Double A.

35.

L'infréquentable.

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Tant que je peux bouger et travailler c'est que je peux continuer à faire du sport, et c'est pas parce que c'est sa salle que je dois me priver d'y aller : j'suis pas un pd. De toute façon, je l'y ai jamais croisé, j'avais beau crécher devant je le voyais jamais. Ni entrer, ni sortir. En mode c'est pas sa salle limite. Par contre la blondasse mon Dieu, elle vit là-bas c'est pas possible. C'est peu de dire que c'est plutôt sur sa gueule de merde que j'ai envie de courir et pas sur le tapis de course, mais je m'abstient. J'suis une bonne femme, j'suis plus une folle des ténèbres.

Cette fois ils étaient tous les deux devant la salle, lui et sa putain de blonde. Je faisait travailler les jambes et le cardio sur le tapis de course, j'étais donc du côté des vitres qui donnent sur la cour. Si vous préférez j'étais aux premières loges. Comme par hasard.

Comment expliquer sans vous effrayer ? J'avais plus quatre-vingt dix-neuf démons en moi là, j'en avais toute une armée. Une armée de bâtard, dans ma tête ils retournaient tout, tout, mais vraiment tout. J'avais qu'une envie c'était de leur jeter les putains de machines de sport de merde en pleine gueule. Les voir hurler à mort tellement ça fait mal. J'ai déjà essayé de l'appeler un milliard de fois sans jamais qu'il me réponde, j'suis venu le trouver ici des centaines de fois il faisait dire à ses employés qu'il était pas là.. Il a tout fait pour m'éviter et pourtant je le vois galocher la blondasse. J'ai rien contre les blondes mais elle j'la déteste, j'peux pas me la voir cette connasse.

Ça m'a donné le tournis, alors j'ai arrêté la machine et je suis descendu. Je me suis sentie tomber dans les vappes, ma tête a claqué sur un truc et j'ai perdu connaissance..

Une odeur horrible m'a sortie de mes rêves, une odeur salace qui me donne la nausée. Quand j'ouvre les yeux et que je vois des blouses blanches tout autour de moi je comprends vite que c'était pas un rêve, c'est un réel cauchemar, je suis à l'hôpital. Je déteste les hôpitaux, l'odeur me donne envie de vomir mes tripes, en plus j'ai mal partout, c'est gros bordel. Je vois tout ces gens en blouses faire une fausse tête d'enterrement, un air compatissant et désolé. Je passe alors ma main sur mon ventre et remarque qu'il est plat. Plus plat qu'hier, qu'il y a une semaine, plus plat que ce matin.. J'ai donc fermé les yeux et j'ai pleuré. C'était pas dur à comprendre, j'ai perdu mon gamin. Même pas remise de mon deuil prématuré que j'entends déjà le réveilleur de mes futurs démons me sermoner..

- T'es pas au courant qu'on doit pas faire d'effort quand on est enceinte ? Pourquoi tu m'as rien dit en fait ? J'étais le père, je devais le savoir nan ? Tu te rends compte là ? J'aurais pu être daron ! Et tu m'as rien dit. Tu comptais me le dire quand en fait ? J'comprends pas ton projet de vie là, éclaire moi. T'as cru que tu l'avais fait toute seule ou quoi ? T'as pensé à moi une seconde ? Tu peux pas savoir comme jten veux, la vérité j'ai envie d't'en coller une égoïste que t'es !
- C'est tout ce que tu trouve à me dire ?
- Franchement pour le coup ouais, la vérité tu m'as choqué de malade. T'as pas honte sah ?
- Sors d'ici tout de suite Ahmed la vérité.
- Mais t'es sérieuse toi ?
- Ouais, prends ta veste et dégage. Sors. Espèce de bouffon j'ai pas essayé de t'appeler tu répondais jamais ? J'suis pas passé à ta salle de merde tu faisait ceu-vi t'étais pas là ? J'suis pas venue jusque chez toi tu m'ouvrais pas ? Tout ça parce que tu sautes la blondinette ?! Vas-y casse toi de là, la vie d'ma mère dégage tu me dégoûte va.
- ...
- Tu croyais que je t'harcelais pour te faire revenir ? Mais t'es qui toi pour que j'te cours après en fait ? T'es parti fin du game, je cours derrière personne moi. Maintenant que t'es venu chanter ta haine tu prends tes clics, tes clacs et tu dégages, la personne qui devrait avoir honte c'est toi, tu fais pitié regarde toi dans une glace pauvre con. Tu te déplaces jusqu'ici pour me traiter d'irresponsable et d'égoïste comme si toi t'étais mieux. Tout ça c'est ta faute, uniquement de ta putain de faute. Si t'avais pas fait ta star tu l'aurais su depuis, mec bien des bacs à sable que t'es. Va balayer devant ta porte avant de vouloir faire le ménage chez moi. Vas-y bouge j'ai plus rien à te dire t'es mort pour moi. J'rigole pas bouge de là tu m'donne envie de vomir !
- Tu nous a vu c'est ça ?

