— Maman ! Il faut qu'on parle ? dis-je en entrant dans la boutique.
Elle est occupée à servir un habitué, ou devrais-je dire, le client le plus fidèle de la maison. Un bon monsieur d'un certain âge avec qui j'aime converser en règle générale. Mais actuellement, je préfère m'abstenir. Ma mère et lui ont décidé de se liguer contre moi. C'est à cause de ce personnage, que l'appart de ma sœur est de nouveau peuplé d'intrus, ou plus précisément d'une sublime intruse. Je ne vais pas le remercier pour cela. Je le salue brièvement avant d'insister du regard auprès de Mama qui visiblement n'est pas pressé de venir à ma rencontre.
— Attends un peu. Je finis de servir ce client et je suis toute à toi.
Je n'ai aucune envie d'attendre. La patience n'a jamais été mon fort, hormis dans mon travail, mais même dans cette discipline, elle a cessé de l'être.
— Carla peut le faire ! la pressé-je.
— Mais qu'est-ce qui t'arrive ? s'étonne t-elle de mon empressement.
Elle fait signe à Carla qui est notre jolie et jeune employée, mais pas du tout mon style de femme, puis elle se dirige vers la cuisine, où je la suis.
Ici, c'est mon chez moi, le seul endroit où je me sens bien, car quand je viens travailler, je ne pense plus à rien d'autre. Je me contente juste de faire ce qu'on attend de moi.
Lorsque je suis venu m'installer dans ce quartier, tout le monde m'a pris pour un fou, à commencer par mes parents. Ils ne croyaient pas en mes talents. Et très vite, ils se sont tous rendus compte qu'ils avaient eu tort, que j'avais un don pour créer de nouvelles saveurs. Même si aujourd'hui, mon flair semble m'avoir quitté. Je ne parviens plus à inventer de nouveaux produits. Tout ce que j'entreprends de neuf se termine irrémédiablement à la poubelle, donc j'ai décidé il y a peu d'arrêter le massacre et d'en terminer avec les créations. Je ne fabrique plus que ce que je sais faire et c'est déjà pas mal.
Cette cuisine, je l'ai conçue de façon à me faciliter le quotidien. Elle est toute en inox, avec trois grands fours professionnels et un immense plan de travail dans le centre de la pièce, deux grands frigidaires et un garde-manger, ainsi qu'une variété de robots de différentes fonctions. Je l'ai équipée telle une cuisine de grand pâtissier français.
Je m'accoste à l'immense planche en bois qui me sert d'atelier culinaire, tandis que ma mère reste près de l'entrée de mon antre, très impatiente d'en découdre avec moi. Je ne la fais plus attendre et vais droit au but.
— Elle ne peut pas rester ! attesté-je.
— Carla ? me questionne ma mère interloquée.
Par évidence, elle ne sait pas de qui je parle. Comment peut-elle penser un instant que j'ai envie de mettre notre seule recrue à la rue ? Elle me croit vraiment sans aucune compassion ? Ok ! Ce n'est pas une perle, elle est un peu gauche, mais elle reste très professionnelle et les clients l'apprécient. Alors, je ne vois zéro raison pour laquelle elle a pu penser qu'il s'agissait de cette fille.
Bref ! Revenons à mes moutons.
— Je te parle de la nouvelle du troisième, lui précisé-je.
— Luisa ? Elle est très charmante, tu ne trouves pas ?
Charmante ? N'est pas le mot adéquat pour la décrire. Affriolante serait plus approprié ou impertinente, exaspérante et extrêmement séduisante, sensuelle, une bombe atomique en puissance, voilà ce qu'est cette femme. Une bombe à retardement et quand elle explosera, je veux que ce soit en moi. Mais bon, là, je m'égare totalement.
Je ne m'étais pas dit que tout ce qui s'était produit au dernier étage n'était dû qu'à mon manque de sommeil ? Alors pourquoi tout ce charabia la concernant ? Elle est charmante, et c'est tout ! Quoique...
— Mets toi ça dans le crâne une bonne fois pour toutes ! prononcé-je à moi-même, un poil trop fort.
— Tout va bien mon chéri ?
Je dois rester lucide, mais ce n'est pas facile lorsque que la conversation tourne dans tous les sens et que ma tête part en vrille. Je n'ai pourtant pas le choix si je veux persuader ma mère que c'est une erreur de la garder.
Je secoue ma tête plusieurs fois afin de remettre tout en ordre à l'intérieur et insiste :
— Elle ne peut pas rester !
— Fabio ne recommence pas, m'avise t-elle.
