AU-DELÀ DU CERCLE

By VincentHauuy

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Clément a douze ans lorsqu'il emménage dans une petite ville canadienne. C'est un garçon rêveur et précoce so... More

Note de l'auteur
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI

Chapitre XXII

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By VincentHauuy

  "Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion".  St-Augustin

Mon père était dans le coma.

Pourquoi étais-je en cours aujourd'hui ? J'aurais pu rester à la maison.

Compte tenu des circonstances, mon absence aurait été amplement justifiée.

Mais au lieu de cela, j'étais dans la classe d'éducation sportive, à courir derrière une balle pour une équipe dont je faisais à peine partie. Et quand bien même ! Cela n'avait guère d'importance, que je sois remplaçant sur le banc de touche ou titulaire. L'équipe de Soccer était bien le dernier de mes soucis.

J'avais compté sur un changement d'environnement pour me changer les idées, pour m'empêcher de penser à mon père allongé sur un lit.

Mais mon esprit était trop embrouillé. Je n'arrivais pas à me focaliser sur autre chose. Mon corps agissait comme une machine sur pilotage automatique.

Le jeu, la maison abandonnée. Je cherchais un élément dans la banque de souvenirs, un une chose que j'aurais pu manquer et qui pourrait donner du sens à tout ce que je vivais.

J'ai intercepté une balle, je l'ai amortie avec ma poitrine et je l'ai relancée à Olivier, un élève de ma classe.

J'étais face à un dilemme. Je pouvais donner ce maudit jeu, et même m'en débarrasser ; en faisant ainsi, tout pourrait revenir à la normale et je ne serais plus un aimant à ennuis. Ou bien, je pouvais accepter le défi de la stèle.

Alors, les choses iraient de mal en pis, car je serais une cible à abattre pour Elistar.

Mais dans tout cela, la question qui m'obsédait le plus était : qu'allait devenir mon père si je refusais le défi et renonçait aux pouvoirs de mon jeu. Syllid avait évoqué la possibilité de guérir mon père. Mais avait-elle raconté la vérité à propos du jeu ?

David, un élève d'une autre classe, m'a fait une passe. J'avais la balle au pied alors que deux élèves me fonçaient dessus.

Pas le temps de jouer. J'ai frappé la balle avec force et rage, sans vraiment regarder là où je visais.

Le ballon a heurté la tête de Ray. Sous l'impact, le garçon est tombé à terre.

Le coup de sifflet a retenti.

Deux élèves étaient penchés sur Ray et l'aidaient à se relever. Il était sonné et il avait du mal à se redresser. Une fois debout il a dardé un regard assassin dans ma direction.

Mais je n'avais pas peur. Pas après ce qui m'était arrivé. De plus, Thomas et Paolo étaient absents. Ray ne m'impressionnait pas.

Le professeur est allé vérifier son état puis s'est précipité vers moi.

— Qu'est-ce qui t'a pris ? M'a-t-il hurlé dans un éclat de postillons.

— Désolé, je n'ai pas fait exprès, ai-je dit.

Le professeur s'est pincé les lèvres et a caressé ses moustaches.

— Admettons que tu n'aies pas fait exprès. Il n'y avait strictement aucune raison de frapper la balle si fort. Tu étais trop loin des buts et ne me dis pas que tu voulais faire une passe !

— Je... je ne sais pas pourquoi.

Mais je le savais. Je n'avais rien à faire ici. Ma place était aux côtés de mon père. Pas à l'école.

Le visage du professeur s'est adouci.

— Bon, va te calmer dans les vestiaires, visiblement tu n'es pas dans ton assiette aujourd'hui.

Là-dessus, j'étais bien d'accord.

La fatigue, la colère, et le fait que je m'en voulais de ne pas avoir été présent lors de l'attaque de mon père. Je maudissais aussi les professeurs et ce satané jeu de cartes.

Je suis resté un moment le front et les paumes collés à mon vestiaire, puis j'ai enfilé mes vêtements sans même prendre une douche.

J'avais juste verrouillé le cadenas lorsque Ray a fait irruption.

Ses cheveux blonds étaient collés à son front, et il était rouge pivoine. Mais c'est surtout son regard noir et la tension sur son visage que j'ai remarqués.

— Hey ! tu crois que tu vas t'en sortir comme ça, que tu peux me frapper avec une balle et t'en tirer à bon compte, microbe ?

Ray obstruait désormais la sortie des vestiaires. Il serrait les poings, ses yeux semblaient prêts à sortir de leurs orbites tant son visage était gonflé de colère.

— J'ai pas fait exprès, ai-je lâché, plus exaspéré qu'apeuré.

— Et tu crois que je vais gober ça, microbe ?

— Franchement Ray, je m'en fous que tu ne me croies pas. Laisse-moi passer maintenant.

