-Mais on ne m'a jamais dit marrante, ai-je pensé à voix haute.

- Les gens n'ont pas le sens de l'humour.

- J'imagine que j'ai affaire à un expert en la matière.

-Exact.

On s'est allongé dans l'herbe. Encore.

- Constellations.

- Quoi ?

- C'est un beau mot.

- Mouais.

J'ai levé la tête. Il n'y avait pas d'étoiles à noter, on habitait trop près de la ville et croyez-moi, c'était sacrément dommage car les étoiles, il y a rien de plus beau.

- Alliciant.

J'ai haussé un sourcil.

-Ça signifie séduisant. Je suis un jeune homme alliciant, par exemple.

Un rire m'a échappé.

-Tu es donc capable de rire, a-t-il commenté pensivement.

-C'était moqueur.

-C'était tout de même quelque chose.

Il a sorti ses clopes.

-Pétuner. C'est joli comme mot, non ? Ça signifie fumer du tabac.

-Pas mal, ai-je commenté placidement.

-Tu pétunes ? a-t-il proposé.

-Pourquoi pas, ai-je acquiescé.

J'ai pris une clope avant d'ajouter :

- Mais faut que j'arrête.

-Moi aussi. Je suis trop jeune pour ça.

-Pareil, ai-je soupiré en allumant ma cigarette.

On a rien dit pendant un moment. Je l'ai regardé, je veux dire, vraiment regardé. J'ai tracé le concours de son visage dans la nuit, senti du bout du nez son odeur de tabac et de parfum commercial, touché sa jaquette bleu.
Je me suis dit que j'avais envie de capturer cette image à jamais. Je me suis dit, ça ferait un beau dessin, quand même. Ou une belle photographie. Mais le problème des mots, le problème de la photo, de la peinture, c'est qu'elles ne valent jamais la vie. Un instant, c'est bien plus qu'une vague description jetée au hasard sur une feuille, qu'elle soit visuelle ou descriptive.

Il y avait plus. Il y avait toujours bien plus. Il y avait mon cœur battant, la chaleur que Fly dégageait, l'odeur des cigarettes, la nuit qui s'humidifiait, les criquets qui chantaient.

-Alors, dis moi tout... a-t-il dit au bout d'un moment. Tu prends de ta came ?

-De l'extasie ?

-Ouais.

-Non, non. C'est pas pour moi, ça, ai-je dit en rejetant l'idée d'un geste de main. Comme Momo dit, "je ne veux pas être heureux, je préfère encore la vie."

-C'est Romain Gary.

-C'est ça.

Je l'ai regardé, surprise.

-Moi, j'aime les mots, a-t-il dit avec un haussement d'épaule et un petit sourire contrit. Et j'adore ce livre.

-Moi aussi.

-Tu aimes lire ?

J'ai évincé la question d'une grimace. J'ai hésité à expliquer, à expliquer que j'avais toujours détesté parler, que les mots m'avaient bien trop blessés. Et puis, un jour, j'avais amené Rayane dans cette bibliothèque pourrie du quartier et j'avais pris un livre au pif, en l'attendant. En premier, j'étais tombée sur un essai de philosophie. Comme je comprenais un paragraphe sur trois, j'avais choisis un autre livre. « La vie devant soi ». Cela me plaisait bien comme titre. Je l'avais lu. Au début, je lisais un peu en diagonal, comme les livres pour le lycée. Et puis, j'avais écouté la voix de Momo et je m'étais mis à apprécier un peu plus les mots.

J'ai fixé le vide à se souvenir. Il y a des souvenirs, comme ça, qui semblent remonter à tellement loin, qu'ils s'effacent comme de rêves. Pourtant, contrairement à ces derniers, ils restent toujours dans un coin de ma tête. Fly, lui, a continué à parler. Il parlait vraiment tout le temps ce type.

-Tu as déjà pris de l'exta'?

-Ouais.

-C'était comment ?

J'ai hésité.

-C'est une drogue qui te donne des pulsions très...

-Animales ?

-Sexuelles, ai-je fini.

-Ah.

-Tu savais pas ?

-J'avais cru comprendre, a-t-il dit avec un petit sourire amusé.

-Et sinon bah... Ça te fait délirer. Vraiment.

-Et t'as jamais ré-essayé ?

-Non. J'ai pas besoin de ça pour que ma vie soit chaotique.

Je l'ai regardé dans les yeux. Il a dû croire que j'allais sortir quelque chose de très profond.

-L'addiction. Il y a rien de pire. Et crois-moi, j'en vois.

C'était une remarque digne des brochures anti-drogue de mon lycée mais qu'importe. C'était vrai.

Il a hoché la tête. Les mots ont continué à m'échapper, ils avaient cette mauvaise habitude en la présence des gens que j'aimais bien. Fallait croire que j'aimais bien ce type.

-En réalité, parfois j'ai l'impression de ressentir tout si fort... Enfin, je sais pas. J'ai pas besoin de la drogue pour avoir l'impression d'être...

J'ai fait une pause. Intérieurement, ça m'a fait marrer car il semblait réellement suspendu à mes lèvres.

-... sous extasie.

Il y a eu un silence.

-En gros, t'as pas besoin de drogue pour avoir envie de baiser.

J'ai levé les yeux au ciel.

-Toujours dans la finesse, Fly. Excellent.

Il a ri.

Holà ! Merci pour vos nombreux retours sur mes premiers chapitres ! Je suis contente que ça vous plaise. 💕
Je vais tenter d'être plus régulière dans mes publications en plus j'ai plusieurs chapitres d'avances donc aucunes excuses...
Je vous embrasse tous fort,
BlueCalifornie

Sous extasyWhere stories live. Discover now