☾ 𝐒𝐓𝐀𝐍 ☾
Les yeux éteints, le regard vide, je stationne quelques instants devant l'édifice ancien sous un ciel sombre. Je fais tourner ma chevalière sur mon annulaire gauche, réfléchissant.
J'ai toujours eu des tendances mélancoliques, elles prennent largement possession de mes pensées, tournant, retournant dans mon esprit alimentant autant ma poésie que ma chute. J'apprécie donc être en mouvement afin de faire taire le tourbillon omniprésent dans ma tête. Alors, j'aime le début de l'année à Oxford, il apporte toujours son lot d'excitation, d'adrénaline et de secrets.
Je passe une main entre mes mèches sombres comme les plumesd'un corbeau et relève la tête vers le ciel. La nuit est noire, parsemée de nuages et de quelques étoiles qui brillent malgré les lumières industrielles. J'ai toujours aimé le ciel.
Skyler
Son visage éclaire mes iris. Je la revois, en colère d'être terrifiée, tremblante devant mon apparence. Elle a changé. Elle a toujours été belle, mais à présent, elle est tout simplement irrésistible. Surtout pour un homme aussi dépravé que je le suis. Mon cœur bat, fort.
Enfin, je pénètre dans la bibliothèque universitaire. Le bois ancien du parquet craque sous mes chaussures vernies. Il fait trop sombre pour que je distingue bien le lieu, mais à force, je le connais par cœur. Alors je laisse ma main nonchalante caresser les rangées de livres. Mes pupilles s'ajustent à la pénombre, réduisant mes iris bleutées à un mince liseré clair. Mais c'est dans la noirceur que je me sens le plus moi. Car le vice aime l'obscurité et que je ne suis plus qu'une simple enveloppe de chair aux miens.
Rallume ces yeux, Stan.
Je secoue la tête faisant fuir mes pensées euphoriques. Je m'y noierais si facilement si je le pouvais, mais je dois rester ancrer sur terre pour le moment.
Lorsque j'arrive dans le coin de la bibliothèque que je convoite, je glisse la main derrière la rangée des livres que personnes n'ouvrent jamais et actionne un mécanisme. Dans la seconde un bruit mécanique retentit et provoque le déplacement lent de l'étagère. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Malgré tout, j'apprécie toujours ce spectacle.
L'ouverture laisse place à un escalier pentue bordé de lampes orangées. Je descends les marches unes à unes en réajustant ma chemise noire ouverte sur mon seul et unique pendentif. Celui que je ne quitte plus.
Une fois en bas, je toque trois fois sur la porte en bois me faisant face. Il suffit d'une seconde pour qu'une encoche sur la porte s'ouvre à son tour. Je me racle la gorge et murmure à voix basse :
- D'honneur et de pouvoir.
Sur mes mots, la porte s'ouvre. Et je pénètre dans la salle avec une aisance que j'ai apprise de mon père.
Je suis accueilli par la scène habituelle de chaque début d'année. Des étudiants et des anciens élèves, tous vêtus de vêtements formels, et cette très grande pièce dans laquelle je retrouve les canapés en cuir couleur vin rouge, le long bar verni, le sol en pierre et cette ambiance de richesse tellement ancrée dans les histoires familiales qu'elle en devient évidente.
Je salue d'un mouvement de tête ces visages familiers. Ici, on retrouve toujours les mêmes personnes malgré les siècles qui passent. Les héritiers des familles anciennes et puissantes du Royaume Uni, ceux qui possèdent encore des titres avant leurs noms de famille. Mais aussi les enfants d'artistes célèbres pour leurs travaux dans le pays, ou encore, les fils de politiciens et diplomates influents. Pour ma plus grande fierté, j'appartiens à cette dernière catégorie. Si je suis à Oxford, c'est pour suivre les traces prestigieuses que mon paternel a laissé pour moi. Que je le veuille ou non.
- Tiens donc, un revenant ! Bonsoir Stan.
Je me tourne vers la voix rauque qui m'est adressée. C'est sur un mètre quatre-vingt-cinq d'arrogance que je tombe. Alexander White est l'archétype du fils de riche descendant de la noblesse. Ses cheveux blonds à la coupe mi-longue entoure son visage aux traits fins. Ses yeux verts affichent un air ennuyé en permanence, comme s'il était trop bien pour ce monde.
- Tu sais comment je suis l'été.
- Entre poésie et mélancolie, oui, je te connais bien.
Alexander est mon ami, si je peux décrire notre relation ainsi. Par cela, je veux dire qu'il me connait. Moi et mes ombres, parce que je connais tout aussi bien les siennes. Il était mon colocataire de chambre en première année. Mais j'ai dû prendre une chambre seule après ça. Mes activités nocturnes perturbaient le calme olympien de ses nuits.