Mais Ray n'a pas bougé. Au moment où je me suis approché de la porte, il a fait un pas en avant et m'a repoussé. J'ai titubé, mais je suis resté debout.

— On est seul ici, n'espère pas t'échapper, a grogné Ray.

C'était la goutte de trop. L'accumulation de rage a explosé en moi comme un volcan en éruption. Le jeu l'a ressenti.

(Punis-le !)

J'ai serré les dents. Oui. Ray allait payer.

Ce sale gamin aux cheveux gras avec son air supérieur et son rire de cochon allait payer... et cela valait bien trois jours de grippe.

(Oui, montre-lui qui est le microbe !)

Devant les yeux incrédules de Ray, j'ai ouvert mon sac et sorti mon jeu.

— À quoi tu joues ?

— Tu vas pas tarder à le savoir... microbe, ai-je dit avec un sourire mauvais.

Je me suis concentré et j'ai sorti la carte de mon jeu, puis je l'ai brandi

Aspiration mentale !, ai-je hurlé.

Le garçon m'a d'abord regardé comme si j'avais un mauvais comique dans un one man show.

Mais en moins d'une seconde, j'ai forcé la tête de Ray et y ai imposé ma volonté. Il était si faible, si vulnérable, en cet instant. C'était presque trop facile. Son esprit était comme de l'argile que je pétrissais entre mes mains. J'ai poussé davantage et me suis enfoncé plus loin, au cœur de sa mémoire et de ses pensées. Je pouvais éprouver, voir et ressentir ses joies, ses peurs.

Tout s'est passé vite, comme dans un film en accéléré. Je l'ai vu à trois ans tomber d'un toboggan et pleurer comme une fillette. Puis, plus tard, se prendre une volée par son père à neuf ans, car il avait fait tomber sa crème glacée sur le tapis persan de la grand-mère. J'ai assisté aux remontrances de sa mère alors qu'il avait uriné dans son lit. Puis, j'ai eu accès à tout ; à ses amours secrets, ses sentiments, ses désirs obscurs... Pire je sentais que je pouvais altérer ses souvenirs, changer la configuration de ses pensées, le manipuler, en faire ma marionnette.

(Il est à ta portée, fait en ce que tu veux, il le mérite ce lourdaud)

Était-ce donc cela qu'avait fait Misclane ?

Le pouvoir me donnait le vertige, mais je n'étais pas ivre. Ma colère était retombée et je me sentais sale d'avoir eu recours à ce sortilège.

— Non, ai-je dit à haute voix, non, je ne peux pas... je ne veux pas faire ça.

Et je me suis retiré, aussi facilement qu'un couteau chauffé aurait pénétré une motte de beurre.

(Comme tu veux, mais le prix reste le même)

J'étais haletant, mon corps était sous tension et mes cheveux étaient collés par la sueur.

Devant moi, Ray était recroquevillé sur lui même. Il pleurait et hoquetait. La violence de cet assaut mental l'avait ébranlé.

Il s'est redressé et m'a regardé. Ses yeux chargés autant de peur que de dégoût.

— Pourquoi t'a fait ça... qui es-tu ?

La question m'a frappé au cœur. Oui. Qu'avais-je fait ?

(Tu n'as rien fait de mal, il l'a mérité...)

Mérité ? Peut-être, mais pas au point de se voir infliger ceci. J'étais horrifié.

Léopard m'avait pourtant prévenu. Il était clair que le jeu prenait de l'ascendant sur moi. Le pire c'est que cette sensation, ce pouvoir que j'avais eu sur lui, m'avait procuré de la satisfaction. Non pire que cela, du plaisir.

— Pourquoi ? a répété Ray.

Mais il se parlait à lui même ; la question n'avait pas de réel destinataire.

Je suis resté immobile devant un Ray secoué par les sanglots. Pourquoi, oui ? Pourquoi avais-je cédé et infligé cette épreuve a une personne alors que je l'avais pourtant subie ?

— Je... je suis désolé...

C'est tout ce que j'ai trouvé à dire.

J'ai pris mes affaires et je suis parti sans me retourner.

Ce jeu était maudit, il me poussait à faire des choses. Pourtant » il était aussi la clé qui me permettrait de sauver mon père, guérir Scotty et protéger ma famille.

J'ai couru sans m'arrêter à travers le gymnase et dans la cour, jusqu'à l'arrêt de bus

J'avais pris ma décision. Le jeu devenait bien trop puissant, je le sentais grandir et fusionner avec mon esprit, et je me sentais trop faible pour y résister. Je ne pouvais pas m'en débarrasser, j'en avais besoin. Alors, il me fallait apprendre à le maîtriser, à prendre l'ascendant sur le jeu, plutôt que se laisser dominer par lui. Et je ne connaissais qu'une personne qui pourrait m'aider à le faire. Cette personne n'était pas de ce monde.

Ce soir, j'allais utiliser la carte du portail.

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