— Ce n'est pas ce que tu crois, mais... si elle ne disparaît pas, elle finira dans mon lit, et... tu sais comment ça va se terminer ? lui annoncé-je très calmement.
En réalité, je ne peux pas savoir ce qui en résultera avec ce petit ange et démon du troisième, mais je dois faire peur à Maria, je n'ai pas d'autre solution.
— Alors, tu sais ce qui te reste à faire. Contrôle tes pulsions ! m'exige t-elle.
Comme si c'était possible. Elle ne peut pas être sérieuse ? Elle me connaît. Elle sait pertinemment que j'en suis incapable.
— Je n'y arriverai pas. Pas avec elle, tenté-je de la leurrer.
Mais en vrai, j'ignore si ce que je dis est faux... Cette Luisa est tout ce dont je désire... pardon, désirais, mon esprit a fourché. Elle est belle sans même le savoir. Elle se cache sous des vêtements trop amples pour son corps de déesse.
Ma tête va me rendre dingue ! Il faut absolument me ressaisir !
— Elle te plaît à ce point là ? m'interroge ma mère stupéfaite par ma déclaration, avant de poursuivre. Oui, je peux te comprendre, c'est une très belle femme, pas comme ces minettes que tu nous ramènes tous les soirs. Celle de cette nuit était à peine majeure mon garçon.
Avec ma précipitation, je n'ai pas remarqué qu'elle n'était plus dans mon lit lorsque j'ai fait un crochet par la maison pour me rhabiller. Et non maman, cette donzelle était plus âgée que tu le penses. Elle fait plus jeune que son âge, voilà tout. Je veille à qu'elles soient toutes majeures et consentantes. Je ne suis pas du genre à forcer qui que ce soit à coucher avec moi.
— Elle a fini par se lever ? Ouf ! Enfin ! m'exclamé-je, heureux d'en être débarrassé. J'aime les jeunettes, ce sont les meilleures au lit.
— Fabio ! me dispute ma génitrice interloquée par mes dires.
J'aurais dû m'abstenir de prononcer la dernière phrase, en plus de ça, ce n'est pas entièrement vrai. Les filles avec qui je couche ont généralement plus de vingt ans. C'est leur façon de se maquiller qui les rende plus ou moins jeunes, et celle de cette nuit paraissait sortir du lycée avec son maquillage sobre et lumineux, mais elle est en troisième année de médecine. Elle m'a dit qu'elle avait besoin de décompresser avant de faire sa rentrée. Et c'est pourquoi, j'ai accepté après lui avoir posé plusieurs questions au sujet de l'université dans laquelle elle oscille.
Ma mère devrait être habituée depuis le temps qu'elle me côtoie.
— Bon, que fait-on du cas de Luisa ? C'est comme ça qu'elle s'appelle, non ?
A Force de dévier cette conversation vers d'autres, je vais perdre le fil.
— Oui ! Et on ne fait rien. Rien du tout ! Tu m'entends ?
— Comment ça ? On ne fait rien ? dis-je consterné.
— Non ! Laisse la tranquille ! Elle a déjà assez souffert.
— Et moi, non ?
Tout le monde semble oublier ce que j'ai vécu. Moi, aussi, j'ai eu mon lot de souffrances, mais ça, personne ne s'en soucie.
— Fabio ! Tiens toi à carreau ! Ou sinon tu auras à faire à moi, me menace t-elle.
Elle ne comprend rien. Elle ne se doute pas de l'effet Luisa sur mon corps. Elle ne s'imagine pas ce que j'ai pu ressentir il y a une heure lorsque j'ai débarquée chez elle.
Je suis perturbé !
J'ai énormément de difficultés à raisonner correctement aujourd'hui. Mes capacités intellectuelles m'ont lâché à la minute où elle a débarqué. Je devrais monter me coucher. Si tout ce qui s'est produit avec le sosie de ma sœur n'est dû qu'à la fatigue, tout ira mieux dès que je me serais assoupi, mais si je me trompe, je suis foutu.
— Tu ne saisis pas ! Si elle souffre davantage, se sera entièrement de ta faute, explosé-je, très contrarié, avant de sortir comme une furie de mon lieu de travail.
J'en ai assez de parler dans le vide. Advienne que pourra ! Elle ne viendra pas pleurer quand un malheur se produira.
Je dois vraiment me reposer, afin de récupérer un peu de discernement, mon esprit est enrhumé et mon corps totalement dérangé.
J'ai bien mérité une petite sieste après tout ce brouhaha dans ma vie.
Publié le vendredi 19 mai 2023
Le chapitre suivant est prévu pour demain.
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