J'ai appuyé sur le bouton blanc pour appeler les infirmières, qui d'ailleurs sont venues mille ans après, comme si de rien était.

- C'est elle qui m'a embrassé j'm'en fou d'elle.
- Et moi j'm'en fou de toi Ahmed.
- Mademoiselle vous avez besoin de quelque chose ? demande l'infirmière.
- Pitié faites-le sortir de là, je demande gentiment.

Le lendemain je me suis réveillée sur ce même lit d'hôpital, les yeux gonflés. Ils sont gonflés au point où ils peuvent sortir de leurs orbites et j'ai mal au ventre comme pas possible. Assa avait prévu de passer toute la journée avec moi mais je l'ai vite renvoyée chez elle, j'avais vraiment ce besoin de me retrouver seule. Elle a une vie à tenir avec Emre elle peut pas toujours être derrière moi c'est pas ma mère. Pour autant je la remercierai jamais assez je pense, elle est toujours présente pour moi. Midi ou minuit j'appelle elle est là, pour rire ou sécher mes larmes elle est là.. Quand j'dis que je donnerai ma vie pour elle je blague pas. C'est un truc de malade.

La journée était passée relativement vite les jumelles et des collègues m'ont bombardées de conneries à manger et j'ai eu des visites fréquentes du psychologue. Le seul moment où j'ai pris l'initiative de faire quelque chose c'est quand j'ai allumé la télé en fin de journée. Il allait y avoir ma télé-réalité préférée et j'allais pouvoir insulter Hillary sans retenue. Elle me fait penser à la blonde de mon ex.

Pétasse.

L'épisode commence par montrer les images de la team pété du Reste du monde qui perd une épreuve et à ce moment précis, mon frère, Idriss débarque. J'ai eu l'impression d'abandonner la vie, d'être sur une civière et de laisser mon âme monter au ciel. Il a fermé la porte et est parti s'asseoir sur le fauteuil au coin de la pièce sans un bruit. Je savais pas trop quoi faire mais par respect j'ai éteint la télé.

- T'as maigris c'est trop..
- Je sais.
- Ça va ?
- Je pète la forme.
- Mina..
- Idriss arrête de m'appeler comme à l'ancienne comme si tout allait bien, y'a encore deux semaines tu passais à côté de moi comme si on se connaissait pas maintenant dis moi tu veux quoi ?
- Je sais ce qui t'es arrivé. Je vais pas te courir derrière longtemps Aminata tu le sais ma fierté tu la connais, t'es ma ptite sœur rien peut changer ça, j'ai pris conscience des choses sûrement trop tard regarde où ça t'as mené. J'devrais te défoncer ta race pour c'que t'as fait, rentre toi ça dans l'crâne mais bon j'suis là pour m'excuser. J'ai pas envie d'te laisser seule dans cette galère.
- Qui t'as parlé de ma fausse couche ? je demande en me massant les tempes.
- J'sais même pas qui c'est la go, une cheblan blonde j'crois. J'sortais de la boxe on aurait dit elle m'attendait et elle m'a dit ça. Elle bosse avec ton mec j'crois en plus, d'ailleurs pourquoi il est pas là ce pd ?
- On est plus ensemble.
- T'as dit quoi là ?
- ...
- Il te fou en cloque et quand tu perds le gosse y'a plus personne ?

J'me suis contentée de le regarder avec les yeux brillant. En deux jours ça fait beaucoup pour moi.. Je perd mon enfant, mon frère revient dans ma vie, c'est trop d'émotion. Au lieu de réagir au fait que la connasse de mon ex raconte ma vie à tout va, je pleure les émotions de trop. Encore et encore.. Si vous saviez comme ça me vide de pleurer.. C'est énorme. Autant vous le dire, si pleurer peut m'éviter de faire des dégâts, je préfère pleurer comme un bébé, comme un gros pd sa mère même.  Ahmed c'est Ahmed, c'est pas Imad.. Il m'a fait du mal c'est vrai mais lui j'peux pas lui rendre. J'ai souffert de sa faute, de son ignorance c'est vrai mais je lui rendrai pas méchamment si ce n'est pas en tournant la page. J'ai l'impression que jamais de ma vie je réussirais à lui faire de mal, tout simplement parce que c'est lui.. C'est bizarre mais c'est comme ça. Je l'aimais trop et c'est toujours le cas, j'peux pas trahir mon cœur pour des idées noires et glauques qui traînent dans ma tête.. Impossible, c'est pas moi de faire ça.