Maintenant, il vit avec Harrison Woods, surnommé Harry, qui le laisse en paix puisqu'il découche la plupart des nuits pour goûter à tous les plaisirs que la vie a à offrir. Affalé sur le canapé, ce dernier me sourit pour me saluer. Il est l'exemple du nouveau riche qui, d'après les autres membres, n'aurait pas sa place ici. Son père est un génie des mathématiques et son talent a su aider l'État dans de nombreux projets caractérisé comme confidentiel. Et par chance, Harrison a hérité de ses gênes. Mais il n'a pas eu la même éducation que nous, et ça se voit dans chacune de ses paroles et chacun de ces gestes et même sur son physique. Il assume un style souvent alternatif, refusant de porter ne serait-ce que l'ombre d'une cravate. Ses cheveux à la coupe militaire permettent d'observer les traits virils de son visage, sa forte mâchoire et ses sourcils épais.
Mais tous les trois, nous sommes liés. Aux yeux des autres, d'une amitié plutôt toxique, mais en réalité, d'un profond pacte basé sur nos péchés. Le vice circule en nous, salissant notre âme au fur et à mesure de nos jours passés ensembles. Stan, Alex et Harry, les trois vilains démons d'Oxford, ce qu'on admire le jour et fuit la nuit...
Le bruit d'une fourchette frappée contre une coupe de champagne attire notre attention. Je me tourne pour suivre le bruit. Monsieur George Taylor, ancien membre du parlement et politicien réputé
- Bonsoir et bienvenu à tous à cette réunion annuelle des Épines Royales !
Les Épines Royales... Société secrète universitaire la plus puissante du Royaume Uni. Fondée plusieurs siècles auparavant, elle regroupe l'élite du pays. Ici, les traditions sont maîtres. L'entrée est réservée à ceux qui portent le bon nom de famille. Y être membre, c'est s'assurer un avenir des plus prestigieux dans le pays. Mais c'est aussi un environnement de liberté, de débauche et d'excès là où les lois ne nous atteignent pas, là où personne ne nous atteint et je ne le sais que trop bien.
- Cette année, je laisse la parole à Edward Price, nouveau président de notre si belle société.
Ce dernier s'avance vers le centre de la pièce. Les Épines Royales sont une société « secrète » universitaire dans laquelle, chaque année, dix membres étudiants se réunissent et élisent leur président. Ancienne depuis des centaines d'années, elle compte des anciens membres partout dans les postes les plus hauts placés du pays. Assez de connexion pour permettre à n'importe qui d'atteindre n'importe quel objectif professionnel.
Dans son costume de marque et sous ses cheveux châtains, il a l'allure parfaite du président que tout le monde souhaite avoir. Tout le monde sauf moi, parce que Edward Price est ma Némésis et ce, depuis l'internat où nous partagions bienplus que des sombres secrets.
- Merci à tous d'être présent ce soir pour cette réunion d'ancien membre de notre club. Je suis à la fois fier et reconnaissant d'avoir l'opportunité d'être le président officiel de cette association d'homme dont la carrière est un exemple.
Edward ressemble indéniablement au jeune prince William lorsqu'il était l'idole de toutes les adolescentes et c'est surement pour cette raison qu'il se sent pousser des ailes royales. Il est non-seulement président de notre club mais aussi de l'union des élèves, autrement dit, il est l'étudiant le plus puissant de l'université. Mais Oxford sait bien qu'il est loin d'être le plus dangereux.
- Cette année ne trahira pas les précédentes, nous continuerons de briller sous les traditions de nos prédécesseurs.
Le regard d'Edward trouve le mien. Je le dévisage, il me lance un petit clin d'œil, je le déteste.
Edward est peut-être mon président aux yeux du monde, mais il sait très bien que lorsque la nuit tombe, il ne fait pas le poids contre mes ombres qu'il n'a jamais eu le courage d'affronter. Parce que s'il sait rassembler les étudiants sous l'auréole du succès, je sais les rassembler sous le prisme de leurs péchés.
- Nous sommes sept membres de l'élite et nous recruterons les trois manquants parmi les profils les plus intéressants des premières années. Alors très chers membres, que la chasse commence, termine-t-il avec un petit sourire mesquin sur les lèvres.
Je ne peux empêcher la trainée de frissons qui prolifère sur mon épiderme parce que ma chasse à moi a déjà commencé et que je crois avoir trouvé ce que je recherchais pour combler mes nuits.
Je tourne la tête vers Alex et Harry. Un accord silencieux passe entre nous. Vivement que l'année commence, elle risque de nous réserver mille et une distraction.
Les fantômes du passé finissent toujours par nous rattraper un jour où l'autre. Pour autant, Skyler ne semble avoir aucune idée que je suis le sien. Et ça rend la chose d'autant plus savoureuse.
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Bienvenue chez les Royal Thorns, la société secrète qui vous réserve encore beaucoup de surprises ...
Que pensez-vous de notre Stan ? ♥︎
N'oubliez pas de laisser une petite étoile si vous avez aimé ★
𝐈𝐠: 𝐥𝐞𝐚_𝐧𝐞𝐦𝐞𝐳𝐢𝐚