé à t'accompagner au mariage de ta copine, Éva.

3.

Je me souviens très bien de Wilfrid. Je l'ai rencontré à l'inauguration d'une galerie, il avait été invité par ma mère. À l'époque, je la soupçonnais déjà de jouer les entremetteuses. Ce qui n'a pas fonctionné. Il est beau, mais il y a quelque chose chez lui qui me dérange et il est tellement « m'as-tu-vu » que je ne le supporte pas. Il m'a plusieurs fois demandé de sortir avec lui, mais j'ai toujours refusé. Je serre les dents et réfléchis à une réponse qui n'inclut aucun mot grossier.

« Putain, non ! » me semble trop vulgaire. « Plutôt crever ! » excessif. « Je préfère manger une araignée vivante en chantant du Barbra Streisand et dansant nue dans la rue plutôt que de me rendre à ce mariage avec lui », trop long.

— Non, me contenté-je de dire.

— Sois raisonnable, Justine. C'est un beau parti et je m'entends très bien avec Gina.

— Je ne vois pas en quoi c'est censé me pousser dans ses bras. Je n'irai pas avec lui.

Elle souffle exagérément. Son front tente de se plisser, mais le botox doit encore faire effet. J'aime ma mère, avec ses défauts et ses qualités. Je n'aime tout simplement pas qu'elle cherche à courir après sa jeunesse comme si c'était l'unique but dans sa vie.

— Avec qui vas-tu y aller ?

— Personne.

— Impossible.

— Maman, nous ne sommes plus au XVIIIe siècle, je peux me rendre seule à un mariage sans que je sois traitée de vieille fille.

— Mais tu es une vieille fille.

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